Tensions et manipulations : comment déceler les collaborateurs nocifs

Dans vos bonnes résolutions de rentrée, vous vous étiez promis de ne plus vous rendre à la clinique le week-end, hors du planning fixé entre associés… La fin de l’année approche, et votre confrère a su, une fois de plus, trouver les mots justes pour que vous lui accordiez sa journée. Vous avez la désagréable impression d’avoir été manipulé. Positive ou nocive, la manipulation est partout dans la vie professionnelle comme dans le cercle privé. Sans tomber dans la paranoïa, apprendre à la déceler est utile pour que la vie au travail ne devienne pas un enfer.

« La manipulation fait partie de la vie, rassure Christophe Carré, dirigeant du Carré des médiateurs, un organisme de formation continue spécialisé dans la médiation sociale, le transfert de compétences et la résolution de conflits en entreprise. Tout le monde manipule tout le monde. Cela fait partie des modalités d’échange. Il est urgent de dédramatiser et d’adopter une vision moins binaire. Il existe certes des manipulateurs hautement toxiques, mais heureusement, ils représentent une part infime de la population. » Il milite pour une réhabilitation de la manipulation, regrettant que les manipulateurs non pathologiques « dont nous faisons tous partie » soient mis dans le même panier que les individus malveillants, dont certains peuvent être qualifiés de pervers narcissiques.

CHANGER DE POINT DE VUE

Il est nécessaire de prendre du recul pour mieux estimer la situation de l’entreprise. Jacques Regard, conseiller en développement personnel et consultant en management relationnel, propose de distinguer trois types de manipulation.

→ La première, positive (de type I), est systématiquement bonne, utile ou agréable. « Ce premier type de manipulation contient toujours une intention positive, explique Jacques Regard. C’est le contraire du chantage. Même lorsqu’un parent exerce un peu de pression pour amener son enfant à se laver les dents ou lorsqu’une infirmière tient un discours réconfortant en tenant une seringue à la main, l’intention demeure bonne et va dans le sens du bien, du bon, de l’agréable ou de l’utile. La persuasion douce fait partie de ces manipulations positives. »

→ La manipulation égocentrique (de type II) peut être néfaste pour l’équipe. Dans ce cas, le manipulateur est à la recherche de son plaisir personnel. Il ne songe qu’à ses intérêts, sans se préoccuper des désagréments, de la gêne ou du malaise que sa conduite peut causer à autrui. La manipulation de type II est donc celle dont nous sommes tous victimes quand nous sommes trompés ou piégés par quelqu’un qui cherche à acquérir quelque chose qu’il ne pourrait pas obtenir autrement.

→ La manipulation malveillante (de type III) est celle qui fait peser sa mauvaise réputation sur l’ensemble des individus manipulateurs. « Avec ce type de manipulation, nous entrons dans le domaine du sournois et du glauque, explique Jacques Regard. Cette tentative consciente et volontaire de destruction d’autrui est extrêmement dangereuse. L’unique et principal but du manipulateur de type III est de détruire ce qui le menace ou ce qui lui paraît intolérable ou haïssable. »

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Après avoir étudié sérieusement la situation, le dirigeant pourra cerner à qui il a à faire.

→ S’il s’agit d’un manipulateur de type II, la tâche est relativement aisée. Il convient d’entamer la discussion, de fixer un rendez-vous et de procéder à une mise au point. En restant factuel, il faut lui exposer les désagréments causés par son comportement et son caractère intolérable et chercher, ensemble, une solution acceptable pour la bonne marche de la structure et pour le collaborateur. « Au cours de cet entretien, il est nécessaire de rappeler les objectifs de l’entreprise, souligne Jacques Regard. Vous devrez également faire en sorte de trouver un but commun à l’entreprise et au salarié. » Ces actions réalisées, le manipulateur dit égocentrique, qui cherche avant tout une situation qui lui soit bénéfique, sera tout à fait disposé à entrer dans un schéma constructif.

→ Face à un individu de type III, il n’est pas question de céder à la panique. Pour Jacques Regard, « on est victime d’un manipulateur aussi longtemps que l’on croit à sa nocivité ». Aussi, les choses sembleront sans doute plus abordables lorsque le dirigeant réalisera qu’il se trouve non face à un dangereux individu, mais à une personne immature, se situant au niveau d’un enfant de trois ans en pleine période du “non”. « Le pervers narcissique est resté à ce stade, explique Jacques Regard. Sa stratégie émotionnelle n’a pas évolué. Il ne peut pas grandir, alors il détruit tout ce qui le dépasse, il casse tout ce qu’il ne peut avoir. » Le consultant conseille d’enquêter, de noter toutes ses défaillances et de les lui exposer au bon moment. « Il faut le démasquer en public. Sans engager la discussion, signifiez-lui l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. Une fois dévoilé, soit il rentre dans le rang, soit il part. Il est capital de rester ferme et définitif. Vous ne devez pas pardonner, au risque de voir vos problèmes s’amplifier. »

Pour sa part, Christophe Carré préconise le recours, sans doute plus abordable, à un médiateur pour trouver une issue favorable.