Les agneaux de Dieu

Le portrait qu’Hollywood diffuse de l’Amérique contemporaine ne montre que très obliquement la ferveur des liens qu’elle entretient encore avec sa culture originelle, celle des pionniers. Dans l’Amérique rurale, au sud notamment, Bible, bétail et armes restent trois cultes tenaces. Porté par la grâce virginale du visage de Sara, le film de Roberto Minervini nous invite à une immersion insolite dans une communauté isolée du Texas. La jeune fille est l’ainée d’une famille d’éleveurs de chèvres qui élèvent leurs douze enfants à domicile dans la plus stricte soumission aux textes bibliques.

Parallèlement aux soins du troupeau, Sara cultive sa foi en Dieu et apprend à se réserver émotionnellement pour le mariage. Quand elle rencontre Colby, un jeune voisin passionné de rodéo, une curiosité s’éveille timidement. Bien que les univers des deux adolescents paraissent s’opposer – les chèvres et la spiritualité d’un côté, les taureaux et le culte de la force physique de l’autre –, nous sentons poindre chez Sara un désarroi face à l’unique voie qu’on a tracé pour elle.

Ni documentaire, ni fiction, le film tient des deux à la fois, tout en allant au-delà. Son authenticité et sa douceur procèdent autant de la proximité bienveillante que le réalisateur parvient à établir avec ses protagonistes que de sa forme, magistrale. Le récit tramé par le montage reste minimaliste, parfois opaque, mais il inaugure un néoréalisme inédit qui force l’admiration.

• Le Cœur battant de Roberto Minervini, avec Sara Carlson, Colby Trichell, 1 h 41, en salles le 25 juin 2014.