Consensus du Gemi sur le diagnostic des maladies infectieuses - La Semaine Vétérinaire n° 1595 du 05/09/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1595 du 05/09/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Julie Gallay*, Christelle Maurey**, Laurent Masson***

Fonctions :
*clinique vétérinaire Olliolis à Ollioules (Var).
**service de médecine ENVA.

Les membres du Groupe d’étude en médecine interne (Gemi) ont ciblé les enjeux et les difficultés rencontrées lors du diagnostic des maladies infectieuses. Ils ont évalué les méthodes diagnostiques disponibles, afin d’arriver à un consensus sur les choix diagnostiques à recommander pour chacune d’elles, selon le contexte clinique (voir encadré 1). Deux exemples illustrent celui-ci : la leptospirose et la péritonite infectieuse féline (PIF).

TYPES DE TESTS

La PCR, un test direct de choix

La Polymerase Chain Reaction (PCR) se révèle intéressante pour le diagnostic des maladies infectieuses, car elle est plus sensible que les autres techniques directes (voir encadré 2). Elle met en évidence l’agent pathogène, qu’il soit vivant ou non, même en très faible quantité, grâce au système d’amplification. Elle est adaptée pour les organismes qu’il n’est pas possible de cultiver (spirochètes, mycobactéries, par exemple).

La sensibilité de la PCR est élevée, même si elle varie selon l’agent pathogène et le laboratoire d’analyses. Sa spécificité dépend des amorces utilisées par le laboratoire, qu’il importe de contacter pour connaître la qualité de la technique employée : certaines sont spécifiques d’un agent pathogène, d’autres sont communes à un genre (par exemple : Erhlichia/Anaplasma).

En PCR en temps réel (ou quantitative), des techniques de biologie moléculaire sont mises en place pour améliorer la spécificité de la technique.

Les principales limites à son utilisation, comme pour les autres tests directs, sont :

– la disponibilité d’un échantillon “pertinent” (le sang n’est pas toujours le meilleur échantillon à envoyer, lors de leishmaniose ou de PIF, par exemple) ;

– l’interférence avec l’instauration d’un traitement spécifique (élimination totale par un antibiotique, par exemple) ;

– la détection d’animaux porteurs sains (ou subcliniques) et les difficultés d’interprétation d’un résultat positif si la méthode n’est pas quantitative.

Intérêt de la sérologie en phase chronique

La sérologie détecte l’exposition à un agent pathogène via la réponse immunitaire de l’hôte, voire quantifie les anticorps dirigés contre celui à identifier. Les échantillons sont faciles à prélever et à conserver (une semaine à + 4 °C ou six mois à – 20 °C) : sérum ou plasma hépariné (éviter l’EDTA), épanchements, liquide cérébro-spinal (LCS), humeur aqueuse. Des tests rapides (qui reposent sur l’immunochromatographie ou l’Elisa) sont réalisables au chevet de l’animal.

Compte tenu de la persistance des anticorps dans le temps, l’interprétation des résultats est délicate lorsque la prévalence du portage est élevée, comme en zone endémique de la leishmaniose.En phase aiguë, la sérologie peut être négative. Effectuer une cinétique d’anticorps (soit deux mesures à deux à trois semaines d’intervalle) aide alors à déterminer si l’exposition est récente ou non, tout comme la distinction entre les IgM et les IgG lors de toxoplasmose.

Les principales limites de la sérologie sont :

– l’interférence avec la présence d’anticorps vaccinaux ou maternels (faux positifs) ;

– le délai entre l’infection et la synthèse d’anticorps (trois à quatre semaines généralement) ;

– l’éventuelle absence de spécificité par rapport au diagnostic de la maladie, la synthèse d’anticorps pouvant être liée à un portage asymptomatique (pour la borréliose, la leishmaniose, la PIF, la toxoplasmose, par exemple) ;

– la faible synthèse d’anticorps lors d’infection entraînant peu ou pas de stimulation des lymphocytes B (mycobactérioses) ou par des germes opportunistes chez un animal immunodéprimé (faux négatifs).

Choix d’une méthode diagnostique

Le choix d’une ou plusieurs méthodes de diagnostic dépend du contexte clinique (durée d’évolution, formes cliniques), épidémiologique (vie en collectivité, âge, protocoles vaccinaux, type de vaccin utilisé), technique (mise en place d’un traitement spécifique préalable, choix et disponibilité du prélèvement, disponibilité des méthodes de diagnostic, analyse de première intention ou de confirmation), juridique (cas des vices rédhibitoires) et financier.

La PCR et la sérologie sont deux approches complémentaires. En pratique, la PCR est préférée dans les phases aiguës, dans les zones d’enzootie de la maladie ou en présence d’anticorps vaccinaux, ou pour identifier des porteurs asymptomatiques. La sérologie peut être utilisée dans les phases chroniques, lors de traitement anti-infectieux, en l’absence d’échantillon susceptible de contenir l’agent pathogène.

EXEMPLES DE CONDUITES À TENIR

Suspicion de leptospirose

Lors de suspicion de leptospirose, l’interférence entre les tests diagnostiques reposant sur la mesure d’anticorps et la vaccination peut poser de réels problèmes d’interprétation des profils sérologiques. Des réactions croisées conduisent parfois à un titrage supérieur à 800, même pour des sérovars absents de la vaccination. Le délai d’apparition des symptômes est le second élément à prendre en compte pour choisir une méthode diagnostique. La technique par micro-agglutination est la méthode de référence. En l’absence d’antibiothérapie, le groupe d’experts recommande de réaliser une PCR sur l’urine et le sang, suivie d’une sérologie lors de résultat négatif malgré un contexte clinique très évocateur. Si une antibiothérapie est déjà instaurée, la sérologie est préférée car elle est moins sujette à de faux négatifs, bien qu’une antibiothérapie puisse diminuer la réponse sérologique. Il convient alors de rechercher une séroconversion, c’est-à-dire un titre multiplié par quatre en une à deux semaines, ou supérieur à 800 avec une valeur initiale inférieure à 100.

Suspicion de péritonite infectieuse féline

Le diagnostic de péritonite infectieuse féline (PIF) est difficile en raison de la coexistence d’une forme bénigne entéritique et d’une autre systémique inexorablement fatale. L’histologie a longtemps été considérée comme le gold standard pour le diagnostic de PIF : les lésions de vasculite pyogranulomateuse sont très évocatrices, mais l’examen ne les met pas systématiquement en évidence. Il convient de rechercher la présence du coronavirus en association avec ces lésions d’inflammation pyogranulomateuse (par cytologie ou histologie). L’immunohisto/cytochimie est la technique de référence. Elle détecte spécifiquement le pouvoir pathogène du virus muté, mais sa haute spécificité est associée à une faible sensibilité, et elle est manipulateur-dépendant. Elle n’est, par ailleurs, pas disponible commercialement en France.

Plus sensible, la rétro-PCR est largement utilisée. Elle est, en effet, facile à mettre en œuvre, mais ne permet pas de distinguer un virus pathogène d’un non pathogène. Peu de données sont publiées sur la validité de ces différentes techniques. Une PCR positive sur un épanchement abdominal ou un prélèvement de ganglion mésentérique (biopsie ou cytoponction) est délicate à interpréter. Une contamination par de l’ARN viral du virus entéritique est effectivement possible, notamment lors d’altération de la barrière intestinale. Une PCR concomitante sur les fèces peut alors se révéler intéressante pour comparer quantitativement la charge virale par rapport à la PCR abdominale.

L’intérêt de la sérologie est limité. Sa valeur est meilleure lorsqu’elle est quantitative et réalisée sur du liquide d’épanchement plutôt que sur du sang. Un résultat négatif n’écarte pas totalement l’hypothèse de PIF.

Le groupe d’experts recommande d’effectuer les tests diagnostiques dans un contexte clinique évocateur. Les prélèvements sont ensuite orientés selon les symptômes présentés : humeur aqueuse lors d’uvéite, LCS lors de troubles neurologiques, plutôt que du sang. Il convient de s’attacher à rechercher un épanchement exsudatif, même en petite quantité. En l’absence d’épanchement, avant d’envisager des procédures invasives telles que des biopsies ou des ponctions sous anesthésie, il peut être raisonnable de surveiller l’évolution clinique, car il s’agit d’une maladie chronique incurable.

1. IMPORTANCE DU CONTEXTE CLINIQUE

Le résultat d’un test doit systématiquement être interprété dans un contexte clinique global. La mise en évidence d’un agent pathogène ou la trace d’une exposition à celui-ci ne signifie pas que ce dernier est la cause des signes cliniques observés. Un agent infectieux identifié peut être considéré comme très probablement à l’origine des signes cliniques si :

→ les commémoratifs, l’anamnèse, les signes cliniques et biologiques sont attribuables à l’agent pathogène considéré ;

→ les autres causes susceptibles de conduire au syndrome clinique observé sont exclues ;

→ l’agent pathogène ou des anticorps dirigés contre celui-ci sont mis en évidence ;

→ une réponse adéquate est obtenue à la suite du traitement spécifique lorsque ce dernier peut être réalisé ;

→ l’agent pathogène est présent dans les lésions.

2. TESTS DIRECTS ET INDIRECTS

En infectiologie, deux grandes catégories de tests sont à distinguer : les tests directs et indirects.

→ Les tests directs mettent en évidence l’agent infectieux ou une partie de ces constituants dans le prélèvement, pour détecter une infection en cours. Cette catégorie de tests inclut la visualisation directe des éléments figurés dans des prélèvements cytologiques ou histologiques, l’isolement et la mise en culture (bactérienne, fongique ou virale), les tests antigéniques (tests FeLV, parvovirose et dirofilariose, par exemple) et les techniques PCR.

→ Les tests indirects indiquent l’exposition à un agent pathogène via la réponse immunitaire de l’hôte. Ce sont des tests sérologiques, avec la mise en évidence d’anticorps spécifiques (dans le sérum, les épanchements, le liquide cérébro-spinal, l’humeur aqueuse, etc.), donc d’une réponse immunitaire vis-à-vis d’une infection récente ou ancienne.

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