Étude épidémiologique et clinique des tumeurs mélanocytaires du chien - La Semaine Vétérinaire n° 1588 du 06/06/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1588 du 06/06/2014

Formation

Animaux de compagnie

Auteur(s) : CLOTILDE DE BRITO*, GWENAEL OUTTERS**

Fonctions :
*vétérinaire dans l’équipe “Génétique du chien”, UMR6290, CNRS-université de Rennes-1, (Ille-et-Vilaine)

A l’université de Rennes, l’équipe “Génétique du chien” étudie les maladies génétiques communes au chien et à l’homme. Le but est d’identifier les gènes impliqués et les mécanismes de progression des maladies et, ainsi, déterminer des facteurs pronostiques et des cibles thérapeutiques.

Les mélanomes font partie des maladies spontanées (non induites) pour lesquelles le chien est un modèle d’études intéressant pour l’homme, et plus spécifiquement pour certaines formes non UV-dépendantes. Ces cancers résultent de la transformation tumorale de mélanocytes responsables de la pigmentation. Comme chez l’homme, ils atteignent la peau, les muqueuses, l’ongle et l’œil. Toutes les races sont concernées, mais ces cancers sont plus fréquents chez les races pigmentées. La localisation buccale est la plus fréquente chez le chien. Il s’agit de tumeurs agressives aux forts pouvoirs invasif et métastatique (aux nœuds lymphatiques et aux poumons essentiellement). Le pronostic est particulièrement sombre pour la localisation buccale.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

L’équipe a étudié deux populations. La première est constituée de 2 350 chiens qui présentent une tumeur mélanocytaire, répertoriés dans trois laboratoires d’histopathologie entre janvier 2008 et avril 2010. Il s’agit d’une grande cohorte d’origines géographiques différentes qui permet d’étudier la malignité du mélanome, les races, l’âge, le sexe et les localisations tumorales.

La seconde population recense 147 chiens issus d’un réseau vétérinaire : l’équipe possède pour cette cohorte un échantillon tumoral, un prélèvement sanguin, un questionnaire et des informations jusqu’à quatre ans après le diagnostic.

RÉSULTATS ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Tumeurs malignes versus bénignes

Dans la première population, 1 652 prélèvements sont malins et 698 bénins. Ce résultat est toutefois à mettre en perspective avec le fait que les échantillons sont des pièces d’exérèse chirurgicale : les lésions d’aspect bénin ont peut-être moins suscité d’interventions chirurgicales.

Âge

L’âge d’apparition médian est de 11 ans pour le mélanome malin et de 9 ans pour le mélanocytome. Ce dernier touche aussi bien les mâles que les femelles.

Sexe

Pour le mélanome malin, le sex-ratio est de 1,4 en faveur des mâles. Cette disparité est liée au mélanome malin buccal, pour lequel le sex-ratio est de 1,7 en faveur des mâles. Les autres localisations ne présentent pas de prédisposition sexuelle. Le sexe n’intervient pas sur l’âge d’apparition.

Localisation

Le mélanocytome est présent à 84 % au niveau cutané, 8 % au niveau oculaire et 8 % dans d’autres localisations (muqueuse notamment).

Concernant les mélanomes malins, 62 % ont une localisation buccale, 33 % cutanée (dont 18 % sont situés aux doigts), 4 % unguéale et 1 % oculaire.

Les localisations digitées, buccales et unguéales intéressent majoritairement le mélanome malin. Les tumeurs des paupières et de l’œil sont bénignes dans trois quarts des cas.

Races

Toutes les races peuvent être affectées, mais certaines sont surreprésentées : caniche, schnauzer, rottweiler, beauceron, labrador, scottish. Le berger allemand, le cavalier king charles et le bichon sont sous-représentés.

Sur une population de 571 dogues argentins, aucun ne présente de mélanome malin. Chez le caniche, la localisation préférentielle est buccale. Chez le beauceron et le rottweiler, les localisations digitées ou unguéales sont majoritaires. Chez les yorkshires, la répartition des localisations est classique, mais les tumeurs cutanées sont davantage bénignes chez cette race.

RÉSULTATS CLINIQUES

Ils concernent la seconde population étudiée (147 chiens issus d’un réseau vétérinaire).

Agressivité de la tumeur

121 mélanomes malins et 26 mélanocytomes sont recensés chez cette seconde population, et les caractéristiques épidémiologiques sont les mêmes (homogénéité avec la population précédente).

Symptômes

Les signes généraux associés à l’apparition d’un mélanocytome sont rares (sauf un cas de mélanocytome buccal). En revanche, le développement de mélanome malin s’accompagne d’une perte de poids, d’un abattement, d’une adénite, d’un trouble de l’appétit ou de dysphagie dans 20 % des cas. Aucun signe n’est rapporté dans 80 % des cas. Ces informations soulignent l’importance de l’examen clinique de la peau et de la bouche des vieux chiens, surtout chez les races à risque pigmentées.

Caractéristiques physiques et localisations

Le mélanome bénin est toujours pigmenté et mesure moins de 3 cm dans 92 % des cas. En revanche, un tiers des mélanomes malins ne sont pas pigmentés, et la moitié mesure plus de 3 cm.

Les mélanomes malins peuvent s’accompagner de prurit, d’adhérences aux tissus périphériques, et sont ulcérés une fois sur deux, ce qui n’est jamais le cas lors de mélanocytomes.

La localisation buccale intéresse essentiellement les gencives, les babines et la commissure des lèvres. Les autres localisations sont rares. Lorsqu’elles sont cutanées, les tumeurs se situent principalement au niveau des membres.

Bilan d’extension

25 % des mélanomes malins s’accompagnent de métastases au moment du diagnostic, principalement au niveau des nœuds lymphatiques et, parfois, des poumons.

Traitement

Tous les mélanocytomes ont fait l’objet d’une intervention chirurgicale sans traitement associé.

Dix mélanomes malins n’ont pas été opérés (localisation buccale non accessible). 20 chiens ont reçu des corticoïdes, quelques-uns du méloxicam en phase postopératoire et deux de la radiothérapie.

Récidives

Il n’y a aucune récidive à quatre ans chez les chiens opérés de mélanocytome. La durée de survie est de 1 463 jours.

178 jours après l’exérèse d’un mélanome malin, la moitié des chiens ont récidivé, ont déclaré des métastases en relation avec le mélanome ou sont morts. La durée de vie médiane après un mélanome malin est de 235 jours, toutes causes confondues (à nuancer selon la localisation : la médiane de survie pour celle buccale est de 200 jours et de 480 jours pour les autres).

Concernant la taille, des tumeurs de plus de 3 cm ont un pronostic significativement plus sombre. Dans cette étude, l’absence de pigmentation du mélanome malin n’est pas un facteur aggravant.

Traitements adjuvants

La chirurgie améliore significativement le pronostic, puisque pour les 19 chiens qui ont subi une exérèse large et complète d’une tumeur buccale, la médiane de survie est de 400 jours (versus 70 jours pour ceux qui n’ont eu aucune intervention chirurgicale).

De bons résultats de survie sont observés avec l’utilisation de coxibs : 918 jours chez un caniche de 14 ans ayant subi en parallèle de multiples opérations chirurgicales d’un mélanome cutanéo-muqueux, 616 jours pour un yorkshire de 12,5 ans présentant une tumeur buccale inférieure à 3 cm, 490 jours chez un briard de 13,5 ans ayant une tumeur buccale volumineuse (exérèse incomplète et taille supérieure à 3 cm). Cependant le nombre de cas référencés est trop restreint pour extrapoler ce résultat.

Les études génétiques sont en cours dans l’équipe “Génétique du chien”. Les vétérinaires qui suivent des animaux atteints peuvent participer à ces travaux de recherche sur le mélanome en contactant l’équipe1. Elle leur enverra le protocole et le nécessaire de prélèvement. Pour chaque chien atteint, les chercheurs ont besoin d’un prélèvement sanguin de 5 ml sur tube EDTA, du compte rendu histologique, d’un questionnaire clinique complété et éventuellement d’une copie du pedigree des animaux (si celui-ci est disponible)2.

Pour en savoir plus

Gillard M., Cadieu E., De Brito C. et coll. Naturally occurring melanomas in dogs as models for non-UV pathways of human melanomas. Pigment Cell Melanoma Res. 2014;27 (1):90-102.

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