Alimentation et diarrhées chroniques : une histoire d’eau dans le gros intestin !

Parmi les facteurs alimentaires à l’origine de diarrhées chez le cheval, les grandes quantités d’amidon dans la ration sont fréquemment citées dans les études épidémiologiques. Cet article vise à expliquer le lien entre ce facteur alimentaire et l’apparition de diarrhées chroniques.

Quelle que soit leur étiologie, les diarrhées se définissent par l’émission de fèces trop molles, voire liquides. Chez un individu sain, leur teneur en eau est de l’ordre de 75 à 80 %, tandis que dans le cæcum, elle dépasse 90 %. Cette diminution résulte de l’absorption de l’eau entre le cæcum et le côlon flottant. Chez un cheval de 500 kg, jusqu’à une centaine de litres d’eau sont quotidiennement absorbés au niveau du gros intestin. Lors de diarrhées, le contenu en eau des fèces atteint 85 à 90 %. Ce phénomène est la conséquence d’un dysfonctionnement dans l’absorption de l’eau.

LE SEL ATTIRE L’EAU DANS LES ENTEROCYTES

Le mécanisme de l’absorption de l’eau est directement lié à celui de l’absorption des acides gras courts (AGC), communément appelés acides gras volatiles (AGV). L’acétate, le propionate et le butyrate sont les trois principaux AGV. Ils proviennent en grande partie de la dégradation des fourrages par les microorganismes qui peuplent le gros intestin du cheval. Ceux-ci constituent les premiers nutriments énergétiques de l’animal nourri avec des fourrages.

En 2008, il est établi que chez les chevaux, à l’instar de l’homme et d’autres espèces animales, les AGV traversent la membrane des entérocytes grâce à un symporteur H+/carboxylate. Pour conserver l’équilibre osmotique dans les entérocytes, l’entrée d’un proton active deux antiporteurs : Na+/H+ et Cl-/HCO₃-. En conclusion, un ion sodium et un ion chlore sont absorbés en échange d’un proton et d’un ion bicarbonate. Les protons reversés dans la lumière intestinale s’associent ensuite à leur tour à des AGV ionisés pour faciliter leur absorption. Celle des AGV et de NaCl (sel) et la sécrétion de H2CO3 s’effectuent donc en parallèle. Le sel étant hydrophile, son absorption attire l’eau dans les entérocytes (^{voir figure 1}).

Ce mécanisme d’absorption conjointe de l’eau et des AGV est inhibé par l’acide lactique. Ce dernier est produit en quantité importante lorsque de l’amidon résiduel (non digéré en région antecæcale) est fermenté par les microorganismes du gros intestin. Il perturbe l’action du symporteur H+/carboxylate. L’acide lactique, qui peut lui-même être absorbé, entraîne alors une acidification intracellulaire qui modifie l’activité de l’antiporteur Na+/H+ et influence, par conséquent, l’absorption du sel, de l’eau et des AGV.

LES FOURRAGES LIMITENT LES RISQUES

En termes d’alimentation, l’absorption de l’eau au niveau du gros intestin est donc liée à la production d’AGV par la fermentation des substrats énergétiques (glucides cytoplasmiques et pariétaux) par l’écosystème microbien. La production d’AGV dépend des bactéries présentes et de leur activité. Des perturbations de l’écosystème microbien (changement d’aliment, traitement antibiotique, etc.) sont ainsi susceptibles de générer des diarrhées. Cette production d’AGV dépend également du temps de rétention dans le gros intestin, qui varie selon le régime alimentaire. Lorsque les chevaux reçoivent d’importantes rations de concentrés, le temps de rétention dans le gros intestin diminue, ce qui laisse moins de temps pour l’absorption de l’eau. Parallèlement, la production de lactate augmente avec la proportion de concentrés dans la ration. Le pH dans le gros intestin baisse alors, ce qui induit une chute de la concentration et de l’activité des bactéries cellulolytiques (^{voir figure 2}). Moins d’AGV sont produits, donc une quantité moindre d’eau est absorbée…

En conclusion, il convient de distribuer des fourrages afin de limiter les risques de diarrhée chronique d’origine alimentaire et de favoriser la réhydratation. Le seuil minimal recommandé pour réduire ceux-ci a longtemps été fixé à 1 kg de matière sèche de fourrage par 100 kg de cheval. Ce seuil est aujourd’hui revu à la hausse et fixé à 1,5 kg de matière sèche de fourrage par 100 kg de cheval (soit 8 à 9 kg de foin pour un animal de 500 kg).

Par ailleurs, chez les chevaux qui souffrent de diarrhées chroniques, les apports d’aliments qui diminuent le temps de rétention dans le gros intestin (concentrés et matières grasses) sont à contrôler. La distribution d’un probiotique, qui influence l’écosystème bactérien du gros intestin, permet également de limiter les diarrhées. Un focus sur les probiotiques et leur mode d’action fera l’objet d’un prochain article.