Conduite en bandes des vaches laitières : un pari gagnant ? - La Semaine Vétérinaire n° 1563 du 06/12/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1563 du 06/12/2013

Formation

BOVINS

Auteur(s) : Frédéric Lars*, Béatrice Bouquet**

Fonctions :
*commission épidémiologie de la SNGTV. Article tiré d’une conférence présentée lors de la 3e Journée vétérinaire bretonne à Ploufragan, le 4 juin 2013.

Alors qu’il s’est imposé en filière porcine, l’élevage d’animaux par lots de même stade physiologique reste du domaine du possible pour les vaches laitières.

Si la vache n’est pas systématiquement conduite en bandes, c’est qu’elle est plus difficile à synchroniser que le porc, explique notre confrère Frédéric Lars. Sa durée de gestation est également plus longue (280 jours en holstein multipare), avec une plus grande variabilité (plus ou moins cinq jours). Les effectifs sont plus faibles (une cinquantaine de vaches en moyenne, versus un millier de porcs par élevage). La fertilité est bien moindre (50 % au lieu de 90 % en élevage de porcs). Autant d’éléments qui expliquent qu’a priori, la conduite en bandes des vaches laitières, ce n’est pas gagné…

SYNCHRONISER ET GROUPER LES TÂCHES

Conduire en bandes, c’est regrouper les chaleurs, mais pas seulement. La surveillance des signes d’œstrus est effectuée trois jours par semaine, une semaine sur trois, ce qui permet une grande efficacité du travail. Une semaine est consacrée au tarissement, une autre aux vêlages, une autre encore aux inséminations (voir tableau). Vaccinations, vermifuges et échographies viennent s’y insérer d’une façon planifiée.

La synchronisation est nécessairement médicamenteuse selon notre confrère, à la lumière d’une expérience de plus de 15 ans chez deux éleveurs de sa clientèle (un troisième a abandonné la méthode). L’un d’eux conduit désormais 18 bandes de deux à huit vaches sur 52 semaines (en cycles de trois semaines plutôt que six). Les inséminations sont effectuées dès les chaleurs observées. Les vaches sont synchronisées à l’aide de deux administrations de prostaglandines à 14 jours d’intervalle. Le délai avant la seconde injection a été affiné au fil des années pour optimiser le moment de l’insémination artificielle (le samedi vaut mieux que le vendredi, selon cette expérience, mais les éleveurs gardent l’impression d’inséminer trop tôt). Les vaches dont les chaleurs arrivent trop précocement ne sont sciemment pas inséminées (ignorées).

À la base, la motivation des deux éleveurs associés était un gain de temps au niveau de l’organisation du travail, car ils pratiquaient en parallèle l’élevage de porcs et des cultures. Un troisième associé et un salarié sont venus les rejoindre entre-temps. Ce système peut prévoir des périodes de vacances via un décalage des vaches à inséminer. Au final, la conduite en bandes facilite le lissage annuel de la production (11 000 litres de lait).

MAINTENIR L’ORGANISATION

Les bandes sont constituées en post-partum, de façon à harmoniser les notes d’état corporel (NEC), notamment en incluant les génisses. L’alimentation des vaches taries bénéficie de cette organisation. À l’origine, l’exploitation ne présentait pas de troubles sanitaires majeurs, excepté ceux en nurserie (des mesures de désinfection et de vide sanitaire ont été adoptées, et la vaccination contre les diarrhées est facile à insérer dans le planning des tâches). Si un pic de vêlages s’annonce, le paillage est renforcé en prévention des mammites d’environnement.

La fertilité et la fécondité sont restées stables (un léger décalage est accepté en conduite en bandes, car l’objectif n’est pas la performance avant tout sur ce critère, mais le maintien de l’organisation). Un effet de groupe a été constaté sur la venue des chaleurs (même des animaux en gestation finissent par en manifester les signes !).

Une autre étrangeté a perturbé le système : la durée de la gestation est extrêmement basse (275 jours !), ce qui a tendance à produire des vêlages durant la semaine “tarissement” et à transformer une semaine “mise bas” en semaine “bouclage de veaux”…

UN SYSTÈME D’AVENIR

Les éleveurs qui ont opté pour ce système ne feraient pas marche arrière. La conduite en bandes n’est pas une utopie. Il s’agit peut-être d’un « concept en avance, dans un monde qui n’a pas encore un réel besoin d’organisation ». L’avenir dira si cet outil de pilotage n’est pas particulièrement adapté aux grands effectifs « de demain », avec le développement du salariat, estime Frédéric Lars.

Aux États-Unis, en Italie et en Espagne, la conduite en bandes des vaches laitières existe également, selon Sylvie Chastant, enseignante à l’école de Toulouse. La synchronisation par progestagène (qui ne convient pas dans l’expérience bretonne) y est parfois préférée, et incluse dans un protocole de type gonadotropine-progestagène-gonadotropine (GPG), comme solution aux subœstrus, voire aux anœstrus. Même en France, où les traitements de synchronisation représentent un coût non négligeable, la conduite en bandes permet des gains économiques, témoigne Frédéric Lars. Les 1 600 € de prostaglandines dépensés par an pour 100 vaches sont compensés par une amélioration des rendements.

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