La jurisprudence toujours favorable au médicament - La Semaine Vétérinaire n° 1583 du 02/05/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1583 du 02/05/2014

Devant les tribunaux

Dossier

Une abondante jurisprudence nationale en Cour de cassation ou européenne porte sur les produits borderline par rapport au médicament humain. Dans la quasi-totalité des cas, les tribunaux de dernier recours requalifient les produits litigieux en médicaments, parfois même contre l’avis des administrations, notamment des fraudes. Pour les tribunaux, seules les agences du médicament peuvent décider du statut juridique d’un produit litigieux.

L’extrapolation de ces jurisprudences à la santé animale est d’autant plus aisée, que la définition légale du médicament à l’article L. 5111-1 du Code de la santé publique est commune à la pharmacie humaine et vétérinaire. Est considérée comme un médicament « par présentation », « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives » : la fameuse « allégation thérapeutique ». Le médicament « par fonction » correspond à « toute substance ou composition pouvant être utilisée ou administrée à l’animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ».

Si « ce produit n’est pas un médicament », c’est qu’il l’est

Un produit qui revendique une allégation thérapeutique par son étiquetage, une publicité, un article (diffusé par la firme) ou par une simple présentation orale des délégués devient un médicament par présentation quelles que soient ses propriétés pharmacologiques réelles ou supposées. Le fait de mentionner dans une publicité que « ce produit n’est pas un médicament » conduit, à l’inverse de l’effet recherché, à en douter. Et « en cas de doute, le médicament est considéré comme un médicament », dit la loi.

Il ne suffit donc pas d’avoir un étiquetage qui ne revendique pas d’allégation thérapeutique pour échapper au statut de médicament, si d’autres documents préparés ou diffusés par la firme présente le produit avec des allégations thérapeutiques. « Le fait que ces vertus thérapeutiques soient réelles, incertaines ou imaginaires est indifférent pour qualifier un produit comme médicament par présentation », confirme la Cour de cassation.

Une présentation implicite comme médicament

Sans allégation thérapeutique explicite, un produit peut implicitement être considéré comme un médicament si sa « présentation ou sa forme extérieure (galénique, conditionnement) est susceptible d’induire en erreur un consommateur moyennement avisé sur la nature médicamenteuse du produit ». Le jugement ne se fait pas sur un seul critère déterminant, mais sur un faisceau d’indices qui confortent la revendication implicite de propriétés curatives ou préventives (voir encadré).

La Cour de cassation requalifie les produits nutritionnels en médicaments s’ils sont présentés avec l’intention de « soigner » plutôt que de « nourrir », même lorsque les fraudes ont jugé à l’inverse que ces produits étaient bien des aliments.

« Pas de frontière claire entre la physiologie et la pharmacologie »

Le médicament par fonction est celui qui est administré à l’animal du fait de son « action pharmacologique, immunologique ou métabolique », même si cet effet n’est pas nécessairement revendiqué. L’Agence du médicament vétérinaire reconnaît qu’ « il n’y a pas de frontière claire entre un effet physiologique et un effet pharmacologique. Il s’agit plutôt d’un continuum entre la physiologie et la pharmacologie, entre un état d’équilibre et l’apparition d’un état pathologique et, donc, d’un continuum entre un effet physiologique et un effet pharmacologique ».

Une plante médicinale est un médicament

Pour la Cour de cassation, il ne peut être exigé « que les effets soient scientifiquement démontrés » pour que les produits litigieux soient néanmoins considérés comme des médicaments par fonction. Pour la Cour de cassation, tout produit à base de plante médicinale inscrite à la Pharmacopée est un médicament par fonction que leurs propriétés thérapeutiques soient démontrées ou non.

Au final, l’Agence se prononce « au cas par cas » en fonction de la composition du produit litigieux, de ses propriétés en l’état actuel des connaissances, du mode d’emploi et des risques.

L’homéopathie ne sucre pas

Toutefois, pour la Cour de cassation, « il n’y a pas lieu de faire une distinction entre les produits destinés aux maladies graves [qui seraient des médicaments], et les produits de soins des affections bénignes (soins de la peau ou des yeux) [qui n’en seraient pas] ». De même, pour la Cour de cassation, « il n’y a pas de distinction à faire entre les produits qui seraient « à risque » [qui seraient des médicaments] et ceux qui ne présentent aucun risque pour un consommateur [qui n’en seraient pas]. » Un granule de saccharose présenté comme un produit homéopathique est évidemment un médicament et non un sucre…

Références

Note de l’Anses-ANMV sur le statut juridique du médicament vétérinaire du 25/9/2013.

Cour de cassation, arrêts 7015 du 14/12/2004, 1792 du 22/3/2005 et arrêt du 5/5/2009 (n° de pourvoi 08-84480) et rapport annuel 2011.

Cour de justice des Communautés européennes, arrêt du 9/6/2005 et du 15/11/2007.

UN FAISCEAU D’INDICES PHARMACEUTIQUES

En l’absence d’allégation thérapeutique explicite, un produit borderline peut être considéré par les agences du médicament ou par les tribunaux comme un médicament sur la base d’un faisceau d’indices comme :

> la galénique (comprimé, gélule, poudre orale, gel, solution, seringue, spot-on, etc.), la notice et le conditionnement d’apparence pharmaceutique ;

> les logos, marques ou mentions à connotation pharmaceutique ou vétérinaire, par exemple un caducée, une mention de type « conçus ou fabriqués sous contrôle pharmaceutique », ou se rapprochant du terme « pharma » ;

> des noms commerciaux faisant référence à une maladie (« crypt », « diar », « arthro », etc.) ou une thérapeutique (« cur », « imune », etc.) ;

> l’allusion à une recherche pharmaceutique ou vétérinaire ;

> l’usage d’un vocabulaire médical (cure, diagnostic, thérapie, signes cliniques, des références explicites ou implicites à des maladies) ou de termes équivoques comme « nutraceutique », « alicament », « nutricament » ;

« Un produit recommandé par les vétérinaires » ;

> une distribution pharmaceutique chez les vétérinaires, ou la vente par un laboratoire pharmaceutique ou à connotation pharmaceutique, avec un nom de type « Labo Pharma ».

Dans les aliments complémentaires pour les animaux de rente et les équidés, l’application d’un taux de TVA normal (à 20 %), qui s’applique au médicament, au lieu du taux de TVA réduit (à 10 %), qui devrait s’appliquer à ces aliments, est aussi un indice supplémentaire qui n’a toutefois jamais été pris en compte dans la jurisprudence récente. Par prudence, un taux de TVA à 20 % permet au distributeur de se prémunir contre un redressement fiscal.

Aucun de ces indices n’est à lui seul déterminant. Mais le cumul d’indices peut faire « au cas par cas » d’un produit borderline un médicament.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr