Approche chirurgicale d’une fracture de carapace chez une tortue - La Semaine Vétérinaire n° 1599 du 03/10/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1599 du 03/10/2014

Entreprise

NAC

Auteur(s) : Samuel Sauvaget

Fonctions : praticien, consultations exclusives en médecine et chirurgie des NAC et animaux exotiques à Marseille (Bouches-du-Rhône)

CAS CLINIQUE

Une voiture a roulé sur une tortue, provoquant une importante fracture sur le côté droit, une heure avant sa présentation en consultation.

Examen clinique

À son admission, une hémorragie importante, qui provient de la carapace, est constatée. La tortue est ambulatoire et les mouvements de ses pattes sont cohérents, ce qui laisse supposer l’absence d’atteinte de la moelle épinière.

La fracture remonte en haut de la carapace et se prolonge sur le plastron, sans perte de substance. Le poumon droit est visible à travers le trait de fracture et se gonfle à chaque inspiration.

Examen d’imagerie

Un scanner est effectué afin d’établir un bilan d’extension des éventuelles lésions internes. La tortue n’est pas anesthésiée, mais simplement entourée d’une bande V-trap® afin de l’immobiliser pendant la durée de l’examen (cinq minutes environ).

Le poumon droit est affaissé, mais son intégrité n’est pas compromise. Comme les tortues présentent une grande tolérance aux conditions pauvres en oxygène, il est raisonnable de penser que l’altération des capacités respiratoires de l’animal n’est pas préjudiciable à sa survie à court terme. Aucun signe d’hémorragie interne n’est constaté et les viscères semblent intègres. La colonne vertébrale n’est pas atteinte.

Prise en charge initiale

La tortue est réhydratée (perfusion intracœlomique d’un mélange de Nacl et de glucose à 5 %, à parts égales, 10 ml/kg). Elle reçoit un antibiotique (enrofloxacine, 10 mg/kg une fois par jour, par voie intramusculaire), un anti-inflammatoire (0,2 mg/kg de méloxicam une fois par jour, par voie intramusculaire) et de la morphine (1 mg/kg deux fois par jour, par voie sous-cutanée).

Un pansement humide (compresses imbibées de sérum physiologique tiédi et maintenues par une bande V-trap®) est appliqué sur la fracture. L’hémorragie provenant de la carapace s’est spontanément arrêtée. Un pansement compressif aurait, sinon, pu être appliqué.

Des soins généraux sont pratiqués matin et soir pendant trois jours, afin de nettoyer correctement la plaie (désinfection et renouvellement du pansement humide, antibiothérapie et analgésie) et, dans une certaine mesure, de s’assurer de la viabilité de la tortue.

Intervention chirurgicale

La tortue est anesthésiée (5 mg/kg d’alphaxalone par voie intraveineuse), intubée et placée sous sévoflurane. La ventilation est assurée par un respirateur pour petits animaux.

La carapace est désinfectée. Des trous sont forés à l’aide d’un moteur de chirurgie de part et d’autre du trait de fracture afin d’y insérer des vis à corticale (2 mm de diamètre, 8 mm de long). Des cerclages sont placés autour des vis afin de réduire la fracture.

Enfin, une sonde d’œsophagostomie est posée, permettant d’alimenter (Oxbow Critical Care® Fine Grind), d’hydrater et d’administrer facilement les médicaments. Cette sonde peut rester en place plusieurs semaines. Elle sera retirée lorsque la tortue se réalimentera spontanément. Un pansement humide identique à celui utilisé avant la réparation recouvre la fracture et devra être changé régulièrement.

Suivi postopératoire

La cicatrisation est longue (plusieurs mois généralement) et impose de maintenir l’animal dans un environnement propre (terrarium chauffé et éclairé convenablement, pas de substrat poussiéreux).

La sonde est retirée au bout d’un mois, la tortue se réalimentant seule. Elle est revue à plusieurs reprises les mois suivants. La carapace suit normalement son processus de cicatrisation. Une brève hibernation (un à deux mois) pourra être envisagée si l’état de la tortue est jugé satisfaisant (état d’embonpoint, absence d’infection de la plaie, examen clinique général correct, conditions d’hibernation adéquates). Le matériel (vis et cerclages) sera à retirer au printemps suivant, soit pratiquement un an après le traumatisme.

DISCUSSION

Évaluer les lésions par imagerie

Avant d’envisager la réparation de la carapace, un bilan d’extension des lésions est nécessaire. L’ensemble des techniques d’imagerie peut être utilisé, le scanner étant à la fois intéressant pour l’évaluation des structures osseuses et celle des tissus mous. L’objectif est de vérifier l’intégrité des organes internes et de repérer d’éventuelles hémorragies, fractures squelettiques, fuites digestives, etc.

Assurer une réanimation suffisamment longue

Les premiers jours de soins sont essentiels et permettent de prendre en charge :

> d’éventuelles infections ;

> la douleur, difficile à repérer chez les reptiles (anorexie, léthargie, réactions de défense ou de retrait), mais à traiter systématiquement ;

> l’hydratation (enfoncement des globes oculaires).

Il est toujours difficile de donner un pronostic vital fiable. Les tortues sont, en effet, des animaux susceptibles de décompenser lentement. Il importe donc de prendre le temps de la réanimation avant de se lancer dans la réparation. Même lorsque la tortue semble viable, le propriétaire doit être prévenu qu’une décompensation peut intervenir dans les semaines qui suivent l’accident.

Réduire la fracture

En l’absence de perte de substance, comme dans le cas décrit, la réduction des fractures s’effectue par un système de vis et de cerclages ou encore à l’aide de colliers autobloquants (type colliers d’électricien fixés sur la carapace). Le principe consiste à simplement remettre bord à bord les traits de fracture, de façon à obtenir un positionnement de la carapace le plus anatomique possible, sans générer de contraintes par un serrage excessif des cerclages ou des colliers.

Lors de pertes de substances importantes (accident de tondeuse, morsures par un chien), des pansements humides renouvelés régulièrement et une cicatrisation en seconde intention par granulation sont recommandés.

Une antibiothérapie est également indispensable.

La pose d’une sonde d’œsophagostomie peut être envisagée car elle constitue une véritable “ligne de vie” pour la tortue. Les propriétaires ont ainsi la possibilité d’administrer facilement les médicaments, d’hydrater et de nourrir leur tortue. Il ne faut pas hésiter à bloquer l’hibernation de l’animal si celui-ci ne présente pas un état de santé satisfaisant. Dans ce cas, il est maintenu en terrarium convenablement chauffé et éclairé (rayons UV) pendant toute la période hivernale.

La pose de résine afin d’étanchéifier la carapace est déconseillée depuis plusieurs années. Cette pratique peut être responsable de brûlures internes, car les résines sont exothermiques. Il existe également un risque d’enfermer des germes à l’intérieur de la tortue et de favoriser une infection.

Pour en savoir plus

> Schilliger L. Une technique “élégante” de réparation des fractures de la carapace chez les tortues. Pratique des animaux sauvages et exotiques. 2007, 14-16.

> Mader D.R. Reptile Medicine and Surgery, 2nd ed. Elseviers Saunders 2006:1242 p.

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