Les vétérinaires porcins ont divisé par trois l’usage des C3G/C4G

La capacité des vétérinaires à réagir devant un enjeu majeur de santé publique est démontrée. Les confrères impliqués dans la filière porcine ont, en deux ans, fait diminuer de près de 70 % l’exposition aux céphalosporines de dernières générations.

En fin d’année 2010, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait attiré l’attention des vétérinaires sur des phénomènes d’antibiorésistance, notamment l’émergence de souches bactériennes particulièrement préoccupantes en médecine humaine hospitalière : entérobactéries à Β-lactamases à spectre élargi (BLSE) et Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (Sarm).

Une démarche volontaire

Toutes les familles d’antibiotiques sont potentiellement concernées, mais certaines sont jugées prioritaires, comme les céphalosporines de dernières générations. Ces molécules sont d’une importance stra­tégique essentielle en santé humaine, en termes d’arsenal thérapeutique. Par ailleurs, leur utilisation est associée à des processus d’antibiorésistance de type plasmidique. Ce type de résistance diffuse selon un mode horizontal (entre bactéries) et est à l’origine d’une dissémination conséquente au sein des populations bactériennes. De fait, elle est parfois qualifiée de « contagieuse » ou « d’infectieuse ».

Dans ce contexte, les vétérinaires qui interviennent en production porcine, représentés par leurs différentes organisations techniques (AFMVP, AVPO, SNGTV)¹, se sont mobilisés pour convenir d’un consensus de limitation et d’encadrement volontaire de la prescription des céphalo­sporines, et tout particulièrement de celles de troisième et quatrième générations (C3G/C4G). Aucune réglementation ne les obligeait à le faire.

Un encadrement fixé par consensus

Le cadre général de ce consen­sus a donc été décidé par les vétérinaires.

Une céphalosporine de dernière génération ne doit jamais être prescrite en première intention, ni pour une utilisation systématique.

Hors de la situation d’urgence décrite ci-dessous, elle peut être prescrite uniquement après la réalisation, sur la bactérie isolée et jugée responsable de la maladie, d’un antibiogramme qui exclut techniquement la possibilité de recourir à la prescription d’un autre antibiotique. Un suivi de l’évolution de la résistance bactérienne est alors réalisé tous les six mois.

La seule situation qui justifie une prescription en urgence concerne les infections respiratoires bactériennes suraiguës durant le dernier mois d’engraissement, avec des signes cliniques et des lésions macroscopiques évocatrices d’une actinobacillose. Dans ce cas, elles peuvent être prescrites sans antibiogramme, pour une période limitée, le temps que les mesures correctrices recommandées soient mises en place, jugées et évaluées comme suffisamment efficaces.

Un autocontrôle indépendant

Les vétérinaires porcins avaient conscience qu’un “effet d’annonce” n’était pas suffisant. Le suivi des délivrances serait alors le seul juge de l’efficacité du consensus. Mais à qui confier cet autocontrôle ? Le Centre technique des productions animales et agro-alimentaires (CTPA) a été choisi pour son indépendance. Il est chargé contractuellement par les trois associations du suivi du respect du consensus, avec la centralisation des engagements individuels et les données quantitatives de délivrance de ces antibiotiques critiques.

Les données traitées par le CTPA montrent une baisse de l’exposition des porcs aux C3G/C4G de 68,9 % entre 2010 et 2012. Ces données correspondent aux délivrances des trois quarts des vétérinaires qui exercent en production porcine au niveau national. Le nombre de praticiens engagés dans cette démarche augmen­te progressivement sur la période, confortant ainsi l’observation d’une tendance baissière de l’exposition des animaux aux C3G/C4G.

L’objectif du plan ÉcoAntibio 2012-2017 était de réduire de 25 % les usages d’antibioti­ques en cinq ans. Or en deux années, les résultats obtenus pour ces molécules dépassent déjà largement ce but. Les vétérinaires sont donc tout à fait capables de se prendre en main, encore faut-il leur en laisser le temps.

• 1 Association française de médecine vétérinaire porcine, Association des vétérinaires exerçant en productions organisées, Société nationale des groupements techniques vétérinaires.