Les requins de la colère - La Semaine Vétérinaire n° 1560 du 15/11/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1560 du 15/11/2013

LE BILLET “ÉCOLO”

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Auteur(s) : Marc Vassart

Fonctions : (A 86)

Le 15 juillet 2013, une baigneuse de 15 ans est attaquée et tuée par un requin dans la baie de Saint-Paul, à La Réunion. La jeune fille nageait avec un masque et un tuba à 5 m de la plage, à un endroit non protégé par la barrière de corail où la baignade est interdite. L’attaque – la onzième en deux ans et la cinquième mortelle – a provoqué un vif émoi dans la population d’autant que, pour la première fois, la victime n’était pas un surfeur. En France, 497 personnes sont mortes noyées entre le 1er juin et le 30 septembre 2012.

Une différence de traitement

Il n’est pas question de minimiser le drame vécu par les victimes et leurs proches à La Réunion, mais les deux phénomènes n’ont pas du tout eu le même écho médiatique. L’été dernier encore, un grand nombre de noyades ont eu lieu sans pour autant que le gouvernement se lance dans un grand programme de construction de piscines… On a même vu les responsables de la sécurité sur les plages répugner à verbaliser (35 €) les contrevenants à l’interdiction de baignade lors de mauvais temps. Des mesures simples et bénignes ne sont pas appliquées pour 500 morts et l’on cherche des solutions complexes et coûteuses pour 5 victimes. Sommé par le tribunal administratif de prendre des mesures, le préfet de La Réunion a décrété l’abattage de 90 requins (45 requins-bouledogues et 45 requins-tigres). On pourrait se demander pourquoi 90 et pas 5 ou 150 ? Les scientifiques de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), mandatés par l’État pour étudier le sujet, ont montré qu’un tel “prélèvement” de squales servirait au mieux à rien, au pire pourrait aggraver le problème1.

Nous voyons ainsi l’État compromettre et désavouer un programme de recherche (baptisé Charc) qu’il a lui-même initié. Deux associations locales de surfeurs, de pêcheurs et de chasseurs sous-marins (OPR et PRR), favorables à la chasse aux requins, semblent avoir été entendues des décideurs politiques.

La mort d’une jeune baigneuse a changé la donne. On ne peut plus se contenter d’incriminer des surfeurs insouciants ou inconscients qui ne respectent pas les consignes.

Alors, que faire ?

Poser des filets anti-requins, comme en Australie, qui ont failli entraîner la disparition du dugong dans ce pays ? Interdire totalement et définitivement la baignade en baie de Saint-Paul, en verbalisant et en sortant les gens de l’eau ? Cette baie est topographiquement et historiquement dangereuse et la ferme aquacole constitue en outre un attracteur à requins.

La solution, comme le suggère Bernard Séret du Muséum national d’histoire naturelle, consiste peut-être à créer une vraie réserve marine, digne de ce nom, en tentant de reconstituer l’écosystème initial. Faire revenir les requins de récifs, inoffensifs, pour éloigner les requins-bouledogues. Développer l’écotourisme. Miser sur l’engouement mondial pour ces animaux (voir tableau).

À La Réunion, il s’agit d’un choix politique. On peut simplement souhaiter calmer la colère des uns et des autres et agir en bon chasseur-cueilleur prénéolithique… C’est plus facile à dire qu’à faire, bien entendu, mais on peut également tenter d’avoir une vision d’avenir pour le territoire. S’inspirer de ce qui réussit et se fait ailleurs. Qu’est-ce qui, à l’échelle des décennies à venir, est véritablement important pour La Réunion ?

Je me souviens d’un mythe iroquois…

On raconte que les tribus, réunies en conseil, avaient choisi comme lieu de chasse des terres habitées par des loups ? Les Iroquois subirent des attaques répétées qui décimèrent leurs rangs et il fallut trancher : partir ou tuer les loups Les Iroquois migrèrent et, pour éviter de reproduire l’erreur initiale, convinrent que, lors de toutes les futures réunions du conseil, l’un deux serait désigné pour représenter les loups. On l’inviterait à s’exprimer en posant la question : « Qui parle au nom du loup ? » Je rêve d’une réunion à la préfecture de Saint-Denis qui débuterait par ces mots : « Qui parle au nom des requins ? »

  • 1 A. Blaison, Pour la science, septembre 2012.

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