Filière viande : un rapport qui ne finira pas en chambre froide ? - La Semaine Vétérinaire n° 1553 du 27/09/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1553 du 27/09/2013

Dossier

Auteur(s) : Marine Neveux

Le déferlement médiatique et la révélation de fraudes à la suite de la présence de viande de cheval dans des plats étiquetés “pur bœuf” a motivé la réalisation d’une mission d’information sénatoriale. Quelles seront les suites donnéesà ces propositions ? C’est la question qui se pose, comme à chaque sortie de rapport. Analyse et entretiens avec les différents représentants.

En février dernier, la société Findus annonce qu’elle retire certains de ses produits dans plusieurs pays européens : c’est le début de ce que certains médias appelleront le horsegate. Lasagnes, moussaka ou hachis parmentier étiquetés “pur bœuf” contiennent de la viande de cheval. Dans les mois qui suivent, une mission d’information sénatoriale voit le jour. Le sujet est essentiel pour les filières, entachées par ces scandales, comme en témoigne encore la récente affaire révélée fin août sur la viande provenant d’écuries de chevaux de club, dans l’est de la France.

Mené dans un laps de temps restreint, le travail des deux sénatrices, Sylvie Goy-Chavent, rapporteure, et Bernadette Bourzai, présidente de la mission, est conséquent. Elles ont le mérite d’avoir interrogé tous les acteurs de la chaîne de production, même si l’on peut regretter que la filière cheval ait finalement été peu explorée, alors que le scandale était venu de ce côté.

Nouveau rapport certes, mais pour quelles suites ? La question mérite d’être posée, d’autant que de précédentes missions n’ont pas toujours eu l’écho qu’elles auraient mérité, faute d’une véritable volonté politique…

TROIS CHAMPS D’INVESTIGATION

Trois champs d’investigation majeurs sont mis en exergue dans la mission :

– la sécurité sanitaire ;

– la situation économique ;

– la réponse de la filière aux interrogations et aux attentes de la société.

Plusieurs préconisations ont trait aux vétérinaires. Pour autant, se concrétiseront-elles ? Le sujet est politique, l’avenir de ce rapport se jouera au ministère de l’Agriculture, rue de Varennes, mais aussi à Bruxelles. Les scandales de cette rentrée martèlent pourtant, si cela était encore nécessaire, la nécessité d’apporter plus de transparence et de pallier les fraudes alimentaires.

Ces fraudes ont mis en évidence le rôle clef des négociants et des traders. Plusieurs facteurs contribuent aux dérives, comme les spécificités d’un marché particulièrement atomisé. La viande « apparaît aujourd’hui comme un produit standardisé dont les qualités intrinsèques se trouvent effacées par son incorporation dans des matières premières telles que le “minerai” de viande », expliquent les sénatrices.

La réglementation existe, encore faut-il qu’elle soit appliquée, contrôlée et sanctionnée, et que le système ne puisse pas être contourné. La problématique du remplissage (ou du non-remplissage !) du feuillet des traitements médicamenteux des chevaux en est une illustration.

Les sénatrices reconnaissent aussi cette problématique. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pondère le risque lié à la présence de résidus médicamenteux dans les viandes, estimée extrêmement faible. La dernière vague de résultats n’a pourtant pas convaincu tous les professionnels. Si la théorie est claire, la réalité de terrain en est parfois éloignée. L’automédication du cheval par le propriétaire fait que tous les traitements ne sont pas toujours déclarés, de même que fleurissent les fraudes où, par exemple, un feuillet vierge apparaît lorsque l’animal est conduit à l’abattoir. Pour éviter la complicité des différents intervenants qui ferment les yeux jusqu’à la carcasse, la suspicion face à cette pratique mériterait d’être accrue. Certains professionnels cherchent à retracer le parcours des chevaux, mais combien passent à travers les mailles ?

BON POINT POUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE EN FRANCE…

Un premier constat du rapport tempère l’état des lieux : la sécurité sanitaire des produits carnés reste élevée en France. « Toutefois, ce haut niveau de sécurité sanitaire est menacé, d’abord par la pression économique qui peut conduire les acteurs à adopter des stratégies de survie à court terme les amenant à relâcher les contrôles qu’ils effectuent sur leur propre production, et ensuite par un affaiblissement des instruments de contrôle externe, dans un contexte où les services vétérinaires, ou ceux de la répression des fraudes, ont été très affectés au cours des dernières années par la RGPP1. » Ce point est en effet régulièrement soulevé, mais pas résolu.

… MAIS MAUVAIS POINT SUR L’INFORMATION AU CONSOMMATEUR

Le second constat à trait au consommateur, qui doit être mieux informé sur ce qu’il achète. En effet, aucun secteur ne peut aujourd’hui s’affranchir de son regard. « L’étiquetage de l’origine est un combat difficile qui doit d’abord être mené au niveau européen, et qui est loin d’être gagné », reconnaissent les sénatrices. Il a d’ailleurs essuyé de nombreux échecs, quel que soit le ministre de l’Agriculture en place dans l’Hexagone, et c’est parfois même la France qui s’est opposée aux évolutions vers plus de transparence proposées par Bruxelles… Plusieurs députés se sont déjà heurtés à un mur quand ils ont demandé l’étourdissement lors de l’abattage.

Les sénatrices prônent le renforcement de l’information du consommateur « en imposant de manière très large un étiquetage de l’origine de toutes les viandes, brutes ou transformées, y compris lorsqu’elles sont consommées en restauration commerciale individuelle ou collective (…), et à réaliser la transparence de la fourche à la fourchette dans les filières viande ».

LES LIMITES DE L’AUTOCONTRÔLE

Si la vérification de la conformité des produits relève de la responsabilité des opérateurs, l’autocontrôle ne saurait suffire, l’ampleur de l’affaire de la viande de cheval « a révélé une forme de faillite du système ». La volonté intentionnelle de contourner la législation sanitaire (dont la possibilité de falsifier l’étiquetage) est pointée du doigt. « Le renforcement de la certification privée ne saurait remplacer les contrôles officiels. Les opérateurs ont en effet besoin d’une autorité fiable de référence pour évaluer et certifier les procédures sanitaires mises en œuvre. »

DES ATTENTES SOCIÉTALES ET LE BIEN-ÊTRE ANIMAL

Point positif du rapport, l’approche du bien-être animal y figure. « Les bonnes pratiques des vétérinaires ont un rôle déterminant, mais méconnu dans la sécurité sanitaire des aliments et dans la santé publique, reconnaît le rapport. Il est indispensable de lutter énergiquement contre la pénurie de vétérinaires en milieu rural, ces derniers jouent un rôle extrêmement important en matière de veille sanitaire. » La mission appelle à renforcer les incitations et les campagnes de sensibilisation au sein des écoles vétérinaires nationales afin de valoriser le travail des vétérinaires en zone rurale auprès des étudiants. L’idée n’est certes pas nouvelle… et la problématique plus difficile et multifactorielle que le seul constat. Ce sont des propositions concrètes et applicables qui sont attendues.

L’ABATTAGE SANS ÉTOURDISSEMENT : RÉCURRENTE PIERRE D’ACHOPPEMENT

La pénibilité dans les abattoirs y est observée aussi bien côté humain qu’animal. « Concernant les pratiques d’abattage rituel sans étourdissement préalable, il existe aussi des risques d’accidents. Des employés d’abattoirs ont signalé à la mission des cas où, après avoir été égorgés, des gros bovins se relevaient plusieurs minutes après l’égorgement, faisant courir un risque à tous les opérateurs présents. »

Des méthodes d’abattage sont développées, notamment au niveau des techniques d’étourdissement. Les conséquences de l’absence d’étourdissement sur la souffrance animale lors de l’abattage ont fait l’objet de vifs débats avec les représentants des cultes. « Il est toujours possible de réclamer encore davantage de données scientifiques. Mais il semble qu’il existe aujourd’hui suffisamment d’éléments pour pouvoir affirmer que l’abattage avec étourdissement est le mode d’abattage qui minimise les souffrances animales. L’Efsa2, l’Anses et l’Inra3 sont formels à ce sujet. »

La dérive de l’abattage rituel est confirmée par le rapport. « Le renforcement de la réglementation vise à la fois à limiter les risques de généralisation de l’abattage sans étourdissement pour des raisons de commodité, mais aussi à professionnaliser davantage l’abattage avec et sans étourdissement. Il est encore trop tôt pour faire un bilan de l’application de cette nouvelle réglementation. Cependant, le succès de ces mesures dépend fortement des contrôles que l’administration pourra effectuer sur les opérateurs économiques. »

« L’information du consommateur sur le mode d’abattage constitue la seule piste permettant de garantir à ceux qui ne veulent pas consommer des viandes issues d’animaux abattus sans étourdissement de ne pas être trompés sur la marchandise. » L’étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes et non discriminatoires, est ainsi proposé. Une proposition qui a reçu un accueil controversé.

Quelles suites seront donc données à ce rapport Il repose des questions essentielles pour lesquelles la volonté politique sera primordiale.

  • 1 Révision générale des politiques publiques.

  • 2 Autorité européenne de sécurité des aliments.

  • 3 Institut national de la recherche agronomique.

LES MESURES PHARES DES 40 PROPOSITIONS

Proposition 1 : Créer au niveau européen un dispositif d’agrément pour les activités de négoce dans la filière viande.

Proposition 3 : Approfondir la coopération entre les services de contrôle des États membres de l’Union européenne chargés de la lutte contre les fraudes alimentaires.

Proposition 4 : Durcir les sanctions en cas de tromperie du consommateur sur les denrées alimentaires.

Proposition 7 : Maintenir un dispositif public indépendant de contrôle des abattoirs qui assure un niveau d’exigence sanitaire élevé et égal sur l’ensemble du territoire national.

Proposition 8 : Renforcer les effectifs des services de contrôle relevant de la DGAL et de la DGCCRF.

Proposition 10 : Instaurer un étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour les viandes brutes et transformées.

Proposition 39 : Instaurer un étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes.

Proposition 40 : Imposer des contrôles physiques des vétérinaires au poste d’abattage pour toutes les espèces, suivre les incidents d’étourdissement ou d’égorgement, et disposer d’un outil statistique abattoir par abattoir permettant de connaître les tonnages abattus sans étourdissement et d’éviter les dérives.

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