Réglementation “bien-être” et connaissances des capacités cognitives évoluent en parallèle - La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : Laure Bignon*, Christine Leterrier**, Cécile Arnould***, Cyril Parachini-Winter****

Fonctions :
*de l’Itavi
**Article tiré des conférences présentées lors des Journées de la recherche avicole et des palmipèdes à foie gras 2013, à La Rochelle.
***de l’Inra et du CNRS.
****Article tiré des conférences présentées lors des Journées de la recherche avicole et des palmipèdes à foie gras 2013, à La Rochelle.
*****de l’Inra et du CNRS.
******Article tiré des conférences présentées lors des Journées de la recherche avicole et des palmipèdes à foie gras 2013, à La Rochelle.

Points forts

– Les mécanismes biologiques impliqués dans le maintien du bien-être des volailles sont étroitement liés à la santé et aux performances zootechniques des animaux et pour leur descendance.

– La qualité de la conduite d’élevage est l’un des facteurs déterminants de l’état des animaux. L’observation et l’attention de l’éleveur sont donc capitales.

En 1979, le Farm Animal Welfare Council définissait les « cinq principes du bien-être animal » : l’absence de maladie, de faim et de soif, d’inconfort physique, de stress et de détresse, et la possibilité d’exprimer les comportements naturels de l’espèce. Dans l’essence même de cette définition, un seul de ces points concerne les maladies. Les quatre autres semblent être des éléments “extérieurs” à la santé, susceptibles de “désintéresser” les acteurs qui en ont la charge spécifique. En 2010, un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) propose une vision plus globale, dans laquelle le bien-être animal est étroitement relié à la santé et à la sécurité alimentaire.

Une étude de Laure Bignon (Itavi), Christine Leterrier et Cécile Arnould (Inra, CNRS), présentée aux dernières JRA, insiste sur la difficulté de dissocier la santé et le bien-être. Les auteures établissent une synthèse1 qui révèle comment de nouvelles connaissances relatives aux capacités cognitives des oiseaux et à l’impact du stress sur leur état de santé, sur leurs performances zootechniques et sur leur descendance contribuent à initier une réorientation de la réglementation européenne relative au bien-être animal.

SENSIBILITÉ ET EFFETS PROTÉIFORMES DU STRESS

Longtemps sous-estimées, la sensibilité des oiseaux aux modifications de leur environnement et leurs capacités émotionnelles et cognitives (mémorisation, catégorisation des individus, etc.) sont désormais bien établies. Les travaux effectués en 2001 par Davis et Taylor montrent que les poules font la différence entre plusieurs personnes, par exemple. Des mécanismes de peur condi­tionnée sont également mis en évidence chez le pigeon2 : une réaction de crainte peut être déclenchée par un stimulus neutre (un signal lumineux, par exemple) dès lors que ce dernier est préalablement associé à une situation désagréable (contention dans un coin de la cage). Le concept de biais cognitif (bien connu en psychologie humaine, et par lequel des images, des odeurs ou des circonstances considérées comme neutres chez un individu non déprimé sont perçues et interprétées négativement par un sujet déprimé) est également introduit par Brilot et son équipe en 2010. En particulier, un environnement trop pauvre biaise la perception des oiseaux vis-à-vis des situations nouvelles. Ces dernières apparaissent neutres aux volatiles qui évoluent dans des cadres enrichis (avec des bran­chages, par exemple).

IMPACT DU STRESS SUR LA DESCENDANCE DES REPRODUCTEURS

Deux principaux éléments sont impliqués dans les manifestations évaluables en réponse au stress : le système nerveux autonome et l’axe corticotrope (hypothalamus, hypophyse, glandes surrénales) qui est activé par l’intégration de stimuli physiques (température, humidité, etc.) et psychobio­logiques (peur). Via ces systè­mes, le stress est initialement géré grâce à un phénomène dit d’adaptation. Mais lorsque les stimulations négatives se répètent, de nombreux effets néfastes font leur apparition, comme des retards de croissance, de ponte et une dé­térioration de l’indice de consommation. En outre, de multiples éléments générateurs de stress (froid, agents infectieux, restrictions alimentaires, etc.) induisent une dépression immunitaire3.

Les cortisostéroïdes (produites par les glandes surrénales) sont des immunodépresseurs. De plus, des travaux issus d’une nouvelle discipline appelée “endocrinologie microbienne” montrent que les catécholamines (médiateurs du système nerveux autonome) favorisent l’apparition d’états septiques en modifiant la croissance, la mobilité ou la virulence de certaines bactéries. Aujourd’hui, les impacts du stress sur la descendance des reproducteurs sont aussi documentés. Celui-ci influence notamment la composition en stéroïdes sexuels et en glucocorticoïdes du jaune d’œuf. Les conséquences sur le système immunitaire et le comportement des poussins sont importantes. Les recherches en 2011 de Henriksen et de son équipe révèlent qu’une cortisolémie élevée chez la poule entraîne un faible taux de progestérone et de testostérone (impliqués dans le phénotype de la descendance) dans le jaune d’œuf.

DE L’OBLIGATION DE MOYENS À L’OBLIGATION DE RÉSULTAT

Le rapport de 1996 du Scientific Committee on Animal Health and Animal Welfare (SCAHAW) fait état de peu de troubles de santé par comparaison avec ceux relatifs au bien-être (cages conventionnelles appauvries et troubles comportementaux associés). En revanche, le rapport rédigé par le même comité, en 2000, met davantage en exergue des problèmes liés à la sélection pour la croissance et l’efficacité alimentaire, impliqués dans l’apparition de maladies telles que les troubles locomoteurs, l’ascite et certaines dermatites de contact. Des observations confirmées par l’Efsa en 2010. Grâce au projet européen Welfare Quality de 2009, des grilles d’évaluation du bien-être ont été établies. Cet outil complet dévaluation du bien-être animal est fondé sur quatre principes (une bonne alimentation, un bon logement, une bonne santé et des comportements appropriés), eux-mêmes déclinés en 12 critères sans compensation possible entre eux. Ces grilles présentent néanmoins l’inconvénient d’être chronophages à remplir. Elles manquent en outre d’indicateurs capables de mettre en évidence la douleur ou l’ennui.

Depuis plusieurs années, les réglementations européennes (y compris dans des domaines qui dépassent largement la production avicole) s’affranchissent de plus en plus des obligations de moyens histo­riquement imposées (à l’image de la directive 1999/74/CE fixant des normes de surface ou d’installations de type perchoirs dans les cages des pou­les pondeuses) pour se tourner vers des obligations de résultat. Ces dernières s’appuient sur des indicateurs de bien-être fondés, validés scientifiquement et directement mesurés chez les animaux (à l’instar de la directive 2007/43/CE pour les poulets de chair, qui impose un niveau maximal de dermatites de contact, de parasitisme et de maladies systémiques). Même si le contrôle de leurs applications est plus aisé, les obligations de moyens ne suffisent plus aujourd’hui à appréhender la complexité des différentes composantes du bien-être animal. Par ailleurs, la stratégie de l’Europe pour la période 2010-2015 prévoit une simplification du cadre législatif relatif au bien-être des animaux, ainsi que des actions de communication destinées à sensibiliser le grand public et les professionnels à ces questions. Il ne s’agit pas, bien entendu, de balayer tou­tes les normes établies par le passé et cette réorientation s’appuiera largement sur les conclusions du projet Welfare Quality de 2009, par exemple. S’il n’est pas possible actuellement d’estimer la pertinen­ce des nouvelles orientations des textes législatifs européens, les filières françaises doivent se les approprier dès maintenant afin d’être actives dans la construction de ce nouveau projet.

  • 1 Fondée sur des études supportées par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et le Compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural (Casdar).

  • 2 Brito et coll., 2006.

  • 3 Merlot, 2004.

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