« Nous instruisons les dossiers des produits litigieux » sans AMM - La Semaine Vétérinaire n° 1584 du 10/05/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1584 du 10/05/2014

Entretien avec Jean-Pierre Orand

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SOCIOPRO

Auteur(s) : Éric Vandaële

L’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), dirigée par Jean-Pierre Orand, n’a pas pour objectif de mettre en œuvre une surveillance exhaustive des produits frontières. Elle agit sur plainte, peut interdire les produits litigieux et sanctionner les opérateurs.

L’ANMV exerce-t-elle une mission de surveillance des marchés qui s’étend aux nombreux produits borderline référencés en centrale ?

L’ANMV est l’autorité nationale compétente en France au regard du médicament vétérinaire. Le Code de la santé publique lui attribue des pouvoirs de police sanitaire. Ceux-ci lui permettent de prendre les mesures nécessaires de gestion au regard de tous les produits qui relèvent du statut juridique du médicament vétérinaire, selon l’expertise qu’elle en fait. Ainsi, l’ANMV peut interdire la fabrication, la commercialisation, l’importation, etc., et saisir tout médicament qui ne dispose pas des autorisations nécessaires à sa commercialisation en France. Elle a également la possibilité de prendre des sanctions à l’encontre des sociétés qui effectuent ces opérations.

Toutefois, l’ANMV ne dispose pas des moyens nécessaires pour rechercher activement ce genre d’infraction. Elle n’instruit ces dossiers quevsur plainte.

Les articles de phytothérapie, d’aromathérapie, d’homéopathie ou de médecines douces sont-ils des médicaments ou des produits nutritionnels ?

Tous les produits qui revendiquent des propriétés thérapeutiques relèvent du statut juridique de médicament vétérinaire par présentation.

Les médicaments homéopathiques sont clairement définis et identifiés dans le Code de la santé publique. Ils doivent faire l’objet d’un enregistrement s’ils ne revendiquent pas d’indication thérapeutique, ou d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le cas contraire.

Les produits nutritionnels de l’alimentation animale sont également soumis à une réglementation européenne. Ils peuvent afficher des allégations nutritionnelles spécifiques1, si ces dernières sont incluses dans la liste établie conformément à la directive n° 2008/38/CE et s’ils répondent aux caractéristiques correspondant à l’objectif nutritionnel particulier qui figure sur celle-ci.

Certains produits nutritionnels comportent dans leur nom commercial des termes assimilés santé médicale : « cur », « puces », « vers », « crypto », « diar » pour diarrhée, etc. Cela en fait-il des médicaments par présentation ?

Il n’est pas possible de répondre aussi simplement à cette question. Les exemples cités sont effectivement des indices et des facteurs qui ont tendance à évoquer les caractéristiques d’un médicament par présentation.

De telles dénominations ou allégations sont susceptibles d’induire en erreur le consommateur (le propriétaire de l’animal, dans le cas présent). Ces éléments seront pris en compte dans l’analyse juridique réalisée à partir de l’ensemble des documents commerciaux élaborés. Mais ce ne sont pas les seuls. La composition du produit, la notice et l’étiquetage sont également étudiés, et pas seulement la dénomination commerciale.

Lorsque le statut d’un produit apparaît comme litigieux, est-il possible de s’adresser à l’ANMV ?

Oui. L’ANMV est l’autorité compétente officielle en France en matière de statut juridique du médicament vétérinaire. Elle intervient à titre d’expert auprès des tribunaux.

Certains exploitants mettent en avant le niveau ou le coût trop élevé des exigences AMM. Un allégement de ces exigences sur les dossiers “qualité”, “innocuité” ou “efficacité”, peut-il être envisagé ?

L’allégement du dossier d’AMM est possible dans les cas prévus explicitement par la loi.

Concernant la phytothérapie par exemple, le décret n° 2013-752 du 16 août 2013 introduit la possibilité de bénéficier d’un dossier allégé de demande d’AMM pour les médicaments d’usage traditionnel, dont les principes actifs sont exclusivement une ou plusieurs substances végétales2.

Ainsi, le dossier peut faire référence à la littérature publiée et reconnue dans la tradition de la médecine en phytothérapie vétérinaire pratiquée en France ou dans l’Union européenne. Si le médicament est réputé d’usage bien établi depuis dix ans et s’il présente toutes les garanties d’innocuité, alors le demandeur n’aura pas à réaliser d’essais non cliniques et cliniques.

L’innocuité du médicament doit être démontrée par la bibliographie qui justifie de l’usage bien établi. À défaut, les études de toxicité et de résidus prévues pour tout médicament sont à réaliser.

En revanche, concernant le dossier »qualité », il semble difficile de permettre des allégements poussés. La garantie de la qualité de production du produit doit être assurée tant pour l’animal que pour le consommateur, dans le cas des médicaments administrés aux bêtes productrices de denrées alimentaires.

Les attentes sont de plus en plus fortes en médecines douces. Parfois, l’absence d’AMM est affichée comme une garantie d’innocuité de celles-ci. Comment l’ANMV peut-elle répondre à cette évolution ?

Si la réglementation peut apparaître contraignante et lourde, c’est dans un objectif de santé publique. Le but est de garantir la maîtrise des risques au regard de la santé animale, de celle du consommateur et de la protection de l’environnement.

Il ne faut pas oublier que le médicament vétérinaire, comme tout autre produit administré, ingéré par un animal producteur de denrées alimentaires peut être à l’origine de résidus ou contenir des contaminants susceptibles de se retrouver dans la nourriture. Au cours des dernières années, plusieurs scandales, notamment relatifs à l’alimentation animale, ont démontré la véracité de ce concept (dio-xine, mélamine, problème de la vache folle, etc.). Ces expériences, qui ont eu de graves répercussions tant sanitaires qu’économiques, nous confortent dans l’application du principe de précaution. Même s’il s’agit de médecine douce (un terme non défini, par ailleurs), ces produits sont fabriqués industriellement. L’absence de contrôle de qualité, d’évaluation par des experts indépendants et d’autorisation préalable ne permet pas de garantir leur innocuité, même s’ils sont à base de plantes.

L’objectif de ces réglementations et le rôle de l’ANMV ne consistent pas à empêcher toute innovation ou solution alternative aux antibiotiques. Bien au contraire. Cependant, la mission de l’agence est de s’assurer que le développement de ces dernières se fasse en toute sécurité.

  • 1 Des allégations dites “diététiques”.

  • 2 Articles R.5141-20 10° et 5141-23 III du Code de la santé publique.

Pour en savoir plus

Voir La Semaine Vétérinaire n°1583 du 2/5/2014, pp. 27-33

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