La résurrection des natures mortes

L’idée dominante, pilotée d’Hollywood, que l’essence du cinéma est de nous divertir avec de bonnes histoires, bien jouées et bien filmées n’empêche pas quelques francs-tireurs de poursuivre les explorations formelles qui, depuis sa naissance, nourrissent l’inventivité du septième art. Les rares occasions de voir ces films “différents” méritent que l’on signale la sortie en salles de deux beaux courts-métrages de Bertrand Mandico. Touche-à-tout iconoclaste, le réalisateur est l’inventeur d’univers crépusculaires bricolés, surréels et organiques (où l’animal a sa place).

Les deux productions s’insèrent dans le projet – un peu fou – du réalisateur de tourner 21 films avec l’actrice Elina Löwensohn… en 21 ans ! Dans Boro in The Box (2011), biographie fictive du cinéaste Walerian Borowczyk, Mandico nous plonge en noir et blanc dans un monde cru et fantasmagorique, matière poétique d’où il exhume un cinéma primitif saisissant.

Living Still Life (2012) cite ironiquement Walt Disney : « L’animation est l’illusion de la vie ». On y retrouve l’égérie du cinéaste errant dans un monde nu et enneigé, post-apocalyptique, étrangement saturé de couleurs. Collectant les cadavres d’un lièvre, d’un chien, d’un cheval, elle les emporte dans un atelier où elle les fleurit, les colorie et les photographie image par image pour animer leurs corps inertes de l’illusion d’un mouvement. Résurrection fugace et morbide, convoquant les fantômes de Muybridge ou Marey et qui produit une émotion réelle.

Boro in The Box & Living Still Life de Bertrand Mandico, avec Elina Löwensohn, 40 minutes et 15 minutes, sorti le 2 juillet 2014.