« Le vétérinaire doit être un porte-drapeau de démarches respectueuses de l’animal » - La Semaine Vétérinaire n° 1589 du 13/06/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1589 du 13/06/2014

Entretien avec Geneviève Gaillard (T 72)

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Auteur(s) : Marine Neveux

Une proposition de loi visant à faire évoluer le statut de l’animal a été déposée à l’Assemblée nationale1 et présentée le 2 juin. Elle est le fruit du travail du groupe d’étude présidé par Geneviève Gaillard. Entretien avec notre consœur et députée.

Quelles seront les conséquences juridiques directes et sur le terrain de cette proposition de modification du statut juridique ?

Les conséquences pourraient être, dans un premier temps, la reconnaissance de la différence entre l’objet inanimé, l’humain et l’animal. La proposition de loi introduite par le groupe d’étude parlementaire à l’Assemblée nationale suggère surtout d’étendre certaines dispositions aux animaux sauvages. Il s’agit ici, après l’abusus, dont le droit pénal a encadré l’exercice avec la législation relative à la sanction des sévices graves et actes de cruauté envers les animaux, d’aménager les deux autres attributs du droit de propriété, à savoir l’usus et le fructus. Ceci afin que les droits attachés à la propriété s’exercent d’une façon non sourde et non aveugle face à l’évidence du caractère sensible de l’animal qui doit le distinguer, à jamais, des choses inanimées. L’évolution de son statut signifierait une reconnaissance de la nécessité de pratiques respectueuses de son caractère sensible. Elle serait alors un marqueur important pour des démarches économiques éthiques. La problématique soulevée, il est important d’en délimiter l’impact. Loin de l’idée de faire des animaux des sujets de droits, le législateur engagé dans ce projet d’évolution, d’actualisation du droit n’entend pas du tout faire obstacle aux activités économiques ou de loisirs, comme la production animale, la commercialisation, la chasse ou les pratiques sportives. Nous avons aussi tenu compte de la demande exprimée par les différentes parties de manière à constituer une base juridique acceptable par tous.

Cette proposition apporte-t-elle de nouveaux outils juridiques et une aide pour les actions des associations de protection animale ? Est-ce que cela ne risque pas de générer des freins pour les éleveurs français ?

Il n’est pas question d’empêcher les éleveurs de produire. Concernant le travail des associations de protection animale, plusieurs dispositions de ce texte pourraient renforcer leurs interventions et surtout leur permettraient de s’appuyer sur un statut particulier de l’animal auprès des magistrats.

Quelles seront les conséquences pour les vétérinaires dans le cadre de leur exercice ?

Il n’y a pas d’impact particulier sur l’exercice de la médecine vétérinaire. Si ce n’est que la profession vétérinaire pourra prendre un appui sur le statut de l’animal pour réaffirmer la nécessité de pratiques éthiques dans les différentes activités au cours desquelles les praticiens interviennent dans leur fonction de conseil ou de contrôle. Placé aux avant-postes, le vétérinaire doit être un porte-drapeau de démarches respectueuses de l’animal. Si le Code civil intègre notre proposition, les praticiens seront ainsi portés par la démarche du législateur pour admettre qu’un être vivant “non humain” est fondamentalement différent de leur Smartphone… Le vétérinaire pourra être le levier d’une éthique économique. De multiples activités économiques se sont développées autour de l’animal. L’enjeu du respect de son bien-être devient désormais un levier majeur dans l’élevage, le transport, les produits élaborés, les activités sportives et de loisirs ou la commercialisation. Par ailleurs, de nombreux marchés sont induits ou soutenus par la présence des animaux. Que ce soit l’élevage laitier, l’alimentation préparée pour les animaux de compagnie ou le maintien des espèces “chassables”, l’animal en est au cœur.

Les précédentes tentatives d’évolution du statut juridique de l’animal sont restées sans suite, en raison des lobbies qui s’opposent à le voir évoluer, pensez-vous que les parlementaires appuieront cette nouvelle proposition ? Quel est le calendrier parlementaire pour la discussion de cette loi ?

En effet, les initiatives prises jusqu’ici n’ont pas eu de suite. Il convient de noter qu’elles étaient souvent très partielles et qu’elles n’embrassaient pas un spectre législatif large. Notre proposition a été travaillée pendant plusieurs mois, elle est le fruit d’auditions menées dès 2012, d’une observation attentive des services juridiques de l’Assemblée nationale et d’un accord, toutes tendances politiques confondues, de l’ensemble des parlementaires cosignataires de ce texte. La démarche législative aura pour intérêt d’ouvrir un débat et peut-être de pouvoir entendre des arguments construits de la part des opposants. Pour l’heure, des textes majeurs arrivent en discussion et il n’y a donc pas encore de calendrier pour notre proposition. Toutefois, notre groupe d’étude veut poursuivre son travail afin que l’hémicycle s’empare le plus tôt possible de cette proposition de loi. Nous travaillons dans ce sens !

  • 1 Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1584 du 10/5/2014 en page 16.

La presse nationale s’empare du sujet

Les débats autour de l’évolution du statut de l’animal retiennent l’attention des médias depuis plusieurs semaines. Premier coup médiatique en avril, par Jean Glavany, qui a soutenu un amendement dans le cadre de la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit sur la notion de sensibilité de l’animal dans le Code civil.

La proposition de notre consœur Geneviève Gaillard est annoncée sur plusieurs sites nationaux notamment (Libération.fr, Bfmtv.com, etc.). Ils reprennent les éléments de la conférence de presse donnée à l’Assemblée nationale : « Je veux faire en sorte que dans cette proposition de loi, les animaux ne soient plus considérés comme des biens meubles mais aussi étendre la reconnaissance d’êtres sensibles aux animaux sauvages », a souligné Geneviève Gaillard, formule relayée dans la dépêche AFP du 3 juin. Nous avons aussi voulu rassurer les chasseurs à travers cette proposition de loi (…). La chasse est reconnue comme un fait sociétal et nous ne voulons pas qu’ils croient que leur activité de chasse sera arrêtée. Par contre, comme la société évolue, les pratiques de chasse peuvent évoluer. »

Pour Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, « l’amendement Glavany se limite à sortir les animaux des biens meubles » alors que le groupe d’étude de Geneviève Gaillard « donne la possibilité d’attaquer pour acte de cruauté et aussi pour actes commis sur les animaux sauvages ». Et il ajoute : « C’est une énorme avancée, car la proposition de loi remet en cause certaines pratiques cruelles de chasse mais pas la chasse elle-même. »

Lafranceagricole.fr, dans son édition du 3 juin, s’est montré plus réservé sur la proposition des députés. Le site retient que, lors de la conférence de presse, Geneviève Gaillard a « reprécisé à l’attention des chasseurs et des éleveurs : il ne s’agit pas d’interdire la chasse ou l’élevage. Mais cette loi pousserait à mettre en cause certaines pratiques jugées cruelles par les parlementaires : chasse à la glue, corrida, certains élevages porcins… Alain Marsaud, député de l’UMP, a aussi qualifié de scandale de la République les abattages dans les abattoirs (…) ». « Faisant suite à l’amendement introduit par Jean Glavany lors du débat sur la loi, il semble cependant que ce texte pour un nouveau statut de l’animal mette un long, très long moment, avant d’être discuté devant l’Assemblée nationale », estime le site.

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