Sauvetage des équidés en détresse : principes de sécurité et techniques de base - La Semaine Vétérinaire n° 1562 du 29/11/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1562 du 29/11/2013

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Erin Gillam

POINTS FORTS

– Le sauvetage sécuritaire consiste à déplacer un animal en détresse d’un lieu dangereux vers un lieu sécurisé en évitant d’aggraver son état.

– Quelle que soit la situation, l’équipe de sauvetage doit tenter d’utiliser l’approche la plus simple, la plus sûre et la moins technique possible afin de réduire les risques de blessure à la victime et aux sauveteurs.

– Le sauvetage d’un cheval en détresse est d’abord et avant tout un travail d’équipe.

– Idéalement, deux zones de travail sont à délimiter.

– Le vétérinaire évalue d’abord l’état physique du cheval et détermine s’il est viable ou si l’euthanasie est indiquée. Par la suite, et dans la mesure du possible, il administre les premiers soins.

– La première responsabilité du vétérinaire est d’assurer un lieu de travail sécurisé pour l’équipe de sauvetage, en tranquillisant ou en anesthésiant le cheval.

Les praticiens équins sont appréciés mondialement pour leur ingéniosité face à des situations difficiles. C’est pour cela que les propriétaires et les équipes de secours font souvent appel à un vétérinaire pour leur venir en aide. Il est donc important pour ce dernier de connaître quelques principes de base sur le sauvetage sécuritaire des équidés en détresse.

UN SAUVETAGE EN TOUTE SÉCURITÉ

Le sauvetage sécuritaire consiste à déplacer un animal en détresse d’un lieu dangereux vers un lieu sécurisé en évitant d’aggraver son état d’un point de vue médical. Les équipes de sauveteurs peuvent se retrouver confrontées à plusieurs situations délicates :

– un camion ou un van renversé après une collision ;

– un cheval en liberté sur la route ;

– un cheval pris dans la boue, tombé dans un fossé, une piscine, etc. ;

– un incendie dans l’écurie ;

– un cheval coincé sous une barrière, etc.

Quelle que soit la situation, l’équipe doit tenter d’utiliser l’approche la plus simple, la plus sûre et la moins technique possible afin de réduire les risques de blessure tant pour l’animal que pour les sauveteurs. Deux objectifs sont à viser ?:? minimiser le délai entre l’accident et l’accès aux soins vétérinaires pour la victime, assurer la sécurité de tous ceux impliqués dans le sauvetage.

GESTION DE L’INTERVENTION

Le sauvetage d’un cheval en détresse est d’abord et avant tout un travail d’équipe. Entre les personnes responsables du cheval, le vétérinaire, les pompiers, les policiers et les personnes du public, il est parfois difficile de coordonner les efforts. Il est donc important de déterminer, dès le début, qui prend la tête de l’intervention. Il est conseillé de désigner un chef des opérations et un chef de la sécurité. À eux deux, ils seront responsables du sau­vetage, sans toutefois être directement impliqués dans les manipulations.

Avant de manipuler le cheval, tout ce qui pourrait entraver son passage ou empêcher le personnel d’évacuer la zone rapidement doit être retiré. Idéalement, deux zones de travail sont à délimiter. La première, celle qui entoure le cheval, doit être réservée à l’équipe de sauvetage, au chef des opérations, au chef de la sécurité et au vétérinaire. La seconde est une zone de sécurité accessible à une équipe de support, mais interdite au public. L’équipement nécessaire au sauvetage doit être entreposé en périphérie de cette zone de sécurité et apporté en cas de besoin à l’équipe de sauvetage par l’équipe de support (voir figure ci-contre).

Techniques de sauvetage

Le sauvetage des grands animaux a bénéficié d’énormes progrès au cours de la dernière décennie. Autrefois considérés comme des objets inanimés, la tendance actuel­le prend en considération la détresse des animaux comme celle des hommes. Par exemple, personne n’envisagerait de tirer un accidenté hors de sa voiture par le bras ou la tête, alors pourquoi le ferait-on avec un cheval ? Il existe des règles de base à respecter. Lorsque c’est possible, un licol doit être utilisé, mais uniquement pour calmer et orienter l’animal. Des sangles larges et plates (10 cm de largeur, 8 m de longueur) sont ensuite nécessaires pour le tirer. Leur largeur permet d’augmenter la surface de contact avec la victime et de réduire ainsi les risques de blessure.

Avancée assistée

Cette technique est utilisée pour aider un animal qui est ambulatoire, capable d’utiliser sa tête et son encolure pour s’équilibrer, mais pas de négocier une pente ou un obstacle sans assistance. Une sangle est placée autour du thorax puis tirée entre les membres antérieurs. Une longue corde, attachée à la sangle, permet aux secouristes de tirer l’animal à une distance sécuritaire. Ce même positionnement de la sangle peut être utilisé pour entraîner un cheval en décubitus latéral vers l’avant.

Traction arrière

Un cheval en décubitus latéral peut être dégagé vers l’arrière grâce à une sangle placée autour des hanches et tirée entre les postérieurs. Une autre, attachée à la queue (caudalement à la dernière vertèbre), peut aussi être utilisée pour traîner le cheval sur une courte distance.

Traction de côté ou rouler

Lorsque le cheval doit être déplacé dans l’axe perpendiculaire à sa colonne vertébrale, deux possibilités existent. En glissant deux sangles sous le cheval et en passant chacune autour d’un membre déclive, on peut réussir à tirer le cheval sur une certaine distance. Alternativement, une sangle peut être placée sous les membres déclives, repassée par-dessus la victime puis utilisée pour rouler le cheval.

Luge

Placer le cheval sur une planche en contreplaqué ou en PVC peut faciliter les manipulations.

Levée verticale

Il existe différents modèles de harnais qui peuvent être utilisés pour soulever un cheval. En absence de matériel sophistiqué, trois sangles (une à la base de l’encolure, une autour du thorax et une sous l’abdomen) peuvent suffire. La sangle à la base de l’encolure est essentielle car elle évitera au cheval de glisser vers l’avant et de s’échapper des deux autres sangles.

Levée aux entraves

Cette technique est utilisée en dernier recours pour soulever un cheval en décubitus dorsal. L’animal doit obligatoirement être anesthésié avant de placer les entraves autour des paturons pour le lever.

RÔLE DU VÉTÉRINAIRE

Le vétérinaire est un membre essentiel de l’équipe de sauvetage et un conseiller important pour le chef des opérations, mais il ne doit jamais prendre les commandes.

Ses responsabilités sont multiples. Il doit d’abord évaluer l’état physique du cheval (au minimum les systèmes cardiovasculaire, respiratoire et musculosquelettique) et déterminer si l’animal est viable ou si l’euthanasie est indiquée. Par la suite, et dans les mesures du possible, il doit administrer les premiers soins. Mais la première responsabilité du vétérinaire est d’assurer un lieu de travail sécurisé pour l’équipe de sauvetage en tranquillisant ou en anesthésiant l’animal.

TRANQUILLISER UN CHEVAL EN DÉTRESSE

Une des plus grandes erreurs commises par les vétérinaires lors d’un sauvetage est de sous-estimer la dose de tranquillisation nécessaire pour contrôler le cheval. Les doses habituellement utilisées dans l’environnement relativement calme de l’écurie ou de la clinique s’avèrent inadéquates dans des situations où l’instinct de survie de l’animal est stimulé. En effet, en stimulant le système nerveux, l’adrénaline augmente les fonctions cardiovasculaires et respiratoires, accentue les efforts musculaires et accélère les réflexes. Quelques facteurs à considérer avant de choisir la tranquillisation à administrer incluent :

– le niveau de stress et de douleur du cheval ;

– le niveau de tranquillisation qui sera nécessaire ;

– est-ce que le cheval sera très stimulé par les manipulations

– la durée de tranquillisation nécessaire ;

– les voies d’administration disponible (accès à une veine ou non).

Un cocktail de drogues à base d’a2-agonistes, de butorphanol et d’acépromazine permet d’obtenir une sédation relativement fiable. Le choix d’α2-agoniste dépend de la longueur de la sédation souhaitée. La xylazine (0,25 à 1,1 mg/ kg) a la plus courte durée d’action, la détomidine (0,005 à 0,04 mg/ kg) a une durée intermédiaire et la romifidine (0,025 à 0,1 mg/ kg) la plus longue. Un exemple de cocktail recommandé pour les situations de sauvetage est un mélange d’acépromazine (0,3 ml/100 kg), de détomi­dine (0,2 ml/100 kg) et de butorphanol (0,5 ml/100 kg) administré en bolus par voie intraveineuse. Si l’accès veineux n’est pas possible, le bolus peut être administré par voie intramusculaire mais mettra plus longtemps à agir et sera moins fiable.

Pour les sauvetages plus prolongés, il peut être intéressant d’administrer une tranquillisation en infusion continue plutôt que par petits bolus répétés. Un protocole intéressant consiste à administrer le même bolus initial que décrit précédemment. Un mélange de 1,5 ml de détomidine et 2,5 ml de butorphanol dans une poche de 500 ml de chlorure de sodium est ensuite perfusé au débit nécessaire pour maintenir le niveau de tranquillisation requis. L’infusion continue permet de maintenir un niveau de tranquillisation beaucoup plus stable que des bolus répétés.

ANESTHÉSIER LE CHEVAL

Dans certaines situations, il peut être nécessaire d’anesthésier le cheval, notamment lorsque la victime doit être soulevée par les membres.

Un protocole simple, à base de kétamine et de diazépam, peut être suffisant pour des procédures courtes (voir encadré en page 63).

CONCLUSION

Le résultat final d’un sauvetage dépend essentiellement d’une bonne planification, d’une compréhension de la psychologie et du comportement animal et d’une utilisation judicieuse des techniques de sauvetage de base. La formation conjointe de vétérinaires et de pompiers est donc fortement conseillée pour développer les compétences nécessaires à la réussite des sauvetages.

Bibliographie

  • → Gimenez T., Gimenez R.M., Baker J.L., Johannessen D.T. How to effectively perform emergency rescue of equines. AAEP proceedings, 2002;48:276-281.
  • → Green J. Safer horse rescues. Beva proceedings, 2009;48:237.
  • → Slater J. How to perform safe horse rescues. BEPS, 2010;21-28.
  • → Slessman D.R. Technical large animal rescue. NAVC congress proceedings. 2007;123-125.

EXEMPLE DE PROTOCOLE D’ANESTHÉSIE GÉNÉRALE

→ Prémédication (par voie intraveineuse)

– acépromazine (0,04 mg/kg), 2 ml pour 500 kg

– romifidine (0,04 à 0,1 mg/kg), 2 à 5 ml pour 500 kg

– butorphanol (0,04 mg/kg), 2 ml pour 500 kg.

→ Attendre 5 minutes, ne pas administrer l’association kétamine/diazépam avant l’obtention d’une tranquillisation profonde.

→ Induction (par voie intraveineuse)

– kétamine (2,2 mg/kg), 11 ml pour 500 kg

– diazépam (0,1 mg/kg), 10 ml pour 500 kg

→ Attendre 2 minutes après le décubitus avant de stimuler le cheval.

→ Production de 10 à 15 minutes d’anesthésie générale environ.

Une anesthésie plus prolongée peut être obtenue par des petites doses répétées de kétamine seule ou de kétamine associée au diazépam.

Une meilleure qualité d’anesthésie est cependant obtenue avec des infusions continues de type “triple-drip” :

→ 500 ml GGE + 650 mg kétamine + 325 mg xylazine administré à un débit de 2 à 3 ml/kg/h. Pour un cheval de 500 kg, et en utilisant un perfuseur ayant un débit de 15 gouttes/ml, cela équivaut à environ 4 à 6 gouttes par seconde.

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