Poissons : la France plutôt “à cheval” sur l’étiquetage

Et si la fraude sur l’étiquetage des aliments n e concernait pas que le secteur de la viande, comme l’ont tristement illustré les dernières affaires ? C’est ce qu’ont cherché à savoir les associations Bloom et Oceana, les chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et du Muséum national d’histoire naturelle, et le magazine Terra Eco¹. Ils se sont associés pour mener une enquête en France sur la fraude à l’étiquetage des poissons et des produits à base de poissons. Pour cela, 371 échantillons ont été prélevés dans les poissonneries, les grandes surfaces et les restaurants, dans dix régions pendant un an (2013).

Le thon rouge, le point noir ?

Les résultats montrent un taux de fraude moyen de 3,5 % ^{(voir tableau)}. Mais toutes les espèces ne sont pas logées à la même enseigne. Ainsi, aucune substitution d’espèce n’est recensée pour le bar, le merlan, le lieu noir, la lotte ou le colin d’Alaska. Il n’en est pas de même pour le cabillaud, qui dans 4,2 % des cas se fait passer pour du merlu ou de l’églefin. Mais la palme de la fraude revient à la dénomination “thon rouge” (espèce en danger) derrière laquelle se cachent, dans 80 % des cas en moyenne, d’autres espèces d’une valeur marchande moindre, comme le thon albacore (espèce quasi menacée) ou obèse (espèce vulnérable).

Substituer un poisson cher par un autre qui l’est moins est en effet l’un des motifs de la fraude à l’étiquetage, qui permet en outre aux prises pêchées illégalement ou encore aux espèces protégées d’être mises sur le marché.

Une fraude “facile” sur les filets de poisson frais

L’enquête a permis de cibler également les produits concernés par la fraude à l’étiquetage. Elle concerne particulièrement les filets de poissons frais, vendus dans les restaurants (4 %), les poissonneries de ville (8 %) et les supermarchés (4 %). En revanche, aucune substitution n’est observée dans les plats préparés ou les surgelés.

Qui sont les principaux fraudeurs à l’étiquette ? D’après les chiffres 2012 de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ils sont en majorité situés en bout de chaîne : les poissonneries (31 % des anomalies détectées), les supermarchés (17 %), les distributeurs (19 %), au lieu de seulement 2 % pour les grossistes et les mareyeurs.

Avec un taux moyen de fraudes à l’étiquetage des poissons de 3,5 %, la France est la bonne élève de l’Europe, par rapport à l’Italie (32 % de fraudes), à l’Espagne (30 %), à l’Irlande (19 %) ou encore au Royaume-Uni (6 %). À l’échelle mondiale, 33 % des poissons échantillonnés aux États-Unis ne correspondaient pas à l’espèce affichée, selon une étude de l’organisation non gouvernementale américaine Oceana, publiée en 2013.

• 1 Édition de mars 2014, n° 55.