Le rapport bénéfice-risque de l’oxyde de zinc en postsevrage est controversé

Dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance et le plan écoAntibio 2017, la filière porcine recherche des solutions pour réduire l’usage des antibiotiques. Concernant la pathologie digestive du postsevrage, l’oxyde de zinc (ZnO) pourrait être – le conditionnel est à noter – une solution alternative efficace à la colistine, principale molécule utilisée dans la prévention et le traitement des diarrhées colibacillaires.

La supplémentation des aliments en zinc à dose médicamenteuse est autorisée aux États-Unis et dans certains pays d’Europe, tels que le Royaume-Uni, l’Espagne, la Belgique et le Danemark, alors qu’elle est interdite en Allemagne et aux Pays-Bas. En France, l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) a publié, en mars 2013, un rapport mitigé sur l’utilisation des prémélanges médicamenteux contenant de l’oxyde de zinc.

UN MODE D’ACTION À ÉLUCIDER

Le zinc est un oligoélément indispensable aux porcs, autorisé comme additif dans l’alimentation à une concentration maximale de 150 ppm. Cette limite devrait être revue à la baisse à la demande de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). À plus fortes doses encore, il a également un effet préventif, mais non thérapeutique, sur les diarrhées colibacillaires et sur la maladie de l’œdème, deux infections causées par des Escherichia coli entérotoxinogènes (Etec). Le mode d’action du zinc n’est pas encore totalement expliqué : il aurait un effet antibactérien direct ou il agirait en bloquant l’adhésion et l’invasion des Etec.

UNE AUGMENTATION DU GMQ JUSQU’À 16 %

Le sevrage est une période à risque pour le porcelet, car la transition alimentaire, les vaccinations et la mise en lot provoquent un stress favorable à l’apparition de troubles digestifs.

Or, l’utilisation d’un aliment enrichi en ZnO pourrait diminuer la fréquence et la gravité des diarrhées en postsevrage. Une baisse de la mortalité et une augmentation des performances de croissance ont été observées. L’efficacité du zinc semble être maximale à une concentration de 2 500 ppm (ce qui correspond à une supplémentation en ZnO de 3 100 ppm), avec une amélioration du gain moyen quotidien (GMQ) de 16 %.

Le zinc est peu toxique. Cependant, un surdosage ou une supplémentation trop longue entraîne une diminution du GMQ. Il est donc recommandé de ne pas dépasser 14 jours de traitement dans la période du sevrage.

ZnO ET ANTIBIORÉSISTANCE

L’utilisation de ZnO est pourtant controversée, car certaines bactéries possèdent un gène de résistance au zinc. Des chercheurs craignent donc le développement de résistances croisées et la cosélection de bactéries résistantes aux antibiotiques. Une équipe canadienne a mené une étude¹ pour déterminer si la présence de zinc à forte dose dans la ration entraîne une pression de sélection sur les Staphylococcus aureus résistants à la méthicilline (Sarm).

99 porcelets sont répartis en deux groupes au moment du sevrage. L’un est supplémenté en ZnO à hauteur de 3 000 ppm, l’autre constitue le lot témoin. Des écouvillons nasaux sont effectués à intervalles réguliers pendant 49 jours. L’analyse microbiologique révèle une augmentation significative de la prévalence des Sarm à une et deux semaines postsevrage dans le groupe supplémenté en ZnO, par rapport au lot témoin. Il serait donc intéressant de mener d’autres études à plus long terme pour évaluer précisément le risque de résistance croisée et de cosélection.

ZnO ET ÉCOTOXICITÉ

La supplémentation en ZnO à hauteur de 3 100 ppm durant la période du sevrage augmente surtout de 70 % la teneur en zinc des déjections animales. L’épandage du lisier est donc susceptible de conduire à une accumulation de ce métal lourd dans les sols et de générer un risque de ruissellement vers les cours d’eau, notamment à partir de sols acides et sablonneux. De plus, le rapport de l’Anses publié l’an dernier indique un risque toxique pour les différents compartiments de l’environnement (aquatique et terrestre). L’agence recommande donc d’utiliser l’oxyde de zinc uniquement dans les ateliers d’engraissement qui ne traitent pas le lisier avant l’épandage.

L’oxyde de zinc est-il une solution prometteuse pour réduire les diarrhées du postsevrage, tout en diminuant l’usage des antibiotiques ? Le schéma posologique de 3 100 ppm pour une durée maximale de 14 jours pourrait être validé mais sans doute réduit pour éviter une pollution excessive. Les inquiétudes sont importantes sur le risque environnemental, voire de cosélection et de résistances bactériennes.

Sources : Burch D. The role of zinc in piglet health, jun 2014. Pig Progress Special, 2014.

• 1 Slifierz M.J., Friendship R., Weese J.S. An investigation into the effects of zinc oxide in pig starter rations on the persistence of antibiotic resistance. Proceedings of 33^rd Centralia Swine Research Update, 2014, II-20-II-21.