Pratiquer la communication non violente (CNV) permet de prévenir les débordements - La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014

Méthode de Marshall B. Rosenberg

Dossier

Auteur(s) : Christophe Deforêt

Parfois – et pour certains tout particulièrement –, la communication ressemble davantage à un combat où l’une des deux parties doit sortir gagnante au détriment de l’autre. Le mécontentement d’un client est finalement parfois exacerbé par notre propre façon de communiquer. Une méthode, simple et structurée, développée dans les années 80 par le docteur en psychologie clinique Marshall B. Rosenberg, consiste à utiliser un mode de communication capable de faciliter les relations humaines et de les enrichir avec l’empathie : il s’agit de la communication non violente. Cette CNV est globalement fondée sur le désir d’être généreux et de retrouver la valeur profonde des interactions humaines et le contact authentique avec les autres et soi-même.

Même si nous avons l’impression que notre façon de parler n’a rien de violent, souvent nos paroles heurtent les autres. La communication non violente nous invite à reconsidérer notre façon de nous exprimer et d’écouter autrui. Son objectif est de transformer nos propos, souvent routiniers et automatiques, en réponses réfléchies, fruits d’une prise de conscience de nos perceptions, de nos émotions et de nos désirs. L’idée est ainsi de parvenir à s’exprimer clairement, sincèrement, en portant sur l’autre un regard à la fois respectueux de son point de vue et empathique. Dans un échange sur un mode de communication non violente, nous sommes à l’écoute à la fois de nos besoins les plus profonds et de ceux de notre interlocuteur. Cette démarche pousse à devenir plus observateur, afin d’identifier les comportements et les situations importantes pour nous.

Quatre composantes de la CNV

Dans une situation donnée, il s’agit de porter son attention sur plusieurs points qui constituent les quatre composantes de la communication non violente.

Décrire la situation. Il s’agit de l’observer sans l’évaluer (que se passe-t-il réellement ?). Il s’agit d’éviter de coller des étiquettes et de remplacer les généralisations et les jugements par des observations circonstanciées et précises des faits. Ainsi, plutôt que de risquer de faire entendre à l’interlocuteur une critique, plus ou moins déguisée, qui risque de générer une résistance à nos propos, il faut parvenir au contraire à entrer dans son monde (faire preuve d’empathie).

Déterminer l’effet de la situation sur les interlocuteurs. Identifier et exprimer les sentiments de chacune des parties vise à prendre conscience du ressenti provoqué par la situation précédente et de le verbaliser en utilisant un lexique affectif non ambigu. Ce n’est pas une chose aisée, car nous parvenons bien plus facilement à qualifier autrui qu’à décrire clairement nos propres émotions. Les termes qui désignent des émotions spécifiques sont beaucoup plus efficaces que les mots vagues ou trop généraux. Par exemple, « je me sens mal » peut aussi bien signifier que je suis triste, découragé ou inquiet. Les expressions comme « bien » et « mal » ne permettent pas à l’interlocuteur de comprendre précisément le ressenti. Certes, exprimer ses sentiments dans un contexte professionnel et montrer ainsi une certaine vulnérabilité n’est pas évident. Pourtant, dire ce que nous ressentons peut aider l’autre à exposer ses propres sentiments et faciliter alors la découverte de ses besoins et de ses attentes, par rapport à l’animal par exemple.

Discerner le besoin sous-jacent. La troisième composante de la communication non violente consiste à identifier l’origine des sentiments. Les paroles et les actes ne sont que la conséquence, et non la cause de nos émotions. C’est la manière dont nous choisissons de percevoir les actes et les paroles de l’autre, ainsi que nos attentes et nos propres besoins à ce moment donné, qui engendrent nos sentiments. Il s’agit en fait d’accepter la responsabilité de ce que nous faisons pour générer notre propre ressenti. Plus nous sommes aptes à rattacher nos sentiments à nos besoins, sans les confondre, plus il est facile pour les autres d’y répondre avec empathie.

En réalité, les jugements que nous portons sur autrui ne sont que le reflet de nos propres besoins insatisfaits. Dès lors que les individus parviennent à exprimer leurs besoins plutôt que les torts d’autrui, il devient plus facile de trouver un terrain de satisfaction réciproque.

Pour prendre un exemple professionnel, plutôt que de reprocher à votre associé d’arriver en retard pour recevoir ses premiers rendez-vous, exprimez plutôt une inquiétude quant à la difficulté pour l’équipe de gérer l’impatience des clients qui attendent, ou sur la perception de l’image de marque de la clinique. Il existe certainement une possibilité de mieux satisfaire les besoins de tout le monde, notamment en décalant les premiers rendez-vous, si ledit associé ne peut arriver plus tôt.

Exprimer une demande négociable. L’objectif est de signifier, dans un langage clair, les actions que nous souhaiterions voir se réaliser pour satisfaire la demande. La formulation doit être positive, il s’agit de demander ce que nous souhaitons, plutôt que ce que nous ne voulons pas. Comme tout propos émis est parfois reçu avec distorsion, il est important de s’assurer que nous avons été compris. Le message ne doit pas tomber dans le travers vu précédemment de l’exigence, il convient de faire comprendre à l’interlocuteur qu’il s’agit bien d’une demande et que nous apprécierions qu’il n’accède à notre désir que s’il y est disposé. Dans ce cadre, la formulation sous forme d’interrogation (« serait-il possible de…  »), plutôt que de façon impérative (« il faut que… »), est toujours mieux perçue. Le but de la communication non violente n’est pas de changer les autres et leur comportement afin d’obtenir ce que nous souhaitons, mais d’établir des relations fondées sur la sincérité et l’empathie qui satisferont, au final, les besoins de chacun. La CNV est donc un outil fort utile pour tous ceux qui désirent communiquer avec davantage d’authenticité et d’efficacité, tant avec la clientèle qu’avec les collaborateurs. Si vous avez tendance à vous laisser submerger par vos ressentis et vos émotions (culpabilité, colère, fermeture, rejet, jugement), cette méthode peut se révéler particulièrement bénéfique. Il en est de même si vous êtes régulièrement confronté, dans votre clientèle, à des individus potentiellement agressifs. Dans le domaine de la vie privé, elle peut être tout aussi fructueuse, puisqu’elle repose sur la recherche et la satisfaction conjointe des besoins de l’autre et des siens.

Cette pratique, simple dans son concept, exige néanmoins une forte détermination, beaucoup d’entraînement et d’application assidue avant qu’elle ne devienne spontanée, afin de pouvoir l’utiliser en particulier dans les situations tendues sans replonger dans les vieux schémas de communication.

LES MAUVAISES HABITUDES DE COMMUNICATION

Notre environnement social et notre éducation nous ont donné de mauvaises habitudes qui génèrent une communication aliénante, qui nous coupe de la vie et de la relation à l’autre. Ainsi, de nombreuses tournures de phrases, qui utilisent des éléments générateurs de conflits, peuvent être réparties en six catégories :

l’expression de jugements moralisateurs : « Les propriétaires qui ne vaccinent pas leurs animaux ne prennent pas assez soin d’eux » ;

la catégorisation : « C’est un chasseur, donc il ne possède un chien que parce qu’il lui sert à débusquer ou à récupérer le gibier » ;

La comparaison : « Cet auxiliaire assure moins bien la contention que sa collègue » (les tournures aliénantes peuvent aussi être dirigées contre le personnel);

Le conditionnement d’une action positive à sa récompense, d’une action négative à sa punition : « Ce n’est pas étonnant que son animal soit malade, il est nourri de restes de table » ;

Le refus des responsabilités : « C’est parce que vous m’avez mal expliqué… » Nous rejetons sur les autres la responsabilité de notre frustration, de notre colère, de nos agacements, alors que l’expression à la première personne facilite toujours la communication (« j’ai mal compris… ») ;

L’expression des désirs sous forme d’exigence : « Il faut que vous fassiez cela, sinon… » Bien entendu, ces tournures aliénantes sont parfois beaucoup plus insidieuses que celles des exemples choisis. Elles ont, dans tous les cas, pour même effet de réveiller nos bons vieux schémas de résistance, de défense ou d’agressivité. En reprenant la responsabilité de nos actes, de nos pensées et de nos émotions, il est pourtant possible d’identifier ces six habitudes perverses et de les remplacer par un discours apaisé.

LES BÉNÉFICES DE LA CNV

L’utilisation de la communication non violente au quotidien vise à développer :

une écoute sincère de l’autre, la possibilité de comprendre les intentions véritables cachées derrière les mots ;

le respect de soi grâce à la prise en compte de ses sentiments et de ses besoins, et le respect de l’autre par la reconnaissance des siens ;

l’empathie, avec l’accueil de l’autre et de sa différence, la création d’un lien révélant les qualités profondes de chacun des interlocuteurs ;

une générosité réciproque, chacun cherchant à satisfaire l’autre.

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