Aspects cliniques et lésionnels de l’histomonose chez la dinde - La Semaine Vétérinaire n° 1597 du 19/09/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1597 du 19/09/2014

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : Karim Adjou

L’histomonose est une maladie parasitaire des galliformes due à un protozoaire, Histomonas meleagridis. Il s’agit d’une typhlo-hépatite, d’où l’hypertrophie et la nécrose des cæca et du foie. L’histomonose était particulièrement rare avant 2002, et ne représentait que 1 % de l’ensemble des maladies de la dinde. Depuis l’interdiction des molécules contre l’histomonose en 2003, elle est devenue une affection parasitaire réémergente dans la filière avicole et son taux atteint 6 % de l’ensemble des maladies de la dinde (Souillard R. et coll., 2011).

Si l’histomonose est qualifiée, la plupart du temps, de “maladie des galliformes”, cela n’est pas restrictif, car elle peut aussi toucher les ansériformes. Plusieurs galliformes sont sensibles à différents degrés à l’infestation histomonique. Ainsi, la dinde, la pintade et la perdrix le sont particulièrement.

Les symptômes chez la dinde

Quel que soit le mode d’infection, une période d’incubation moyenne de sept à dix jours postinfestation est retenue (Zenner et coll., 2005).

Des dindonneaux raides et inattentifs, un amaigrissement associé à une anorexie, une faiblesse générale marquée, des ailes tombantes et des plumes hérissées représentent les premiers signes cliniques, qui sont non spécifiques.

À la suite de l’inflammation des cæca, une diarrhée jaune soufre, qui tache les plumes périanales, peut apparaître vers le 9e ou le 10e jour. La dose infestante, l’âge de l’hôte et la virulence du parasite sont des facteurs qui influencent la survenue de la diarrhée. Cette dernière constitue le premier symptôme caractéristique de la maladie. Au fur et à mesure, elle s’intensifie et devient notable entre la 4e et la 8e semaine d’âge.

Une cyanose des appendices charnus de la tête peut être relevée, d’où la dénomination de “blackhead” en anglais ou de “maladie de la tête noire” en français (McDougald, 2003; Zenner et coll., 2005).

D’autres symptômes non spécifiques, tels que l’anorexie, la somnolence, la démarche anormale, la tête basse ou cachée sous une aile, sont rapportés. C’est pourquoi, à partir du 12e jour, la dinde devient très cachectique (Zenner et coll., 2005).

L’allure contagieuse de la maladie provoque une augmentation du taux de mortalité, qui s’élève de 1 à 2 % par jour, jusqu’à atteindre 85 % (McDougald, 1997 ; Souillard et coll., 2009). La mortalité commence vers le 11e ou le 12e jour, devient importante vers le 14e, atteint un pic vers le 17e et persiste jusqu’à la fin de la quatrième semaine. La maladie peut être amplifiée par les affections secondaires et, surtout, respiratoires. Lors de perforation des cæca, l’histomonose se trouve compliquée par des péritonites. Les survivants présentent alors un retard de croissance (Zenner et coll., 2005).

LE TABLEAU LÉSIONNEL

Les lésions macroscopiques

L’histomonose est une typhlo-hépatite qui s’exprime généralement par des lésions circonscrites au foie et aux cæca. Ainsi, les autres organes sont souvent indemnes. Les atteintes des organes sont précoces par rapport à l’apparition des symptômes (Zenner et coll., 2005).

> Les lésions cæcales sont communes à la plupart des espèces sensibles, avec quelques variations liées à l’espèce ou à l’individu. Elles peuvent concerner un ou deux cæca, intéresser la totalité ou une partie de l’organe. Dans ce cas, elles sont localisées, notamment à l’extrémité borgne. Au départ, entre les 7e et 9e jours postinfestation, une congestion et un épaississement de la paroi cæcale sont rapportés. Puis, entre le 8e et le 14e jour, un exsudat muqueux, voire hémorragique, qui contient des parasites, remplit la lumière cæcale. C’est pourquoi les cæca apparaissent distendus, comme de gros boudins irréguliers, bosselés à la surface. Il en résulte également un durcissement de la paroi cæcale. À la palpation, les cæca sont fermes. Des lésions tardives de type ulcératif et caséo-nécrotique peuvent aussi être observées.

Un magma jaunâtre, généré par la déshydratation de l’exsudat, rend difficile la mise en évidence du parasite. Ce magma cæcal est appelé “bouchon cæcal” ou “bourbillon cæcal”, car il se dépose de manière cyclique. Ainsi, les nouvelles couches apparaissent collées à la muqueuse cæcale. Les strates centrales (plus anciennes) sont liquéfiées par la flore microbienne. Le bourbillon est soit mis en évidence lors de l’autopsie des animaux, soit rompu et éliminé dans les fientes entre les 17e et 22e jours si l’animal survit. Ce dernier cas de figure est rare chez les jeunes dindons (BonDurant et Wakenell, 1994).

Une péritonite généralisée peut résulter de la perforation du cæcum, à la suite d’un processus ulcératif intense. Il en découle des adhérences entre le cæcum et les anses intestinales voisines, voire avec la paroi abdominale, lors du passage à la chronicité (Zenner et coll., 2005).

> Les lésions hépatiques, contrairement aux lésions cæcales, sont moins fréquentes et peuvent être complètement absentes. Elles apparaissent en général vers le 9e ou le 10e jour et sont très variables selon l’épisode clinique et l’âge de la dinde. En effet, Histomonas atteint le système porte et le foie à la suite de l’accumulation de mucus dans les cæca et de la rupture des capillaires de la sous-muqueuse cæcale.

Le foie est hypertrophié, décoloré et parsemé en dépression de taches circulaires de 2 à 20 mm de diamètre, qui ont un centre jaunâtre et une périphérie grisâtre, et dont le nombre fluctue. Ces lésions, dites “en cocardes”, représentent des foyers de nécrose et sont caractéristiques de l’histomonose.

La coupe révèle la profondeur et l’enfoncement de ces atteintes dans le parenchyme hépatique. Ainsi, la régénération de ce dernier, après un mois de traitement, fait apparaître un tissu cicatriciel composé de quelques infiltrations de graisse.

Les lésions microscopiques

Dans le cæcum, une hyperhémie et des thrombis peuvent être notés au niveau des vaisseaux sanguins. L’examen histologique de la muqueuse et de la sous-muqueuse révèle une infiltration hétérophilique et monocytaire de la lamina propria. Cette dernière renferme aussi des Histomonas, qui sont bien visibles (Euzéby, 1986).

Une infiltration lymphocytaire est observée sur la musculeuse externe. Des granulomes à cellules géantes et plurinucléées, enfermant des Histomonas, sont présents sous la séreuse, dès le 12e jour.

Le bouchon cæcal, quant à lui, est formé d’une matrice amorphe qui contient :

– des formes tissulaires d’Histomonas périphériques ;

– des débris cellulaires de la muqueuse ;

– des hématies ;

– des leucocytes.

Au niveau du foie, des lésions le long des veinules sont générées par le passage d’un grand nombre d’Histomonas dans la veine porte. Les cellules hépatiques sont le siège d’un gonflement, d’une dégénérescence et d’une nécrose, et sont souvent remplacées par des histiocytes, des débris cellulaires, des lymphocytes, des éosinophiles, des cellules géantes et des parasites. Les cellules géantes multinucléées ou les vaisseaux sinusoïdes sont susceptibles de renfermer des Histomonas en dégénérescence.

Lors de guérison, trois à quatre semaines après le traitement, les lésions disparaissent et sont remplacées par un parenchyme cicatriciel composé d’infiltration de graisse.

Souillard R. et coll. (2009). Recherches d’Histomonas meleagridis par PCR dans les élevages de dindes : suivi de 10 lots atteints d’histomonose, étude de la prévalence du portage d’Histomonas meleagridis dans 150 élevages et suivi d’un élevage récidiviste d’histomonose. Huitièmes journées de la recherche avicole, Saint-Malo, 25 et 26 mars 2009. Souillard R. et coll. (2011). Étude de la persistance d’Histomonas meleagridis dans les élevages de dindes atteints d’histomonose. Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation, vol. n° 44, 22-24. Guérin J.-L. et Boissieu C., Avicampus : le groupe avi-cunicole de Toulouse Agri Campus (En ligne). Disponible sur : http://www.avicampus.fr/parasito.html (Page consultée le 15/7/2013). Zenner L., Huber K., Chauve C. Nouveaux éléments pronostiques et diagnostiques sur l’histomonose de la dinde. In : Rencontres interprofessionnelles de pathologie aviaire : un regard nouveau sur l’actualité pathologique (Rennes, 2005), Rennes : groupe Chêne Vert, 2004, 94-98. McDougald L. R. et Hu J. Direct lateral transmission of histomonas meleagridis in turkeys. Avian Dis., 2003, 47(2):489-492. McDougald L. R. Research on the epidemiology and pathogenicity of histomoniasis in chickens and turkeys. Turkey Production : balance act between consumer protection, animal welfare and economic aspects. Ed Hafez H.M., 2003, 41-46. Bondurant R. H. et Wakenell S. Histomonas meleagridis and relatives. In: Parasitic protozoa. Vol IX. 2nd edition, JP. Kreier, New York, USA, 1994: p 189-206. Belaiche P.

DIAGNOSTIC ÉPIDÉMIOCLINIQUE ET NÉCROPSIQUE DE L’HISTOMONOSE

Une forte suspicion d’histomonose est possible lors de l’association :

> de signes cliniques :

– généraux qui ne sont pas caractéristiques (abattement, inappétence, anorexie, prostration, somnolence, amaigrissement rapide, ailes tombantes, démarche anormale, tête noire et mortalité) ;

– spécifiques et caractéristiques (une diarrhée jaune soufre) ;

> de l’épidémiologie (allure de l’épizootie, des animaux jeunes).

L’établissement d’un diagnostic plus sûr nécessite le recours à l’autopsie. Cette dernière permet de mettre en évidence des lésions cæcales avec un “boudin caséeux” et/ou un foie “en cocardes”. L’association de ces deux atteintes est particulièrement intéressante lors du diagnostic.

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