Comment ressentez-vous l’évolution de votre clientèle canine ? - La Semaine Vétérinaire n° 1593 du 11/07/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1593 du 11/07/2014

Entre nous

Forum

Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL

L’animal est devenu un membre de la famille

Loïc Fournier, vétérinaire canin à Narbonne (Aude).

Il faut être de plus en plus disponible. J’ai l’impression que les personnes anxieuses sont de plus en plus nombreuses. Les clients ont besoin d’explications et d’être rassurés. L’animal n’est plus un simple compagnon. En dix ans, il est devenu un véritable membre de la famille, qui répond à une certaine solitude de la population. Lors des euthanasies, nous assistons à de vrais deuils, parfois davantage marqués que pour le décès d’un cousin.

Depuis que je me suis installé, en 2005, ma clientèle s’est équilibrée entre des retraités et de jeunes couples de 20 à 30 ans. Si, au fil des années, je vois apparaître de plus en plus de jack russell ou de chihuahuas, j’assiste comme partout à une augmentation sensible des chats. Les jeunes clients m’amènent aussi à soigner un nombre croissant de NAC, notamment des rats.

Les gens ont un regard critique face à Internet, qui a peu d’incidence chez moi. Ils se méfient de plus en plus des forums et préfèrent consulter leur vétérinaire. Les technologies scanner, IRM, etc., les rassurent, mais les clients sont peu demandeurs. Avec les années, j’ai l’impression qu’ils me font de plus en plus confiance. Si je leur propose des anxiolytiques à base de plantes, ils se précipitent sur ces traitements, que j’utilise peu, mais qui satisfont une réelle demande.

Pas de changements fondamentaux constatés

Jérôme Barbuat, clinique vétérinaire de l’Épine, à Cognin (Savoie).

Je n’ai pas ressenti de profonds changements dans le comportement de la clientèle au cours de ces dernières années. J’ai exercé à mon compte pendant six ans à Lyon. J’ai effectué des remplacements pendant quatre ans, avant de m’installer avec une associée en 2007 à la périphérie de Chambéry. Aujourd’hui, nous travaillons de façon égale entre les chiens et les chats, avec un petit effectif de NAC : trois ou quatre consultations hebdomadaires, soit moins de 10 % sans doute. À ma grande surprise, le furet n’a pas pris l’ampleur que j’avais envisagée. Le phénomène est sans doute plus important dans les grandes villes. Hormis pour les ventes d’aliments qui risquent de souffrir des commandes en ligne, je ne constate pas une influence d’Internet sur les attentes de la clientèle. Bien entendu, elle se connecte et se renseigne. Cela n’a cependant pas d’impact sur notre activité. Jamais un client ne m’a dit : « Ce n’est pas ce que j’ai lu sur Internet… » En fait, cela dépend beaucoup des personnalités. Il y a toujours ceux qui cherchent et veulent en savoir plus, et ceux qui sont pressés que le vétérinaire fasse la piqûre pour repartir le plus rapidement possible. Globalement, j’ai l’impression qu’ils nous font confiance. Ils attendent de plus en plus de technicité : une échographie, une radiographie, une analyse, etc., mais il n’y a pas de demandes exprimées pour des référés. En revanche, crise économique oblige, je constate une forte diminution des actes de prévention associés à la stérilisation (dépistage, vaccinations, identification, etc.).

Les rapports ont évolué dans la société

Françoise Schwobthaler, vétérinaire comportementaliste, clinique vétérinaire du Cèdre bleu, à Carquefou (Loire-Atlantique).

Au regard des dix dernières années, la principale évolution est l’explosion du nombre de chats au détriment de celui de chiens. Les courbes se sont inversées. L’exigence des clients s’est également accrue. Ils consultent de plus en plus Internet et les forums, et viennent nous voir avec des diagnostics et des prescriptions. Au début, cela m’a surprise, car cela donne l’impression d’être discrédité. Il faut apprendre à gérer cette situation.

Je ne m’inquiète pas pour les achats sur Internet. Je préfère me battre sur la valeur de mes actes. En devenant plus exigeante, la clientèle est aussi plus à l’écoute, elle cherche davantage à comprendre. Le sentiment reste positif à l’égard du vétérinaire, simplement la confiance s’acquiert sur le long terme. Ce n’est finalement pas si mal, cela évite qu’elle nous prenne pour Dieu ou que nous nous prenions pour lui. Les clients ont aussi des attitudes paradoxales, demandent davantage de technologies sans vouloir toujours y mettre le prix et rechignent à se déplacer.

Depuis que je propose des séances de comportement, la clientèle a changé. Elle est exigeante et vient avec des idées reçues sur l’éducation, avec l’avis du voisin, du cousin, etc. En général, je réussis à les faire évoluer. Mais, globalement, les clients sont devenus beaucoup plus anxieux. Il y a une espèce de méfiance généralisée. Les gens ont l’impression que nous leur mentons sur tout. Ce n’est pas un sentiment exacerbé à l’encontre du vétérinaire, c’est juste que les rapports ont changé dans la société.

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