Maladie surrénalienne du furet : pathologie et traitement - La Semaine Vétérinaire n° 1581 du 18/04/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1581 du 18/04/2014

Formation

NAC

Auteur(s) : Adeline Linsart

Fonctions : praticienne au CHV Saint-Martin, à Saint-Martin-Bellevue (Haute-Savoie).

Points forts

– Une alopécie bilatérale et symétrique est un signe d’appel majeur lors de maladie surrénalienne à un stade avancé.

– Le dosage des hormones sexuelles et l’échographie adbominale confirment le diagnostic lors de suspicion clinique.

– La surrénalectomie est le traitement de choix.

La maladie surrénalien­ne est courante chez le furet âgé. Cette affection est due à la sécrétion excessive de stéroïdes sexuels par les glandes surrénales, à la faveur d’une hyperplasie, d’un adénome ou d’un adénocarcinome. Contrairement à ce qui est noté chez le chien et le chat, l’hypercortisolisme et la sécrétion excessive de minéralocorticoïdes par les surrénales sont rares chez le furet.

PATHOGÉNIE

La fréquence de la maladie surrénalienne chez le furet serait liée à la stérilisation1 (précoce ou non). En effet, l’une des théories actuellement retenue suppose que les tissus gonadiques et surrénaliens étant issus des mêmes cellules embryonnaires, des cellules gonadi­ques sensibles aux stimulations de l’axe hypothalamo-hypophysaire persisteraient à l’âge adulte dans le cortex surrénalien. Lors de la stérilisation, l’axe hypothalamo-hypophysaire resté actif stimulerait alors les cellules du cortex surrénalien, à la place des gonades, et provoquerait la maladie surrénalienne.

Des facteurs génétiques et l’allongement de la photopériode favoriseraient également la survenue de la maladie surrénalienne (en dehors de la stérilisation).

TABLEAU CLINIQUE

Les premiers symptômes apparaissent parfois dès la troisième ou la quatrième année de vie, chez les mâles comme chez les femelles. Les individus castrés sont plus souvent atteints, ce qui suggère un lien entre la stérilisation (précoce) et la survenue de la maladie surrénalienne.

Le tableau clinique est caractérisé par un amaigrissement modéré et des dépilations localisées, parfois saisonnières (queue, arrière de la tête). L’un des signes d’appel majeur, lors­que la maladie surrénalienne est à un stade avancé, est le développement d’une alopécie bilatérale et symétrique. Elle débute généralement à la base du dos et de la queue, parfois à l’arrière du crâne, s’étend à l’ensemble du dos, puis du corps. Le pelage est sec et terne. Les poils peuvent facilement être arrachés. Un prurit est régulièrement observé. La peau s’affine et laisse apparaître les veines abdominales bleutées. Une importante fonte musculaire concomitante est observée. Les furets atteints présentent une fatigue et une baisse générale d’activité, souvent considérée à tort comme normale du fait de leur âge avancé. Certains propriétaires remarquent des troubles de l’appétit et de la prise de boisson (polyphagie, polyuro-polydipsie). Ces signes sont cependant inconstants.

L’imprégnation excessive par les hormones sexuelles peut également se traduire par le retour d’un comportement de rut chez le mâle (forte odeur corporelle, agressivité) et une vulve gonflée chez la femelle. Cette présentation clinique est à distinguer des affections ovariennes (tumeur ou rémanence, par exemple) susceptibles d’évoluer chez les furettes entières et stérilisées. Une anémie par hyperœstrogénisme peut survenir dans les cas les plus avancés.

Chez le mâle, l’imprégnation hormonale excessive engendre parfois une strangurie en raison d’une obstruction urétrale par prostatomégalie (ou prostatite). Des lésions préputiales ont également été récemment décrites.

DOSAGES HORMONAUX

Les valeurs basales de la 17OH-progestérone, l’androstènedione et l’œstradiol sont mesurées. Les androgènes sont normalement présents en faible quantité chez certains furets castrés en bonne santé, bien qu’une fluctuation saisonnière physiologique puisse persister.

Chez la furette stérilisée, les dosages hormonaux permettent notamment de distinguer une rémanence ovarienne d’une maladie surrénalienne. Ils sont cependant systématiquement à coupler avec une échographie abdominale afin de faciliter l’interprétation des résultats. En effet, un faible nombre d’individus (8 % selon Lewington) ne présentent aucune augmentation des stéroïdes sexuels lors de maladie surrénalienne. De même, la hausse isolée d’une seule des trois hormones de cet éventail est significative (voir tableau).

ÉCHOGRAPHIE ABDOMINALE

L’échographie abdominale est l’examen complémentaire de choix : elle permet l’observation de l’ensemble des organes abdominaux, essentielle dans le cadre du bilan de santé d’un furet âgé. En effet, la maladie surrénalienne évolue souvent de manière synchrone à d’autres affections, telles que l’insulinome, le lymphome ou les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Un bilan biochimique classique est d’ailleurs recommandé afin de dépister ces maladies de manière systématique.

L’échographie abdominale requiert une sonde adaptée (supérieure à 10 MHz) et une certaine expérience de l’opérateur. En effet, les nœuds lymphatiques abdominaux sont souvent réactifs chez le furet (kystes, adénomégalie) et peuvent être confondus avec une glande surrénale de taille ou d’aspect anormal. Il convient de rechercher une forme arrondie ou une asymétrie des surrénales, une minéralisation2 et/ou une épaisseur surrénalienne accrue (supérieure à 3,5 à 3,9 mm selon les auteurs). L’atrophie controlatérale notée lors de tumeur surrénalienne chez le chien ne se rencontre pas chez le furet. Une atteinte bilatérale des glandes surrénales est d’ailleurs observée dans 15 % des cas de maladie surrénalienne.

DONNÉES ANATOMO-PATHOLOGIQUES

La prévalence des lésions surrénaliennes est élevée chez les furets. Elle concernerait pratiquement 95 % des animaux autopsiés selon les études. Une atteinte unilatérale est observée chez la majorité des furets malades (85 %). Les lésions histopathologiques sont variées : hyperplasie, adénome ou carcinome. Les métastases à d’autres organes sont rares. En revanche, un envahissement régional est classique lors de formes agressives.

TRAITEMENT

Le traitement de choix repose sur la surrénalectomie : chez un furet en bonne santé et en l’absence de contre-indications (maladies intercurrentes), cette intervention chirurgicale offre un excellent pronostic. Elle est mieux tolérée chez cette espèce que chez les autres carnivores domestiques. Le risque d’hypocorticisme iatrogène est faible et susceptible d’être contrôlé médicalement s’il survient. En présence d’un carcinome surrénalien, l’exérèse chirurgicale complète présente un excellent pronostic postopératoire. Cette solution est systématiquement privilégiée en présence de signes échogra­phi­ques en faveur d’un processus tumoral ou d’une atteinte surrénalienne unilatérale.

Lors d’atteinte bilatérale des glandes surrénales (mise en évidence de signes échographiques évocateurs d’une hyperplasie), une prise en charge chirurgicale ou médicale est possible. La mise en place d’un implant de desloréline, agoniste de la GnRH, permet un contrôle satisfaisant des symptômes (reprise de l’activité, repousse des poils). Une surveillance échographique régulière est toutefois requise, car l’implant ne possède aucun effet avéré sur la croissance tumorale. Il importe donc de s’assurer que de nouvelles modifications surrénaliennes n’apparaîssent pas à bas bruit. Celles-ci compromettraient le pronostic vital à long terme. La durée d’action de l’implant est comprise entre 18 et 24 mois. Il est à remplacer dès la réapparition des symptômes évocateurs de la maladie.

  • 1 En pratique, la maladie surrénalienne est plus fréquente chez les furets stérilisés. Toutefois, elle est également décrite chez des animaux entiers. La similitude des signes cliniques de la maladie surrénalienne avec un comportement de rut normal chez un furet entier rend probable une sous-estimation de cette affection chez leurs congénères reproducteurs.

  • 2 La minéralisation est rare mais sa présence est en faveur d’un phénomène cancéreux.

Bibliographie

  • → Chen S. Advanced diagnostic approaches and current medical management of insulinomas and adrenocortical disease in ferrets (Mustela putorius furo). Vet. Clin. Exot. Anim. 2010 ; 13 (3):439-452.
  • Kuijten A.M., Schoemaker N.J., Voorhout G. Ultrasonographic visualization of the adrenal glands of healthy ferrets and ferrets with hyperadrenocorticism. JAAHA. 2007 ; 43 (2):78-84.
  • Lewington J.H. Ferret husbandry, medicine and surgery. 2nd ed. 2007. Saunders.
  • → Schoemaker N.J., Schuurmans M. et coll. Correlation between age at neutering and age at onset of hyperadrenocorticism in ferrets. JAVMA. 2000 ; 216:195-197.
  • Wagner R.A., Piché C.A., Jochle W. and Oliver J.W. Clinical and endocrine responses to treatment with deslorelin acetate implants in ferrets with adrenocortical disease. Am. J. Vet. Res. 2005 ; 66 (5):910-914.
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