Alimentation et modifications du comportement chez le cheval - La Semaine Vétérinaire n° 1593 du 11/07/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1593 du 11/07/2014

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Samy Julliand

Fonctions : directeur de Lab to Field, société de recherche et conseil en nutrition équine

Le cheval est un herbivore physiologiquement adapté à consommer de grandes quantités de fourrage. Des pratiques d’alimentation non respectueuses de son fonctionnement digestif ou un régime éloigné de celui naturel peuvent entraîner des modifications du comportement.

Chez le cheval, un comportement jugé anormal se manifeste sous différentes formes : agressivité, dépression, automutilation, stéréotypies locomotrices ou orales, etc. Ces modifications signent un mal-être et sont susceptibles de générer une baisse de performance (sportive ou zootechnique), un stress accru vis-à-vis des congénères, voire des blessures pour l’animal affecté, ses voisins ou ses propriétaires.

FACTEURS INFLUANTS SUR LES STÉRÉOTYPIES

Les stéréotypies, définies comme « des mouvements répétitifs, inlassablement reproduits, sans but ni fonction apparente », ne se manifestent pas chez les équidés sauvages : elles sont reconnues comme induites par l’action de l’homme sur le cheval. Les tics à l’appui et à l’air sont les stéréotypies orales les plus communes et concernent, selon les études et les populations, 2 % à plus de 9 % des individus. Les chevaux atteints passent jusqu’à 65 % de leur temps à “tiquer”.

Les principaux facteurs intrinsèques cités dans l’apparition des stéréotypies sont la race et le sexe. Les pur-sang semblent les plus touchés, suivis des chevaux de selle, des quarter horses et des pur-sang arabes. La prévalence de stéréotypies orales est plus élevée chez les animaux entiers et les hongres que chez les juments. Attention cependant aux conclusions de cause à effet : la conduite des chevaux semble jouer un rôle important sur les modifications du comportement et susceptible d’interférer avec les facteurs intrinsèques…

Que ce soit lors d’études épidémiologiques ou expérimentales, les facteurs alimentaires apparaissent comme une cause majeure d’apparition de stéréotypies chez le cheval, avec le type d’hébergement et les conditions de sevrage. Concernant les seules modifications du comportement liées à l’alimentation, deux catégories de facteurs sont mises en évidence : ceux associés aux pratiques alimentaires et ceux liés à la composition de la ration elle-même (moins étudiés).

MODIFICATIONS LIÉES AUX PRATIQUES D’ALIMENTATION

Un cheval à l’état naturel, à l’instar d’un congénère qui a un accès libre à l’alimentation, consacre en moyenne 12 à 16 heures par jour à se nourrir et jeûne rarement plus de trois heures consécutives. Chez un animal conduit en box, avec une ration qui contient de faibles quantités de fourrage, le temps consacré à l’alimentation est quatre à cinq fois moins important. En effet, lorsque trois quarts d’heure sont nécessaires à un cheval pour consommer 1 kg de foin, dix minutes en moyenne suffisent pour ingérer 1 kg de concentrés. L’occupation liée à la recherche de nourriture et à l’ingestion de la ration est donc fortement restreinte chez les équidés conduits en box avec une ration pauvre en fourrage (voir graphique 1). L’ennui qui en découle, conjugué à une recherche d’occupation alimentaire insatisfaite, est le premier facteur d’apparition des stéréotypies orales.

Une acidification du contenu gastrique, due à des périodes de jeûne répétées, est également associée à l’apparition des stéréotypies orales. L’inconfort provoqué par la baisse du pH gastrique ou par les maladies induites, telles que les ulcères gastriques, est un facteur avancé pour l’origine du tic à l’appui : 60 % des poulains qui souffrent d’inflammations ou d’ulcérations gastriques souffrent de ce dernier, versus 20 % de ceux indemnes. Il s’agirait d’une réponse de l’animal pour stimuler l’insalivation et réduire l’acidité gastrique.

Une étude comparative illustre cette hypothèse. Deux lots de chevaux reçoivent le même régime alimentaire (pauvre en fourrage et riche en concentrés). Cependant, le nombre de repas de concentrés diffère. Le fractionnement des apports de concentrés de deux repas par jour (de 2 kg chacun) à six repas (de 0,7 kg) induit une diminution des périodes de jeûne, qui se traduit par une baisse des manifestations des stéréotypies orales (voir graphique 2).

MODIFICATIONS LIÉES À LA COMPOSITION BIOCHIMIQUE DE LA RATION

De nombreuses études établissent une relation directe entre la quantité de concentrés distribués et la prévalence des stéréotypies. Des comportements nerveux et irritables sont également associés à l’apport de quantités importantes d’amidon dans la ration. Plusieurs hypothèses sont avancées, la principale étant qu’un apport important d’amidon constitue un facteur d’acidification du contenu gastrique et d’apparition des ulcères.

Par ailleurs, les apports alimentaires riches en amidon génèrent une acidose du gros intestin. Chez les chevaux soumis à des régimes riches en amidon, en plus de la baisse du pH fécal et de la modification des populations bactériennes du gros intestin, une augmentation des comportements de “rognage du bois” est observée. La recherche de matières riches en fibres est avancée pour expliquer ce comportement.

Enfin, les individus qui tiquent à l’appui ont un transit plus long que les autres. Cette stéréotypie serait une réponse à un déséquilibre de la flore intestinale, qui résulte d’une acidose. Les gênes viscérales sont ainsi de plus en plus suspectées de jouer un rôle majeur dans l’apparition des stéréotypies.

La relation entre le comportement et la santé digestive suscite donc un intérêt croissant. L’écosystème microbien du tractus gastro-intestinal doit notamment être au cœur des préoccupations. Chez l’homme et le rat, une relation directe entre celui-ci et le comportement est mise en évidence, via des médiateurs nerveux (nerf pneumogastrique) ou hormonaux (cholécystokinine, oxyntomoduline, glucagon-like peptide-1, peptide YY). Chez le cheval, ces relations commencent à être appréhendées et des indicateurs comportementaux de la santé digestive sont actuellement étudiés (voir encadré).

RECOMMANDATIONS

Pour limiter l’apparition de ces stéréotypies orales, un apport minimum en fourrage de 1,5 % (en matière sèche) du poids vif du cheval est recommandé. Ceci correspond à 8 à 9 kg de foin pour un animal de 500 kg, ce qui permet de maintenir une activité d’ingestion pendant huit heures par jour au minimum. Un fractionnement des rations alimentaires, qui vise à réduire les périodes de jeûne et à limiter les apports d’amidon par repas (pour ne pas dépasser 1 g d’amidon par kilo de cheval et par repas), réduit également le risque d’apparition de ces stéréotypies.

Pour en savoir plus

> Equine behavior : A guide for veterinarians and equine scientists. 2004. Ed. Paul McGreevy. 378 p. ISBN : 978-0-7020-4337-6.

> The impact of nutrition on the health and welfare of horses. 2010. EAAP publication 128. Ed. Ellis AD et al. 328 p. ISBN : 978-90-8686-155-2.

LE COMPORTEMENT EST-IL UN INDICATEUR DE LA SANTÉ DIGESTIVE DES CHEVAUX ?

Les relations entre l’alimentation et la santé digestive, ainsi que celles entre l’alimentation et le comportement sont de mieux en mieux connues chez le cheval. Après une vingtaine d’années de travaux de recherche sur l’écosystème microbien du tractus gastro-intestinal équin, l’équipe de recherche “Nutrition du cheval athlète” d’Agrosup Dijon s’est récemment intéressée à la relation directe entre le comportement et la santé digestive. En effet, les modifications de l’écosystème microbien du gros intestin sont aujourd’hui difficilement mesurables sur le terrain.

Les premiers résultats mettent en évidence une corrélation entre la modification de l’écosystème microbien du gros intestin et celle du comportement. Lors de stress alimentaire (transition graduelle d’une ration composée à 100 % de foin à une autre qui comprend 57 % de foin et 43 % d’orge), les concentrations de bactéries amylolytiques et utilisatrices de lactate augmentent avec la ration foin-orge. Parallèlement, la durée des périodes de vigilance lors de tests de néophobie (réaction à un nouvel objet dans leur environnement) et de sociabilité (réaction à un nouveau cheval dans le box voisin) est également accrue. Ainsi, avec des recherches complémentaires, l’état de vigilance pourrait être utilisé comme un indicateur non invasif de la santé digestive équine.

Source : travaux menés par l’équipe de recherche “Nutrition du cheval athlète” d’Agrosup Dijon.

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