Les députés jouent les prolongations sur l’article 20 - La Semaine Vétérinaire n° 1593 du 11/07/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1593 du 11/07/2014

Loi d’avenir agricole

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Auteur(s) : ÉRIC VANDAËLE

Le jeudi 10 juillet, les députés devaient avoir voté la loi d’avenir. L’interdiction des pratiques différenciées inquiète les centrales. Et les pharmaciens se mobilisent.

Mercredi 9 juillet 2014 à 1 h 57 du matin. « La séance est levée ». La seconde lecture de la loi d’avenir est suspendue en plein milieu de l’examen de l’article 18. Tandis qu’un député annonce que l’Allemagne a battu le Brésil 7 à 1 en demi-finale… sans prolongation. Les députés ont du jouer jeudi les prolongations de la loi d’avenir dont l’examen aurait dû être terminé le mardi 8 juillet au soir. Le vote de l’article 20 relatif aux médicaments vétérinaires a ainsi été reporté à la séance du jeudi 10 juillet à 9 heures 30.

A l’heure où vous lirez ces lignes, l’article 20, sans doute légèrement amendé, aura été adopté par les députés. Mais à l’heure où nous les écrivons (le 9 juillet), l’emploi du conditionnel reste de circonstance. Toutefois, 17 des 21 amendements déposés ont déjà été repoussés en première lecture ou lors de l’examen en Commission parlementaire. Il est donc peu probable que le gouvernement et les députés changent d’avis et les acceptent en séance publique.

Remises interdites sur les antibiotiques

L’interdiction pour les antibiotiques de toutes les formes d’incitation commerciale, remises, contrats et tarifs différenciés par catégorie de client, reste la mesure phare de l’article 20. Elle s’applique aussi bien à la fois à la vente en gros par les centrales et les laboratoires auprès des vétérinaires et des pharmaciens, qu’à la vente au détail par ses ayants droit. Beaucoup de lobbies voudraient la contourner ou l’assouplir et font déposer des amendements en ce sens. Mais, à l’inverse, à chaque étape, cette interdiction se renforce comme en réponse à l’imagination des professionnels à vouloir y échapper.

Pratiques différenciées interdites

Un amendement du rapporteur du projet de loi, probablement adopté, élargit ainsi l’interdiction des pratiques différenciées aux conditions générales et surtout particulières de vente. Pour un même vendeur (un laboratoire, une centrale ou un ayant droit), les conditions de vente, le prix (et donc la marge), le taux d’escompte, les délais de paiements, le franco de port restent libres. Mais, elles ne pourront pas varier en fonction du client. Non seulement les remises sont interdites, mais les escomptes pour paiement anticipé, les délais de paiement… devraient rester identiques pour tous les clients d’un même fournisseur. Le laboratoire ne pourra pas accorder un escompte aux centrales par rapport à des ventes directes aux ayants droit. Et de même, un ayant droit ne pourra pas proposer un prix et des conditions de paiement différents pour les élevages de porcins de ceux des éleveurs bovins. Le prix et les conditions d’achat ne seront plus négociables chez un même fournisseur. Cela n’empêchera pas la concurrence. Car le prix de vente d’une spécialité antibiotique donnée ne sera pas unique sur le marché.

Une application différée de deux mois pour les contrats

Ces dispositions phares sur les remises seront d’application immédiate au lendemain de la promulgation de la loi. Toutefois, pour les remises arrières prévues dans des contrats en cours à la date de promulgation, le projet de loi prévoit un délai de deux mois pour les mettre en conformité après la date de la promulgation de la loi. Compte tenu d’une promulgation sans doute pour la fin d’année, les contrats arrivant à échéance au 31 décembre 2014 ne seront pas touchés par cette interdiction.

Les centrales craignent les ventes directes

Pour défendre les distributeurs en gros, un amendement est présenté pour leur permettre de conserver un prix préférentiel jusqu’à au maximum 7 % du prix d’achat unique facturé par le laboratoire. Si cet amendement a été adopté, les centrales pourraient donc continuer à bénéficier d’un tarif de 7 % plus préférentiel que celui de leurs clients (les ayants droit). À défaut, les centrales craignent que les ayants droit privilégient les ventes directes ou d’être contraintes de vendre les antibiotiques à prix coûtant sans répercuter les frais de stockage et de logistique. C’est la première fois qu’un tel amendement est déposé pour protéger les centrales de l’interdiction des pratiques différenciées.

Les amendements improbables

De nombreux autres amendements préparés par les syndicats des vétérinaires ou des pharmaciens visent à en restreindre l’impact économique négatif sur leurs structures qu’ils ont estimé à 60 millions d’euros, soit environ 30 % du montant des ventes des antibiotiques en tarif fabricant. Ces amendements n’auront sans doute pas été adoptés. Car, à plusieurs reprises, le gouvernement et le rapporteur s’y sont déjà opposés. Des amendements demandaient que les remises sans engagement de volumes ou de progression sur les antibiotiques non-critiques restent permises dans la limite d’un plafond à 17 % du prix d’achat. L’objectif était d’éviter que les ayants droit soient « fragilisés » par une application brutale de l’interdiction des remises sur tous les antibiotiques.

Plus original, un autre amendement, probablement aussi d’inspiration vétérinaire (?), visait à limiter le champ d’application de ces interdictions aux seuls antibiotiques non-critiques et, curieusement, à en exonérer les antibiotiques critiques. L’objectif serait de « conserver un prix élevé des antibiotiques [critiques ?] et de préserver l’économie des structures vétérinaires [qui assurent] le maillage et le suivi sanitaire ». Toutefois, une telle mesure pourrait être perçue comme une incitation à la prescription des antibiotiques critiques (pour lesquels les incitations commerciales seraient permises) au détriment de ceux non-critiques. Il n’aura sans doute pas été adopté.

« Le beurre et l’argent de beurre »

Un amendement vise à exclure les pharmaciens de cette interdiction de toucher des remises. Ce type d’amendement, qui favoriserait la vente d’antibiotiques par les pharmaciens, a déjà été rejeté par les députés en première lecture. Les auteurs de cet amendement dénoncent un marché « captif » pour le vétérinaire qui prescrit et, « à 98 % », délivre les médicaments qu’il prescrit. « L’éleveur n’aurait aucun libre choix. » Les ventes des pharmaciens seraient marginalisées à « moins de 1 % ». Ces chiffres sont évidemment faux. Dans les productions animales, les pharmaciens délivrent, d’après nos sources, 5 à 10 % des antibiotiques vendus selon les cas. Et les vétérinaires ne délivrent pas non plus les prémélanges médicamenteux qui représentent 17 % du nombre de traitements antibiotiques chez les animaux.

Pour cette seconde lecture, certains pharmaciens impliqués dans des affaires vétérinaires litigieuses, parfois même mis en examen, n’ont pas froid aux yeux. Leur syndicat marginal dans le monde de l’officine, l’Union nationale de la pharmacie vétérinaire d’officine, voudrait avoir à la fois les remises et le monopole de la vente : « le beurre et l’argent du beurre ». Un amendement réclamait ainsi un découplage partiel restreint aux antibiotiques critiques. Selon les auteurs de cet amendement, les scientifiques, les médecins, les consommateurs (UFC Que Choisir), le Parlement européen seraient tous favorables à un découplage, auquel Stéphane Le Foll s’oppose depuis novembre 2013. D’où le rejet probable de cet amendement, comme des précédents.

« Les pratiques douteuses » de Stéphane Le Foll

Pour ces pharmaciens, le ministre de l’Agriculture est d’ailleurs devenu l’homme à abattre : celui qui seul, contre tous, et au mépris de la santé publique et du libre-choix des propriétaires, protégerait les vétérinaires du découplage. Ils ont écrit à Manuel Valls pour dénoncer « les pratiques douteuses de son ministre de l’agriculture dont les arguments [provétérinaires] le ridiculisent ». Ils demandent au premier ministre de « recadrer en urgence absolue son ministre » en leur rendant un arbitrage plus favorable. La démarche sera probablement vaine… Mais elle contribue encore à mettre un peu plus « dans le débat public » cette problématique.

Du côté des lobbies agricoles, des amendements visaient à maintenir les antibiotiques qui ne présenteraient pas un risque avéré d’antibiorésistance, sans doute les intramammaires hors lactation, dans la liste positive des médicaments sur ordonnance accessibles aux groupements agréés. Jusque-là, cette demande a toujours été repoussée par Stéphane Le Foll. Un autre amendement demandait que le futur suivi des ventes des antibiotiques ne puisse pas servir à orienter les contrôles des autorités vers les élevages fortement consommateurs.

Pas de délégués en contact avec les éleveurs

Enfin, deux amendements visaient à restreindre le champ des visites ou contacts des délégués des laboratoires aux seuls pharmaciens et vétérinaires. Ils n’auront sans doute pas été adoptés. Car, selon le ministre, le Code de la santé publique limite déjà les contacts des délégués aux seuls vétérinaires et pharmaciens pour les médicaments sur ordonnance. Pour lui, ces amendements sont donc… superflus.

Un calendrier pour une publication fin 2014

Le calendrier prévisionnel relève toujours un peu de la “politique-fiction”.

Fin-octobre : le nouveau Sénat, issu des élections de fin septembre, vote la loi d’avenir.

Novembre : députés et sénateurs s’accordent sur un texte commun en commission mixte paritaire.

Décembre : la loi est promulguée au Journal officiel.

Pour en savoir plus

Voir le site de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/avenir_agriculture_alimentation_foret.asp

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