Formation
PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES
Auteur(s) : Karim ADJOU
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a réalisé, en 20121, une hiérarchisation des maladies animales présentes dans les différentes filières en France métropolitaine, considérées comme les plus importantes, notamment par leurs conséquences en santé animale et en santé publique. Pour les volailles, 23 maladies sont ainsi retenues et classées selon huit domaines composés de différents critères :
→ le potentiel de persistance et d’évolution de la maladie chez l’animal ;
→ son impact économique et commercial dans les unités épidémiologiques animales touchées ;
→ son impact sur la santé humaine ;
→ ses répercussions sociétales ;
→ son influence sur la biodiversité ;
→ les limites à l’efficacité des mesures de lutte ;
→ l’impact économique global des mesures de lutte à l’échelon national ;
→ les impacts sociétaux et environnementaux de la lutte.
L’aspergillose, pourtant non zoonotique et non contagieuse, est incluse dans la liste de l’Anses, ce qui témoigne de son importance en santé animale.
L’objectif d’une étude sur l’aspergillose aviaire2, présentée par notre consœur Julia Rhliouch en juin dernier à l’ENV d’Alfort, a consisté, dans un premier temps, à réaliser une synthèse des informations disponibles dans la littérature sur le champignon Aspergillus fumigatus, responsable de la maladie chez les oiseaux d’élevage (voir encadrés).
Notre consœur a étudié deux bases de données sur la maladie. La première est issue du laboratoire Elanco, qui a évalué le taux de prévalence de l’aspergillose chez le poulet et la dinde dans le monde (dans 39 pays) entre 2006 et 2012. Elle montre que, dans l’échantillon de poulets considéré dans cette base, la prévalence moyenne tend à augmenter depuis 2006, avec un pic en 2011, puis redescend légèrement en 2012. Quant à la dinde, le taux de prévalence de l’aspergillose dans l’échantillon a culminé en 2006 et 2007, avant de décliner jusqu’en 2011 pour s’accroître de nouveau en 2012. Sur le plan mondial, selon la base de données d’Elanco, la France a fait partie des pays les moins touchés par l’aspergillose subclinique. La seconde base de données, celle du réseau Cristal, a permis d’évaluer la proportion de lots de volailles (de différentes espèces et de types de production variés) présentant à l’autopsie des lésions d’aspergillose en 2010, 2011 et 2012 en France.
Dans un second temps, une enquête menée par notre consœur auprès de 43 vétérinaires hexagonaux a permis de dresser un profil de la maladie dans les élevages avicoles français.
Les résultats révèlent que 32 vétérinaires sur les 43 participants (74 %) ont diagnostiqué au moins un cas clinique d’aspergillose durant l’année 2012. Selon Julia Rhliouch, il ne s’agit donc pas d’une affection rare. Elle sévit dans les élevages français et doit être prise en considération pour son impact potentiel en aviculture.
Les volailles, selon les réponses recueillies dans cette enquête, manifestent surtout des troubles respiratoires (dyspnée, toux, bâillements, respiration bec ouvert, voir graphique 1) et, dans une moindre mesure, des troubles nerveux (torticolis, voir graphique 2), oculaires (conjonctivite), ostéo-articulaires (boiteries). Aucun trouble digestif (pourtant rapporté dans la littérature) n’est évoqué par les praticiens interrogés. Cette enquête montre que la dinde fait partie des espèces les plus sensibles (voir graphique 3), comme le confirme la base de données du réseau Cristal.
La gestion de l’élevage est un élément clé dans l’apparition de la maladie, avec notamment le contrôle des paramètres d’ambiance (hygrométrie, ventilation, température), le type et la qualité de la litière utilisée (surtout la paille). Les cas se déclarent le plus souvent pendant les périodes fraîches (automne-hiver), en corrélation avec la sous-ventilation des bâtiments.
L’apparition de la maladie résulte d’un équilibre entre les conditions de l’environnement des oiseaux dans l’élevage et les caractéristiques écologiques d’A. fumigatus, qui permettent, d’une part la croissance puis la fructification du champignon, et d’autre part la mise en suspension des spores au niveau des volailles. A. fumigatus se développe si des conditions environnementales propices lui sont offertes. Comme le traitement des volailles est illusoire, la prévention reste le meilleur moyen de lutter contre la maladie. Cela passe par l’implication des différents acteurs de la filière, avec la prise en compte, dès le haut de la pyramide, du risque aspergillaire par les couvoirs.
D’autres affections fongiques, telles que la candidose, mériteraient aussi de faire l’objet de travaux ultérieurs afin d’évaluer leur impact au sein des élevages.
1 « Hiérarchisation de 103 maladies animales présentes dans les filières ruminants, équidés, porcs, volailles et lapins en France métropolitaine », rapport de l’Anses, juin 2012.
2 Étude encadrée par Pascal Arné (ENVA).
L’agent causal de l’aspergillose est Aspergillus spp. Il en existe de nombreux types, mais le plus fréquent est Aspergillus fumigatus.
→ Chez le jeune, la maladie se traduit classiquement par une forme aiguë, typique, qui engendre des troubles respiratoires avec une dyspnée, une tachypnée, une cyanose et, souvent, des signes nerveux (torticolis, défaut d’équilibre). Des symptômes digestifs (notamment une diarrhée blanchâtre) sont parfois observés. Cette forme est associée à une importante morbidité et mortalité.
→ Chez le poussin, la forme aiguë, également appelée “pneumonie des couvoirs”, engendre une mortalité importante qui culmine au cours des dix premiers jours de vie. Le taux de mortalité oscille entre 5 et 10 % et peut aller jusqu’à 30 à 40 % (voire 70 à 90 % chez le dindonneau).
→ Chez l’adulte, la maladie peut aussi se manifester sous une forme subaiguë (signes respiratoires et digestifs plus atténués) ou chronique (signes respiratoires), en lien avec une immunodépression.
Aspergillus spp. appartient à la classe des Ascomycètes, dont la colonie se présente sous une forme duveteuse. Le thalle, hyalin, présente un mycélium cloisonné qui porte de nombreux conidiophores dressés, terminés en verticale
Aspergillus spp. se développe sur la matière organique en décomposition, dans le sol, les denrées alimentaires et les céréales.
Plus de 600 espèces sont répertoriées. Une vingtaine d’entre elles seraient impliquées dans des maladies humaines et animales.
Aspergillus spp. est un champignon saprophyte opportuniste et ubiquiste dont les spores sont présentes par millions dans la plupart des substrats biologiques (par exemple l’aliment et les litières). Chaleur, humidité et matière organique sont les trois conditions idéales pour qu’il s’épanouisse, avec un optimum entre 12 et 57 °C, à un pH de 3,5 à 7,8, sur des substrats organiques.
Les spores sont très dispersibles : elles sont véhiculées par la poussière présente dans l’air ambiant, notamment dans les couvoirs et les bâtiments d’élevage. De fortes concentrations en spores peuvent provoquer de multiples maladies, en particulier chez les espèces sensibles (les gallinacés, surtout la dinde).
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