Gouvernance : les vétérinaires font face à de forts enjeux - La Semaine Vétérinaire n° 1601 du 17/10/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1601 du 17/10/2014

Forum Ergone

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Auteur(s) : Clarisse Burger

La profession se retrouve confrontée à des enjeux économiques et à un cadre législatif qui évolue. À l’occasion du forum Ergone, des praticiens, des coachs, des directeurs des ressources humaines et des responsables de laboratoires ont décrypté ce qui bouleverse leur environnement de travail.

La gouvernance ne concerne pas seulement les grandes entreprises. Les dirigeants de structures de très petite taille doivent aussi adopter une vision stratégique, pour en assurer la croissance et la rentabilité. « Nos cliniques sont aujourd’hui des entreprises, explique Pierre-Marie Cadot président d’Ergone. Pour les faire vivre, il faut les gouverner, et pour gouverner, il faut décider. Et pour décider, il faut clarifier les rôles de chacun, et pour cela, organiser l’entreprise. » Le forum annuel d’Ergone, qui s’est déroulé à Paris les 9 et 10 octobre derniers, rassemble chaque année plus d’une cinquantaine de chefs d’entreprise vétérinaire. Ils y échangent sur leur stratégie, leurs relations entre associés, leurs investissements et leurs difficultés, ne serait-ce qu’en termes de communication entre les équipes.

L’importance d’une gouvernance ne sera jamais assez répétée. Actuellement, les structures vétérinaires évoluent dans un contexte économique difficile, une concurrence accrue dans un marché intérieur en pleine mutation, à l’heure de bouleversements réglementaire et législatif. Combien de structures ont dû revoir leur organisation pour mettre en œuvre un nouveau projet de développement, simple ou complexe. Les raisons sont multiples : mésentente entre les associés, problème de leadership, absence d’indicateurs de suivi de l’activité, faible retour des actions mises en place, absence de protocoles entre les équipes, temps de formation décalé, problèmes générationnels, absence d’harmonisation des pratiques ou de politique des prix, etc. La clinique vétérinaire des Hutins à Saint-Julien-en-Genevois (huit vétérinaires dont cinq associés et dix ASV), venue présenter ses travaux de réflexion lors du forum Ergone, s’est notamment heurtée à ces écueils. Depuis, des solutions ont été mises en place en termes de gouvernance (redéfinition de la stratégie, travail sur la cohésion des équipes, etc.), de management (instauration d’indicateurs de suivi simples) et de communication (pour les clients, les référents, les équipes internes). Un travail de réflexion nécessaire pour retrouver « un esprit de groupe renouvelé », selon le praticien Cyril Chovet, l’un des associés de la clinique caducée.

Des clés pour gouverner

Si les grandes entreprises ne jouent pas dans la même cour, certaines règles de gouvernance sont communes, quelle que soit la taille de la structure. Pour Yves Grandmontagne (A 87), aujourd’hui directeur des ressources humaines de Microsoft France (1 800 personnes) – auparavant DRH chez Pfizer France –, il est essentiel de se concentrer sur la valorisation des équipes. « L’envie d’aller travailler le matin, c’est, en quelque sorte, la qualité de la relation humaine de l’entreprise. L’environnement de travail et la qualité des perspectives de carrière sont les deux points importants. Et il faut, par conséquent, consacrer au moins 30 à 40 % de son temps aux individus », a-t-il détaillé à l’occasion du forum. Son rôle est « d’attirer les meilleurs, les talents dont on a besoin, de développer leur carrière et de les retenir dans l’entreprise ». Un employeur vétérinaire a les mêmes objectifs.

À condition de respecter certaines règles de fonctionnement et de faire preuve de bon sens. Pour la société de conseil en management Acteüs, qui a également participé au forum, le chef d’entreprise doit savoir à quel style de leadership il adhère. Est-il plutôt dans la délégation participative, persuasive, totale ou directive pour diriger ses équipes ? De plus, sait-on toujours à quel pilote la clinique a à faire ? Faute de quoi, associés comme salariés risquent de ne pas suivre le bon cap. Pour Nathalie Dumur, coach à Acteüs, toute la difficulté réside, pour le dirigeant, dans sa capacité à déléguer et dans sa connaissance de lui-même. Celui-ci peut souhaiter déléguer, vouloir partager le processus de décision avec son équipe, et en réalité, avancer « masqué » et se révéler malgré lui très directif, bloquant ainsi la mise en œuvre des missions et l’exécution des tâches. « Si vous prenez les décisions avant de les co-construire avec vos collaborateurs, ou si vous mettez votre équipe sous pression, la délégation participative ou persuasive sera inadaptée ou inefficace », explique Nathalie Numur qui rappelle que si un cadre est défini au préalable, le fonctionnement de la clinique ou du cabinet pourra éviter des crises de gouvernance.

De nouveaux enjeux économiques

Tout en organisant leur gouvernance, les entreprises vétérinaires doivent aussi s’adapter aux actuels bouleversements réglementaires ou législatifs. S’agit-il d’évolutions inquiétantes ou nécessaires ? Certains projets de loi font déjà beaucoup de remous. Témoin, la grève du 30 septembre dernier qui a mobilisé les libéraux de divers secteurs d’activité (santé, droit, chiffre) dans la rue, et ce, dans toute la France, pour protester contre le projet de loi d’Emmanuel Macron, actuel ministre de l’Économie. En effet, que va inclure la future loi “Macron”, qui risque fortement de s’appuyer sur le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), tant décrié par la plupart des professions réglementées1 ? L’ouverture du capital aux tiers (jusqu’à 49 %) inquiète bon nombre de vétérinaires qui ne souhaitent pas subir la suprématie de la finance internationale dans leurs activités. Liberté de détention de capital et liberté des prix, déréglementation et renforcement des ordres… sont autant de questions que se pose la profession, tout en organisant au mieux les structures uniques ou multiples.

De futures contraintes légales

Enfin, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt vient d’être validée par le Conseil constitutionnel. Elle bouscule praticiens et laboratoires pharmaceutiques. Pierre Mathevet, responsable pharmaceutique délégué chez Merial (groupe Sanofi où se déroulait le forum Ergone), rappelle que cette loi représente un nouvel enjeu économique pour la profession, notamment avec la baisse de 25 % de la consommation d’antibiotiques vétérinaires et d’antibiotiques critiques vétérinaires. Elle apportera aussi une meilleure transparence dans les relations entre fournisseurs et prescripteurs. Quant à la question des médicaments contenant des substances antibiotiques (article L. 5141-14-2 du Code de santé publique), c’est la fin des remises, ristournes et rabais du laboratoire vers le distributeur ou vers l’ayant-droit. « Ce qui a pour conséquence un prix de vente unique pour un laboratoire mais une possibilité de trouver sur le terrain la même présentation antibiotique à des prix différents et des ristournes possibles jusqu’au 31 décembre 2014 avec les contrats actuels », a précisé Pierre Mathevet qui ne cache pas la possibilité à terme, de perte de marge sur les antibiotiques pour certains acteurs. Les enjeux pour les vétérinaires vont donc être, selon lui, de « conserver leurs prix de vente terrain actuels et de faire des prescriptions raisonnées » ; pour les laboratoires de « ne pas garder l’intégralité de la marge récupérée par l’arrêt des remises arrières et surveiller les prix des génériques concurrents ». Enfin, en cas de non-respect de la loi lors de la vente de ces médicaments : les amendes administratives s’élèvent pour les personnes physiques à 15 000 €, pour les personnes morales à 75 000 €, auxquelles s’ajoutent 1 000 € d’astreinte journalière, et une amande doublée s’il y a réitération dans les deux ans.

En conséquence, « l’objectif est de lutter contre l’antibiorésistance. C’est un battage de cartes dont les entreprises les plus solides et les plus dynamiques sortiront grandies », analyse Charles Facon de Labovet Conseil pour qui, les structures de productions animales les moins bien disposées et incapables d’investir risquent d’être fragilisées par la LAA. Toujours est-il que les petites et moyennes structures adaptées (canine, mixte, équine) continuent à se développer, malgré la baisse du pouvoir d’achat, comme en témoigne notre baromètre 2014 de l’économie vétérinaire2.

  • 1 Lire aussi La Semaine Vétérinaire n° 1599 du 3/10/2014 en pages 14 à 16.

  • 2 Lire le hors-série n° 14 offert avec La Semaine Vétérinaire n° 1600 du 10/10/2014.

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