L’animal émerge dans le débat public - La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014

Colloque au Sénat

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Auteur(s) : Marine Neveux

« Nous et l’animal », tel était le thème du colloque organisé le 7 février dernier au palais du Luxembourg par la sénatrice Chantal Jouanno. Cet événement s’inscrit notamment dans une démarche de réflexion sur l’évolution du statut juridique de l’animal en France.

Nous devons peser, nous devons agir sur les décideurs, l’objectif de nos travaux est qu’ils aboutissent à un projet de loi » : les objectifs du groupe de réflexion Ecolo-Ethik, fondé par Chantal Jouanno, sénatrice de Paris, sont clairement affichés dès l’ouverture du colloque au Sénat. Au-delà du lobbying politique sur le sujet de l’animal et de son statut juridique, la journée a présenté des approches variées et de qualité, par la voix de philosophes, de psychologues, de scientifiques, d’agriculteurs, de vétérinaires, d’avocats, de magistrats, etc. Un grand absent tout de même, la grande distribution, qui a répondu par la négative à l’invitation, sans doute par crainte d’une assistance hostile et partisane.

L’année 2014, un tournant

Ainsi, la pertinence du rôle de l’homme de l’art qu’est le vétérinaire et sa connaissance de l’animal n’ont pas été oubliées. Plusieurs de nos confrères ont participé à des groupes de réflexion, et certains sont intervenus à la tribune.

Issu d’un mouvement sociétal, le thème de l’animal et de son bien-être représente une préoccupation croissante des citoyens, dont les politiques mesurent désormais l’enjeu, comme en témoigne l’organisation de ce colloque. Si la question du statut juridique de l’animal revient régulièrement sur le devant de la scène, depuis plusieurs années, il peine souvent à se concrétiser. Mais 2014 marque un véritable tournant, au moins en termes de débat. D’ailleurs, le colloque a donné lieu à quelques annonces : celle de l’organisation d’un groupe “animal” au Sénat par Chantal Jouanno, et celle de notre consœur Geneviève Gaillard, qui sera également porteuse d’amendements lors de la seconde lecture de la loi d’avenir pour l’agriculture.

Éthique et altérité en fil rouge

« Qui a le droit d’avoir des droits ? », a interrogé Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et éthologue. Selon lui, il est nécessaire de donner des droits aux animaux. La célèbre phrase de Gandhi « on peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités » a d’ailleurs servi de fil conducteur à cette journée.

Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain, a abordé la question sous l’angle éthique : « Nous sommes tous concernés. Ne pourrait-on pas appliquer le principe “ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse” ? Nous manquons de respect pour l’autre, nous le dévalorisons. Or la dévalorisation, la déshumanisation, c’est ce qui a engendré les massacres de masse. » Un manque de respect par ignorance, par égoïsme, par idéologie : « Il faut faire preuve de bienveillance avec les êtres sensibles. Si nous en sommes dépourvus, il faut appliquer des dispositions légales. La compassion serait suffisante et nécessaire si elle était là. Mais il est indispensable de disposer d’une législation. » Et de citer Lamartine : « On n’a pas deux cœurs, l’un pour l’homme et l’autre pour les animaux, on en a un ou on n’en a pas. »

Respecter la dignité de l’animal

Des tables rondes ont été organisées en décembre dernier, et le colloque en a retranscrit les grandes orientations.

La première, dont a fait notamment partie notre confrère Claude Béata, portait sur la reconnaissance de l’animal par la science et la pensée. La philosophe Élisabeth de Fontenay a regretté que plusieurs mouvements philosophiques aient opposé l’homme à l’animal. C’est Darwin qui a permis d’introduire la continuité. Certains philosophes ont renforcé « l’abaissement de l’animal en lui refusant le sentiment de son existence. Un animal est doué de subjectivité, nous ne pouvons pas le déclarer seulement vivant. Dans l’angoisse, il fait bien entendu connaissance avec son existence. (…) Il faut assumer les animaux non pas seulement par compassion, mais aussi et surtout par respect de leur dignité. S’il doit y avoir une singularité dans l’homme, c’est bien sa seule responsabilité ».

Vers une coconstruction ?

La seconde table ronde portait sur l’animal et l’économie. Selon ses conclusions, le statut de l’animal est loin de faire l’unanimité. Mais il existe une coconstruction et un essai de consensus émerge entre toutes les parties prenantes. « Pour les industriels, souvent le bien-être animal est considéré comme une contrainte, de même que les normes environnementales, et ils ne voient pas la plus-value. Les consommateurs sont pourtant de plus en plus demandeurs d’informations, d’étiquetages, et de données sur les conditions d’abattage », a synthétisé Daniel Boy, du Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Notre confrère Jean-Pierre Kieffer, président de l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), est revenu sur les problématiques de l’abattage : « Il y a déjà eu quatre propositions de loi pour que l’abattage rituel soit mieux encadré, elles sont restées sans suite, de même que celles sur la corrida. La sénatrice Sylvie Goy-Chavent a eu l’intelligence de mener à bien un rapport, duquel 40 propositions ont émergé, comme placer un vétérinaire au poste d’abattage pour voir comment il est effectué, ou encore rendre possible l’information sur l’étiquetage. Mme Goy-Chavent a été insultée, menacée de mort à la parution du rapport, je n’ai pas vu beaucoup de parlementaires la soutenir, elle qui a eu le courage d’aborder le sujet de l’abattage rituel. » Parmi les différentes propositions de notre confrère, il y a celle qui vise à « assurer l’efficacité de la réglementation dans tous les secteurs d’activité impliquant les animaux, leur bien-être, leur santé, ainsi que la biodiversité. Il est proposé d’instituer une Haute autorité publique chargée de la condition animale, œuvrant de manière transversale et indépendante. Sa mise en place s’effectuerait essentiellement par le redéploiement de postes, par exemple via des mises à disposition ou des détachements de personnels ».

Étienne Gangneron, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), a expliqué que « les éleveurs veulent partager cette problématique du bien-être avec l’animal, car derrière, c’est leur métier, leur vie, leur production ». Il a insisté sur la nécessité de mieux faire respecter la réglementation qui existe déjà. « Faire évoluer le Code civil, cela nous interpelle. » Étienne Gangneron a exprimé sa réticence. Toutes les conséquences de l’évolution du statut sont-elles en effet envisagées ?

En outre, Claude Gruffat, président de Biocoop, a plaidé « pour des abattoirs de proximité afin que les animaux ne subissent pas des heures de transport. C’est le changement de modèle qui apportera une vraie solution à la souffrance animale ». Et Chantal Jouanno de poursuivre : « Le vrai problème en France, c’est que tant que nous ne poserons pas la question du prix, nous n’avancerons pas. Le système est tel que ce qui est rentable, c’est de faire du mal-être animal. »

Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), a déploré le retard français par rapport aux pays anglo-saxons. Il est sans concession envers les ministères : « Le bureau de la protection animale du ministère de l’Agriculture manque de moyens, donc de créativité. Au ministère de l’économie, c’est un problème de stockage des animaux retenus aux douanes. Au ministère de l’écologie, les centres de soins pour la faune sauvage n’existent quasiment pas. La compétence de tous s’impose donc. »

Le bien-être animal passe par la profession

Notre confrère Michel Baussier, président de l’Ordre, a retracé l’évolution de la profession vétérinaire, son approche empathique de la vulnérabilité de l’animal et le bouillonnement des initiatives : « Beaucoup de mes confrères s’investissent dans l’éthologie. L’éducation reçue par le vétérinaire progresse rapidement. Il existe une préoccupation de la souffrance animale dans l’approche pédagogique, et dans celle du comportement, car même les vétérinaires non comportementalistes y consacrent une partie importante de leur temps en consultation. La Fédération vétérinaire européenne a pris des positions fortes, notamment sur l’abattage sans étourdissement. Avec la Commission européenne, elle a mis en place des groupes de travail vétérinaires qui se réunissent pour se concerter sur l’amélioration du bien-être animal dans les pratiques. »

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