Interactions entre les mycotoxines, l’immunité, la réponse vaccinale et les challenges bactériens

Les mycotoxines constituent un groupe hétérogène au sein duquel plus de 300 représentants sont désormais connus. Elles ont en commun leur toxicité et le fait d’être produites par des champignons directement sur les matières premières, au champ ou au stockage (les céréales, telles que le maïs et le blé, sont les plus touchées). Mickaël Rouault a présenté, lors de la dernière Journée des professionnels de la poule pondeuse et de l’œuf de consommation¹, les résultats de travaux menés par Biomin, un partenaire privé de l’Institut technique de l’aviculture (Itavi). Ils portent sur les interactions relatives aux mycotoxines, à l’immunité, à la réponse vaccinale, ainsi qu’à divers challenges bactériens.

Parmi les principales mycotoxines, citons notamment la zéaralénone, l’aflatoxine (peu présente dans les champs français, mais la seule soumise à une réglementation en raison des risques de contamination humaine par le lait), la fumonisine B1 ou encore le déoxynivalénole, plus connu sous l’acronyme DON ou l’appellation vomitoxine (une des mycotoxines les plus répandues en Europe). La contamination des matières premières est mondiale et varie selon les régions et les climats. Le DON, par exemple, affecte davantage le nord de l’Europe que les pays du Sud.

90 % DE SYMPTÔMES NON SPÉCIFIQUES

En France, les expressions cliniques imputables aux mycotoxines chez les volatiles restent une exception dans les élevages de poules pondeuses. Des effets insidieux, subcliniques, sont surtout observés. En outre, lorsque des symptômes sont notés, 90 % d’entre eux sont non spécifiques. Il s’agit notamment de lésions buccales, attribuées dans la plupart des cas à des mycotoxines, avec pour facteur aggravant une mouture trop fine de l’aliment. En revanche, une extrémité de la langue noire est typique d’une contamination par des mycotoxines. Il convient de ne pas confondre ces lésions de nécrose avec une coloration noirâtre similaire, engendrée par le tourteau de tournesol lorsque ce dernier est incorporé à des taux importants dans l’alimentation. Une érosion des gésiers, des altérations hépatiques (les aflatoxines B1 et les fumonisines sont hépatotoxiques) ou des dommages du tube digestif constatés à l’autopsie orientent également vers une mycotoxicose. Trois périodes sont particulièrement à risque :

> de 0 à 6 semaines, en raison d’un développement intestinal et immunitaire intense ;

> de 14 à 15 jusqu’à 18 à 20 semaines, en raison de kystes ovariens ou du développement trop précoce des ovaires induit par la zéaralénone, d’une interférence avec le métabolisme du calcium et d’une croissance hétérogène des lots ;

> de 20 à 40 semaines et plus, en raison d’une consommation irrégulière d’aliments, d’une chute de ponte, de coquilles fragiles, de troubles du comportement.

INTERACTIONS AVEC L’IMMUNITÉ ET DIVERSES VOIES MÉTABOLIQUES

Selon Grenier et Oswald (2011), la plupart des études mettent en évidence des interactions additives, voire synergiques, relatives aux effets adverses des mycotoxines. Ces dernières constituent presque toujours un facteur aggravant d’un autre agent pathogène avec lequel elles interagissent : E. coli, C. perfringens, les coccidies telles que Eimeria tenella, etc. L’effet immunosuppresseur des mycotoxines est un facteur clé dont les manifestations sont générales (par exemple, l’aflatoxine inhibe la fonction phagocytaire et l’immunité humorale) ou localisées à certains organes (les fumonisines diminuent le nombre de lymphocytes présents dans la rate, les trichotécènes inhibent la sécrétion intestinale d’immunoglobuline A, etc.). Une étude menée en Autriche en 2011 révèle, en outre, que la contamination expérimentale de poulets par du DON à des doses de 10 mg/kg, c’est-à-dire deux fois la dose réglementaire autorisée par l’Union européenne (mais une fois celle admise aux États-Unis) dans les produits finis destinés à l’alimentation des volatiles induit une nette diminution de la réponse humorale à la suite d’une vaccination contre la bronchite infectieuse. Des travaux de 2012 montrent que le DON génère une prédisposition au développement d’entérites nécrotiques, y compris lors de contamination des aliments à des quantités plus faibles, de l’ordre de 3 à 4 ppm (3 000 à 4 000 µg/kg est un niveau certes important, mais loin d’être irréaliste). Le risque d’entérite nécrotique est démultiplié lorsque les contaminations par le DON et C. perfringens sont combinées.

Enfin, les mycotoxines interagissent avec différentes voies métaboliques. La fumonisine inhibe la céramide synthase, chargée de transformer la sphinganine en sphingosine : la sphinganine s’accumule dans la cellule, ce qui perturbe le métabolisme des phospholipides. Une contamination à bas taux par différentes mycotoxines, associée à d’autres agents pathogènes et stressants (chaleur, vaccination, etc.), apparaît donc comme un cocktail particulièrement dévastateur et redoutable en élevage. La protection des poulettes et des poules pondeuses constitue par conséquent un enjeu prioritaire.

• 1 Le 5 décembre 2013 à Pacé (Ille-et-Vilaine).