Litiges en filière équine : transiger ou non ? - La Semaine Vétérinaire n° 1570 du 31/01/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1570 du 31/01/2014

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Auteur(s) : Serge Trouillet

En cas de conflit, faut-il préférer les solutions amiables aux procédures contentieuses ? Petite visite guidée de l’environnement judiciaire avec le vétérinaire expert Gilles Hodencq1.

Dans les divers secteurs de la filière équine, tous les litiges ne relèvent pas de la même autorité judiciaire. Par exemple, la disqualification d’un trotteur, lors d’une grande course, dont les conséquences peuvent être lour­des pour l’écurie concernée, ne relève pas de l’autorité de la justice. Le monde des courses a son code, ses commissaires, ses procédures. Or les affaires qui surviennent entre des personnes morales ou physiques et l’administration sont déférées, selon le cas, devant un tribunal administratif, une cour administrative d’appel, voire, en dernier recours, devant le Conseil d’État.

Pour les conflits entre des personnes morales ou physiques (qui sont les plus courants), les actes engagent, selon le cas, la responsabilité civile ou pénale. Comment faire et faut-il transiger ?

Par exemple, dans le cadre du gardiennage de chevaux, comment réparer le préjudice subi, en l’occurrence un mauvais traitement infligé à l’animal et des insultes ? « J’ai mis ma jument chez M. X pour surveiller son poulinage ; je la retrouve maigre, blessée et elle a avorté. De plus, M. X m’insulte. » Ou comment appréhender une demande d’explication non sa­tisfaite, sur les conditions d’une garde de chevaux ? « Ma jument a pouliné chez M. Y, mais elle est maigre, le poulain est chétif. Nul ne sait si elle est revenue en chaleurs. M. Y reste indifférent à mes remarques. » Ou encore, que faire lors du non-respect d’un contrat signé par l’une des parties, quand un praticien est interpellé ? « Je récupère ma jument chez M. Z, à qui j’ai payé un contrat de suivi. Je n’ai aucun commentaire vétérinaire. M. Z est désolé, mais me dit avoir fait confiance au vétérinaire qui suit l’élevage depuis dix ans. »

LA CONCILIATION OU LA MÉDIATION

Face à de telles situations, la question est de savoir s’il faut porter l’affaire devant un tribunal ou s’il est pertinent de préférer l’arrangement à l’amiable. Celui-ci peut s’envisager sous la forme d’une conciliation (il y a un conciliateur par canton). Le résultat ne peut être appliqué de force et rendu exécutoire par un tribunal que si les deux parties sont d’accord. Ou bien par le biais de la médiation. À la différence du conciliateur qui est un citoyen bénévole, le médiateur est un professionnel dont l’activité est rémunérée. Ces deux actions, qui visent à trouver un accord amiable, peuvent conduire à une transaction, c’est-à-dire un contrat entre les parties. La transaction résulte d’une volonté de leur part de transiger. Cela suppose au départ un litige, auquel les parties souhaitent mettre un terme de façon amiable, sans passer devant une juridiction d’État. À ces deux conditions légales (d’une part un litige né ou à naître, d’autre part une volonté d’y mettre fin), la jurisprudence a ajouté une troisième condition : des concessions réciproques des parties à la transaction. Si la solution est juridictionnelle, elle peut prendre la forme de l’arbitrage. Cette procédure s’applique au conflit de type commercial. Il peut être prévu dans un contrat, lors de la vente d’un cheval par exemple. Sinon, il reste le procès.

LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE OU DÉLICTUELLE

Dans l’ordre judiciaire, le procès civil se déroule au tribunal d’instance ou de grande instance, selon l’importance du litige. Il peut se poursuive devant une cour d’appel. En ultime recours, la Cour de cassation statue sur le droit et non sur le fond de l’affaire. Si l’infraction de la loi est démontrée, le procès sera de nature pénale. Il se déroule, en première instance, devant un tribunal de police (pour les contraventions de type injure ou violence), devant un tribunal correctionnel (pour les délits de type escroquerie) ou devant une cour d’assises (pour les crimes). En France, le civil est tenu par le pénal : un non-lieu au pénal ne donne pas la possibilité d’obtenir une compensation financière au civil, comme aux États-Unis.

Les cas les plus fréquents concernent autant les responsabilités contractuelles que délictuelles. La notion de responsabilité contractuelle suppose l’existence d’un préjudice, une faute et un lien entre les deux. La responsabilité délictuelle a trait essentiellement à la garde d’animaux. Alors que dans un contrat, il faut prouver la faute de la partie adverse, dans le cadre de la garde, la charge de la preuve est inversée : la partie adverse doit prouver qu’elle n’a rien à se reprocher. Il convient de préciser aussi qu’il faut être directement concerné par l’affaire en question. C’est la notion d’intérêt au procès. Tout élément apporté pour convaincre le juge doit être communiqué à son adversaire et réciproquement : c’est le principe du contradictoire. Le droit à la défense est celui de chacune des parties d’organiser sa défense. À la différence du système judiciaire américain (système accusatoire), c’est le juge qui organise les débats (système inquisitoire).

LA NOMINATION D’UN EXPERT

Le déroulement habituel d’une procédure commence par une assignation en référé. Le juge des référés est le juge de l’urgence qui prend des mesures immédiates. Mais il ne statue pas sur le fond. La mesure la plus classique est la nomination d’un expert qui figure sur les listes des tribunaux, mais celui-ci peut être récusé. Son expertise ne peut commencer qu’après une première étape de consignation avec le juge, au cours de laquelle sa mission et ses honoraires sont clarifiés. Il reçoit une convocation par lettre recommandée. Une ou plusieurs réunions contradictoires sont organisées entre les parties, qui apportent chacune les pièces à verser au dossier. À l’issue de ces réunions, l’expert émet un prérapport qui permet d’affiner la procédure en cours. Son rapport définitif tient compte des observations émises jusqu’à une date convenue. Un jugement au fond est dès lors rendu par le tribunal approprié, sauf si les parties préfèrent se mettre d’accord sur la base des conclusions de l’expert. Passé le délai du recours, qui est possible en appel, le jugement est rendu exécutoire.

  • 1 Gilles Hodencq, praticien mixte à Randan (Puy-de-Dôme). Article tiré de la conférence présentée au symposium européen de Bellerive-sur-Allier, le 12/10/2013.

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