Indications des endoprothèses en cancérologie osseuse - La Semaine Vétérinaire n° 1556 du 18/10/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1556 du 18/10/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Sophie Gibert*, Guillaume Ragetly**

Fonctions :
*résidente ECVS
praticien au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne)
**diplomate ACVS et ECVS
praticien au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne)

POINTS FORTS

– Cette technique consiste à pratiquer une ostectomie, puis à remplacer l’os manquant par une prothèse.

– Elle permet de conserver un membre atteint d’ostéosarcome, en particulier le radius distal.

– Il s’agit d’une opération complexe au matériel onéreux.

L’endoprothèse permet le remplacement d’une portion d’os par une prothèse métallique et assure le soutien mécanique du membre. Ce système est utilisé lors de chirurgie de limb-sparing, terme anglo-saxon signifiant la conservation du membre dans le traitement de certaines tumeurs osseuses. Cette méthode se révèle être une révolution thérapeutique pour les chiens non candidats à l’amputation. L’utilisation d’une allogreffe (greffe provenant d’un individu de même espèce) corticale en remplacement de l’ostectomie a été l’étape initiale de cette technique, qui se heurtait alors à la disponibilité des allogreffes et à la nécessité de faire appel à des banques d’os. Ainsi, Charles Kuntz a développé la première endoprothèse vétérinaire (veterinary orthopedic implants) comme solution alternative à l’allogreffe d’os cortical.

INDICATIONS

→ Les chiens présentés pour une tumeur osseuse appendiculaire sans métastase objectivée lors du bilan d’extension sont les principaux candidats du limb-sparing. L’autre indication concerne les chiens qui devraient subir une amputation, mais qui ne répondent pas aux critères de cette intervention (trouble neurologique, atteinte orthopédique sévère, amputation préalable d’un autre membre, etc.) ou lorsqu’elle est refusée par les propriétaires.

→ Cette approche est indiquée lors de tumeur du radius distal qui présente un envahissement minime des tissus mous avoisinants et ne s’étend pas à plus de la moitié de la longueur de l’os. Il s’agit de la situation la plus facile à gérer, car le pronostic fonctionnel après une panarthrodèse du carpe est bon.

→ Le limb-sparing n’est que rarement réalisé sur d’autres segments osseux. En effet, le résultat fonctionnel est mitigé, voire mauvais, à la suite d’une arthrodèse du coude, du tarse ou du grasset. Des endoprothèses devraient cependant être développées pour le tibia proximal et le fémur distal compte tenu de l’avancée dans le domaine de l’arthroplastie du grasset chez le chien. Des prothèses de hanche ont déjà été utilisées avec succès lors d’ostéosarcome du fémur proximal.

→ Une fracture pathologique est une contre-indication relative (risque de dissémination tumorale aux tissus environnants). La réalisation en phase préopératoire d’une chimiothérapie et/ou d’une radiothérapie permet de diminuer l’incidence d’une récurrence locale.

MATÉRIEL

→ Depuis quelques années, des prototypes d’endoprothèse sont commercialisés pour l’espèce canine. La première génération pour radius se composait d’une plaque et d’une barre de taille unique de 122 mm ou 145 mm, aplatie distalement et en acier chirurgical. Depuis, les modèles ont évolué afin d’en alléger le poids tout en optimisant les propriétés biomécaniques du montage.

→ Désormais, plusieurs longueurs de prothèses sont disponibles. Il est également possible de les faire fabriquer à la demande. La taille de la prothèse peut ainsi être choisie au mieux en fonction de l’ostectomie planifiée.

→ La composition des endoprothèses est variable. Les plus courantes sont en acier chirurgical (veterinary orthopedic implants). Leur surface peut être recouverte d’hydroxyapatite afin de faciliter l’ostéo-intégration. Des systèmes compatibles avec des plaques verrouillées sont également développés. Une nouvelle génération d’endoprothèses, plus légères du fait de leur trame trabéculaire en tantale, est aussi commercialisée (BioMedtrix®).

CHOIX DES MARGES D’EXÉRÈSE

Les tumeurs osseuses primitives sont souvent peu envahissantes. Une exérèse marginale est le plus souvent suffisante pour disséquer la masse du tissu cutané environnant. Les muscles et les tendons doivent être réséqués avec une marge si possible de 2 à 3 cm. Il est conseillé de réaliser l’exérèse de la tumeur osseuse avec une marge de 3 cm. L’extension locale de la tumeur peut être déterminée par différents moyens d’imagerie. La préférence se porte sur la réalisation d’un examen tomodensitométrique. En effet, l’étendue de la lésion est souvent surestimée lors d’examen radiographique, de scintigraphie et de résonance magnétique.

TECHNIQUE

Après un abord cranial ou cranio-latéral du radius, une ostéotomie transverse du radius est réalisée proximalement à la marge tumorale déterminée préalablement. Une résection conjointe de l’ulna peut être effectuée en cas de mise en évidence d’une extension locale. Les tendons des extenseurs sont réséqués en bloc avec le fragment radial. En vue de la panarthrodèse, le cartilage des articulations carpiennes, intercarpiennes et carpo-métacarpiennes est fraisé. Le radius est ensuite désarticulé au niveau de l’articulation radio-carpienne et le fragment osseux est retiré. Celui-ci est remplacé par l’endoprothèse. La panarthrodèse du carpe est alors réalisée à l’aide d’une plaque dorsale qui s’étend distalement du radius proximal jusqu’au métacarpe III en se fixant sur l’endoprothèse et l’os radial du carpe.

PHASE POSTOPÉRATOIRE

Un pansement contentif est mis en place pendant deux semaines. Une attelle n’est pas obligatoire. L’activité de l’animal est limitée à des promenades en laisse. La décision du retour à une activité complète reste du ressort du chirurgien, mais ne semble pas recommandée lors d’une non-ostéo-intégration de la prothèse. Le protocole de chimiothérapie est mis en place entre 10 et 15 jours après l’intervention.

AVANTAGE

L’avantage de la technique de limb-sparing est de conserver le membre avec un bon résultat fonctionnel dans 80 % des cas. Il n’existe pas de différence de médiane de survie selon que les chiens ont subi une amputation ou une chirurgie de limb-sparing suivie d’une chimiothérapie adjuvante lors d’ostéosarcome appendiculaire. Parmi les différentes techniques développées, l’endoprothèse permet une certaine standardisation de la procédure.

INCONVÉNIENTS

→ Le principal inconvénient est le coût des implants, environ 2 000 € pour l’achat de l’endoprothèse et de la plaque d’arthrodèse.

→ Les désavantages de cette technique sont principalement liés à ses complications, avec un taux d’infections qui atteint presque 50 %. Cependant, il est intéressant de noter qu’une médiane de survie jusqu’à deux fois plus longue chez les chiens ayant présenté une infection du membre est rapportée (une stimulation immunitaire antitumorale induite par l’infection en serait la raison). Bien qu’il ait été suggéré que les endoprothèses permettraient de diminuer le taux de complications infectieuses, aucune différence entre allogreffe et endoprothèse n’a pu être mise en évidence.

→ Le décèlement et les fractures d’implants sont rapportés dans 40 % des cas, dont 10 % sont considérés comme des complications majeures (qui nécessitent une reprise chirurgicale).

→ Un inconvénient théorique de l’utilisation d’une endoprothèse est l’absence d’incorporation osseuse de l’implant. Ce point reste discutable du fait de la faible incidence de ce problème compte tenu de la courte médiane de survie des chiens atteints d’ostéosarcome. De plus, les endoprothèses de nouvelle génération sont recouvertes d’hydroxyapatite (matériel aux propriétés ostéoconductrices) ou présentent une architecture qui facilite l’intégration osseuse (trame trabéculaire).

→ Une récidive locale est rapportée dans 20 % des cas de limb-sparing.

Retrouvez la bibliographie de cet article sur WK-Vet.fr : http://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_4276

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