Secret professionnel : une notion à plusieurs dimensions - La Semaine Vétérinaire n° 1570 du 31/01/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1570 du 31/01/2014

Dossier

La notion de secret professionnel est ancienne, elle remonte au serment d’Hippocrate, souligne notre confrère Philippe Lassalas. Le secret médical fonde la confiance du malade envers son médecin », ce qui permet à ce dernier de mieux le soigner. Ce secret existe dans l’intérêt du patient qui se confie ainsi davantage à l’homme de l’art, ce qui n’est pas sans soulever des questions. Par exemple, si le malade est atteint du Sida, le médecin n’a pas à en informer le conjoint, il peut juste inciter le malade à lui dire. Il en est de même pour les maladies génétiques, etc. Le secret médical comporte donc deux dimensions : les éléments cliniques et les éléments intimes.

Le secret, côté médecins

Dans le Code de la santé publique, « l’importance de ce secret » est évidente, poursuit Philippe Lassalas. En médecine humaine, le secret médical repose sur un support législatif : la loi de 1911 qui crée le droit des personnes et la loi n° 2011-940 du 10 août 2011 qui détaille notamment le secret professionnel (article 2, voir encadré ci-contre). Les textes de loi, fort étendus, prévoient aussi la possibilité de prévenir la personne avant de divulguer l’information et abordent la transmission de l’information entre médecins. Ainsi, le secret médical humain « repose sur le droit des personnes, synthétise Philippe Lassalas. Quel que soit le domaine dans lequel le secret s’applique, il y a plusieurs centaines de références : dans les affaires, dans le domaine juridique, au niveau des droits d’auteur, etc. ». De même, dans le Code pénal, « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ». L’article n’est pas applicable dans les cas où la loi autorise ou impose la révélation du secret.

Le secret, côté vétérinaires

Il n’existe pas de définition officielle du secret médical en médecine vétérinaire, mais le Code de déontologie précise que le praticien est tenu au respect du secret professionnel dans les conditions établies par la loi, une formulation quelque peu laconique…

L’article R.242-53 du Code rural précise que l’aménagement des locaux du domicile professionnel d’exercice doit permettre le respect du secret professionnel. « Le Code de déontologie est-il adapté à la pratique équine quand le vétérinaire passe dans un centre équestre un mercredi après-midi ? », s’interroge alors Philippe Lassalas. Les conditions pratiques de terrain ne sont en effet pas toujours propices à l’intimité.

Il est possible de déroger au secret quand la loi le prévoit. Le motif de dérogation peut être un piège pour les vétérinaires, par exemple ceux impliqués dans un litige qui ont l’obligation de fournir aux experts commis par une juridiction tous les renseignements utiles à l’accomplissement de leur mission. Ainsi, les confrères peuvent se sentir protégés par le secret professionnel, mais si l’affaire passe en justice, ils ne le sont plus. Par exemple, lors d’une mission d’expertise judiciaire, l’expert doit entendre tous les sachants, établir le passé médical du cheval, se faire remettre tout document utile à sa mission. « Si le vétérinaire expert rencontre des difficultés, il peut en faire part au juge », poursuit notre confrère.

Les maladies contagieuses, classées en plusieurs catégories, sont une autre source de dérogation liée au secret professionnel (par exemple, le danger sanitaire de première catégorie inclut notamment l’anémie infectieuse équine). Le propriétaire d’un cheval malade ou suspect d’être atteint par l’une de ces maladies doit prévenir le vétérinaire sanitaire qui, lui-même, est tenu d’alerter le préfet ou le maire.

Un secret vétérinaire dispersé

En outre, ce secret professionnel est partagé dans de multiples situations, par exemple vis-à-vis des autres membres du cabinet ou de la clinique (transmission des informations utiles aux confrères qui assurent le suivi de l’animal), du service de gardes, du praticien chez lequel l’animal est référé, du détenteur, de l’assureur, des organisateurs de compétitions, du consommateur (viande de cheval) et même dans le cadre d’une visite d’achat.

Selon le Code de déontologie, le vétérinaire qui accepte d’accueillir un animal dans le cadre d’une garde doit s’efforcer de recueillir toutes les informations liées à celui-ci, et rendre compte dans les meilleurs délais de ses interventions et prescriptions. « La dilution du secret professionnel commence donc ici, entre les professionnels. »

De même, en cas de référé, le vétérinaire traitant met à la disposition de l’intervenant les commémoratifs qui concernent l’animal, et le vétérinaire référant doit aussi rendre compte de ses soins. Ces échanges se font de plus en plus de façon dématérialisée, par voie d’e-mail. « Peu de confrères le font, mais dans les correspondances avec les avocats, certains indiquent que ces courriels sont protégés par le secret professionnel. Une sécurité supplémentaire contre la dispersion de ce secret », conseille Philippe Lassalas.

Vis-à-vis du consommateur de viande chevaline, lorsqu’un propriétaire a choisi d’envoyer son cheval à l’abattoir, le vétérinaire doit indiquer tout traitement médicamenteux sur le feuillet prévu à cet effet dans le livret signalétique. « Pour le détenteur de l’animal, le livret signalétique est le support de l’information vétérinaire : castration, suivi des vaccinations, traitements médicamenteux, réactions allergiques, etc. », poursuit Philippe Lassalas.

Quant à l’ordonnance, la réalité du terrain montre qu’elle est parfois laissée sur place, au détenteur, donc pas forcément au propriétaire du cheval. Elle est parfois déposée devant la porte du box, dans un coin de l’écurie, ce qui « ne permet pas alors de protéger le propriétaire via le secret professionnel ».

Une obligation d’information

Le cheval ne parle pas, alors qui va fournir les commémoratifs au vétérinaire « Qui d’autre que le détenteur du cheval pourra lui délivrer ces informations ?, interroge Philippe Lassalas. C’est quelque part absurde et contraire au bien-être du cheval. » Du côté de l’assureur, s’il accepte de couvrir des risques, il convient de ne pas lui cacher la vérité sur l’état du cheval. L’assuré peut alors libérer du secret professionnel tous les praticiens qui sont intervenus pour les soins à son animal : c’est un exemple de conditions générales susceptible de figurer dans le contrat d’assurance.

D’autres situations imposent le partage d’information. Dans le cadre de la visite d’achat, « le vétérinaire ne peut garder sous silence sa connaissance du passé médical du cheval sauf à risquer une mise en cause pour tromperie en cas de procédure judiciaire ». Selon notre confrère Marc Foursin, « la moindre des choses est d’informer le mandant ». De même, l’acheteur doit être tenu au courant lorsque le vétérinaire qui effectue la visite d’achat a soigné ce cheval, si tel est le cas, ou a travaillé pour le vendeur lui-même, « car là, nous sommes vraiment dans la notion de conflit d’intérêts », souligne Marc Foursin. « Dans ce cadre-là, mieux vaut éviter d’effectuer la visite d’achat », estime Antoine Bayart. « D’une façon collégiale, plus de transparence sur ces visites serait nécessaire. La question est soulevée, elle doit l’être aussi au sein de la profession », conclut Philippe Lassalas.

Au final, « dans l’intérêt des chevaux, le partage de l’information relative à leur état de santé ne présenterait-il pas plus d’intérêt que le secret professionnel ?, s’interroge Philippe Lassalas. Et en matière de secret professionnel, le Code de déontologie est-il adapté à la pratique vétérinaire équine ? »

DÉFINITION DU SECRET PROFESSIONNEL

« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou de ces organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »

Source : Code de la santé publique, article L.1110-4 modifié par la loi n° 2011-940 du 10/8/2011 (article 2).

LES CONSEILS DE L’ASSUREUR

Dirigeant de PH assurances, Daniel Hagopian mise sur la prévention pour éviter que la responsabilité du vétérinaire soit engagée. « Il convient de partir sur un contrat adapté à l’activité (extension de garantie potentielle, expertise, etc.). » De même, « le contrat est fondé sur la valeur des animaux sur lesquels le praticien intervient, sur le fait qu’il dispose ou non de boxes, etc. Il doit vérifier l’adéquation entre son contrat d’assurances et les garanties qu’il contient ».

Il est aussi utile de suivre l’évolution de la jurisprudence qui peut amener à modifier un contrat d’assurances (par exemple, les conséquences de la cascade du médicament). Plus récemment, à la suite d’un jugement de la Cour de cassation, « il est pertinent de revoir les niveaux des garanties liées à la faute inexcusable de l’employeur. Chez nous, tous les contrats ont été revus pour modifier ce capital lors d’accident du travail, dont les conséquences sont beaucoup plus importantes aujourd’hui ».

En outre, il existe des outils de travail à ne pas négliger, tels que le consentement éclairé, la fiche chirurgicale, la fiche d’hospitalisation, etc.

Enfin, pour la visite d’achat, toutes les assurances ne proposent pas cette garantie, ou, « si elle est incluse dans le contrat, souvent elle est agrémentée d’une franchise plus élevée ».

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr