Audiences à la chambre supérieure de discipline - La Semaine Vétérinaire n° 1554 du 04/10/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1554 du 04/10/2013

Justice ordinale

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Auteur(s) : Marine Neveux

Plusieurs affaires sont passées devant la chambre supérieure de discipline, les 18 et 19 septembre derniers. La prescription et la délivrance dans le cadre d’un groupement, la problématique des résidus retrouvés dans l’alimentation et la notion de continuité des soins y ont été abordées.

PRESCRIPTION D’UN ALIMENT MÉDICAMENTEUX

Une plainte a été déposée par une Direction départementale de la protection des populations (DDPP) à l’encontre de vétérinaires, en raison de la présence élevée de résidus d’antibiotiques retrouvés dans la viande de porcelets. Une inspection a été diligentée dans l’élevage. Plusieurs affaires, abordées le 18 septembre en chambre de discipline et impliquant quatre vétérinaires, étaient liées à cette problématique.

La première concerne la prescription effectuée par le Dr L. La plainte a été instruite en première instance, une décision a été rendue, suivie d’un appel, et un rapporteur a été nommé. Les faits reprochés à ce confrère sont :

> la prescription, dans le cadre d’un plan sanitaire d’élevage (PSE), d’un aliment médicamenteux ;

> la prescription de principes actifs non prévus dans le PSE ;

> la prescription d’un aliment médicamenteux avec des substances et des temps d’attente erronés par comparaison avec l’étiquetage de cet aliment ;

> une prescription non conforme aux exigences réglementaires de la rédaction des ordonnances.

Le Dr L exerce en pratique mixte. Il se justifie en disant ne pas avoir fait la différence entre le PSE et le hors PSE, étant avant tout un praticien libéral. Ainsi, il a prescrit pour des porcelets malades, sans se rendre compte qu’il le faisait hors PSE. En outre, il explique avoir manqué de vigilance sur le temps d’attente par excès de confiance vis-à-vis du logiciel.

Selon le Dr L, les quantités d’aliments médicamenteux prescrites et délivrées étaient justifiées au regard des performances de l’élevage et il conteste avoir couvert une automédication. Pour son avocat, la condamnation à une interdiction d’exercer de six mois est excessive : « Le Dr L est un praticien libéral et n’a donc jamais connu que le plein exercice du vétérinaire thérapeute, souligne-t-il. C’est une parenthèse de quatre mois dans 35 ans de vie professionnelle. » Il explique que son client a reconnu les faits, ne fuit pas ses responsabilités, et n’a été pris qu’en défaut de vigilance sur cette ordonnance. « Le Dr L s’est rendu compte tardivement que le médicament n’était pas accessible au PSE. »

Le temps d’attente mentionné sur l’étiquette du mélange en question, le Regulo TMP® (qui est un mélange de prémélanges), est de 28 jours pour les denrées (et non 15 comme indiqué sur l’ordonnance du Dr L). « La logistique mise à disposition s’est révélée déficiente », estime l’avocat. En outre, l’éleveur administrait le Regulo TMP® en présevrage, sans que le Dr L soit informé de cette pratique anormale et inutile. « Nous avons fait des erreurs matérielles, sur une ordonnance, mais le Dr L s’est limité à une seule prescription. Dans la décision, nous avons l’impression que mon client était un vétérinaire de groupement régulier (…). Nous demandons à la cour d’éviter que le jugement du Dr L soit celui d’un groupement plus célèbre », renchérit l’avocat.

Un conseiller ordinal interroge : « Dans le rapport, on dit que vous n’avez pas fait de différence entre le PSE et le hors PSE. Aviez-vous pris connaissance du PSE avant ?

— Oui, répond le Dr L.

— Vous dites avoir agi comme un thérapeute. Avez-vous vu les animaux ?

— J’ai vu l’éleveur.

— L’éleveur ou les animaux ?

— L’éleveur.

— Vous êtes aussi en relation avec la société B en tant que vétérinaire responsable. Cumulez-vous les deux fonctions de prescripteur et de responsable pharmacie de l’usine d’aliment ?

— Oui, provisoirement.

— Vous aviez donc une vision panoramique de ce qui était fabriqué dans l’usine et prescrit. »

Les deux affaires suivantes sont liées à celle-ci.

ANOMALIES SUR LES ORDONNANCES

Le Dr A est entendu pour trois ordonnances qui comportent des anomalies :

> une divergence entre les principes actifs prescrits et ceux contenus dans l’aliment médicamenteux délivré ;

> un temps d’attente de 15 jours au lieu de 28 ;

> une quantité d’aliment médicamenteux non conforme (quantité par porc et par jour non calculable ou quantité prescrite qui comporte des écarts significatifs).

Le Dr A est l’exécutant de l’ordonnance du Dr L (ils sont associés). Il a occupé le poste de vétérinaire responsable pharmaceutique de l’usine d’aliment pendant quelques mois. Le fabricant exécute l’ordonnance sous la supervision du responsable pharmaceutique de l’établissement. Le Dr A reconnaît sa défaillance sur l’exécution de la première ordonnance, mais ne s’estime pas responsable des autres. Il réfute avoir été le maillon actif d’un système favorisant l’automédication. Le Dr A évoque également la fatigue, associée à une trop grande confiance en l’informatique durant une période chargée.

En première instance, il a été condamné à une peine d’interdiction d’exercer de trois mois, dont deux avec sursis. « Le Dr A est un thérapeute, c’est une parenthèse dans sa vie professionnelle », souligne de nouveau l’avocat.

Un conseiller ordinal interroge :

« Quelle est votre clientèle ?

— 50 % bovine, 40 % canine, répond le Dr A.

— Vous êtes parti dans une relation qui n’est pas votre corps de métier. Vous vous êtes mis en danger pour la somme de 20 AMO mensuels, soit l’équivalent d’une demi-journée par mois. Quel a été votre moteur ? On est venu vous chercher ?

— Oui. »

MANQUEMENT À LA SIGNATURE

La troisième affaire, qui concerne le Dr E, est un manquement à la signature concernant le lot de porcelets abattus chez l’éleveur adhérant à la société B. Trois documents comportent des anomalies telles que des divergences sur le nombre de porcelets mentionnés, mais aussi sur les traitements administrés aux animaux (non mentionnés sur le document d’information de la chaîne alimentaire). L’avocat demande la réformation complète du jugement.

DÉFAUT DE CONTINUITÉ DES SOINS

Le Dr R fait appel d’une décision de suspension d’exercice d’un mois. Il lui est reproché de ne pas avoir respecté la continuité des soins auprès de sa clientèle. Selon le rapporteur, quatre témoignages attestent que le Dr R a seulement mis en place une permanence téléphonique à distance, et qu’il a ainsi orienté deux clients vers des structures fermées avec lesquelles il n’avait pas prévu d’accord. En outre, il avait affiché des informations inexactes dans la clinique, disant qu’il assurait les urgences sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Le Dr R reconnaît les faits, mais explique que, sur une période de dix jours autour de Noël, il s’était organisé avec deux confrères. Il déclare aussi que les quatre témoignages précités ne font pas partie de son fichier de clientèle. Il affirme avoir toujours répondu au téléphone et a oublié d’enlever la pancarte en cette période de Noël. « J’ai régulièrement demandé à mes confrères de partager les gardes, j’ai régulièrement essuyé des échecs », poursuit-il. Le Dr R cite aussi le Code de déontologie qui définit la clientèle comme les animaux soignés habituellement. Or « l’enquête n’apporte aucune preuve de l’antériorité de cette clientèle ». Il estime qu’il ne faut pas confondre la continuité et la permanence des soins. « Ces personnes n’avaient jamais consulté chez moi avant cette période de Noël. Ce sont les deux vétérinaires de ces clients qui auraient dû assurer la continuité des soins », affirme-t-il, en élargissant même le débat : « La continuité des soins, il faudrait la limiter dans le temps et dans l’espace. »

Un conseiller ordinal interroge : « Vous nous avez décrit les difficultés, dans votre environnement géographique, pour assurer les gardes. Est-ce qu’une convention a été signée pour votre absence d’une semaine par les deux parties ? Et vu les difficultés, est-ce qu’une contrepartie financière a été envisagée ?

— Il n’y a pas eu d’écrit, j’étais sans doute naïf, et il n’y avait même pas de contrepartie financière envisagée », répond le Dr R.

Ces quatre affaires sont mises en délibéré au 16 octobre prochain.

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