Protéine majeure de la phase aiguë de l’inflammation : un des reflets de l’état de santé des porcs

Les protéines de la phase aiguë de l’inflammation (ou PPA) sont des protéines sanguines qui voient leurs concentrations plasmatiques modifiées en cas d’infection, de stress ou de dommage tissulaire. En tant que marqueurs non spécifiques de l’inflammation, ces PPA peuvent aider à dépister des états pathologiques ou à évaluer l’état de santé dans les élevages de porcs. La protéine majeure de la phase aiguë du porc (P-Map pour pig major acute-phase protein), de découverte relativement récente, est une des PPA essentielles dans l’espèce porcine. Décrite pour la première fois en 1994, elle présente de grandes similitudes avec la chaîne lourde des inhibiteurs inter-α de la trypsine. En tant que telle, la P-Map pourrait exercer une fonction anti-inflammatoire en favorisant la polymérisation de l’actine, en inhibant la phagocytose et en contribuant à stabiliser les membranes cellulaires. Il est en outre possible qu’elle joue un rôle dans le développement embryonnaire, et aide à la réparation des dommages subis par différents organes.

Facteurs déclenchantset évolution de la concentration sanguineen P-Map

Les principaux agents à l’origine d’une modification du taux de la P-Map sont tant bactériens (A. pleuropneumoniae, S. suis, etc.), que viraux (PCV2, maladie d’Aujeszky) ou parasitaires (T. gondii). Des valeurs élevées de la concentration en P-Map peuvent également être notées au cours de situations propices au stress (manque d’espace, transport sur de longues distances, changements alimentaires, introduction d’animaux nouveaux). Pendant la phase aiguë de l’inflammation, la concentration de la P-Map est multipliée par 10 à 15 en fonction de l’agent phlogogène : la concentration plasmatique normale de cette protéine est de 0,3 à 1 mg/ml et peut atteindre 2 à 12 mg/ml. Les concentrations maximales sont observées deux à cinq jours après le début de la réaction inflammatoire. Puis si l’agression est jugulée, celle-ci baisse progressivement pour retrouver sa valeur initiale après 10 à 20 jours.

Au cours d’études menées conjointement au niveau européen par la plupart des experts dans ce domaine, la P-Map a été incluse, ainsi que d’autres protéines de la phase aiguë, dans un “index de la phase aiguë” utilisé pour évaluer l’état de santé des porcs. De ce projet, nommé Acute phase proteins in pig, il ressort que la P-Map est la protéine la plus sensible parmi toutes celles étudiées pour détecter un état pathologique. Elle présente en particulier cet avantage d’une grande homogénéité au cours des états “normaux”, c’est-à-dire en l’absence d’infection ou de stress (par comparaison avec les autres PPA comme l’haptoglobine).

La concentration sérique en P-Map plus élevée chez les porcelets nés de mères primipares

Les porcelets acquièrent leur immunité passive par le colostrum uniquement. Il est aujourd’hui reconnu que les primipares transmettent moins d’immunoglobulines (IgG) via le colostrum et moins de nutriments par le lait à leurs portées que les multipares. Les performances et la viabilité des porcelets en sont considérablement affectées. En 2006, Carlos Piñeiro et coll. montrent que des porcelets élevés par des primipares affichent un poids moyen à 144 jours de 81,6 kg et une mortalité de 6,9 %, au lieu de 88,3 kg et 5,5 % pour des porcelets élevés par des multipares. La concentration sérique en P-Map est par ailleurs significativement plus élevée chez les porcelets nés de mères primipares. Cette concentration s’est révélée également plus élevée chez des porcs atteints de diarrhées en postsevrage, indépendamment de l’agent causal.

Des travaux menés l’année dernière par Joaquin Morales comparent l’efficacité de deux traitements contre les diarrhées du postsevrage : de l’oxyde de zinc utilisé à une concentration thérapeutique de 3 000 ppm, et une forme potentialisée de l’oxyde de zinc (HiZox® Animine) administrée à une concentration de 150 ppm, le tout au cours de la phase de démarrage entre 42 et 63 jours. Le gain moyen quotidien est meilleur pour les porcelets nourris avec la forme potentialisée (424 g/j versus 359 g/j), de même que le poids à la fin de la période de démarrage (17,9 kg versus 16,5 kg) et l’indice de consommation (1,44 versus 1,71). En parallèle, la concentration sérique en P-Map est plus basse pour le groupe complémenté avec la forme potentialisée de l’oxyde de zinc. Ainsi, des meilleures performances chez les porcelets, liées à un bon état de santé de ces derniers, sont reflétées par des concentrations plus faibles en P-Map. De multiples applications sont envisageables pour cette protéine de l’inflammation dans un futur proche, parmi lesquelles l’évaluation de l’état de santé et de bien-être des porcs en milieu industriel, l’estimation du statut sanitaire des porcs dans un élevage ou leur introduction dans celui-ci, ou encore l’aide à la détection de lésions pulmonaires à l’abattoir (de type pleurésie notamment) pour lesquelles la P-Map s’est révélée avoir une grande sensibilité.

Source : « Major acute phase proteins act as health status biomarker », Matilde Piñeiro, et coll., Europa, Pig Progress, vol 29, n° 1, 2013.