Les évaluations comportementales vont être… évaluées - La Semaine Vétérinaire n° 1552 du 20/09/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1552 du 20/09/2013

Législation sur les chiens dangereux

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Auteur(s) : Christian Diaz

« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées », disait Winston Churchill… Après plusieurs mois sans nouveauté, un arrêté vient apporter une note finale provisoire à la législation concernant les chiens dangereux.

L’arrêté du 19 août 20131 précise les modalités de transmission au fichier canin des données collectées par les praticiens lors des évaluations comportementales. L’objectif est d’établir les statistiques nécessaires au ministère de l’Agriculture pour remplir son obligation de dépôt d’un rapport annuel. Mais cette disposition, prévue par la loi, n’a encore jamais été appliquée.

LES OUTILS ÉPIDÉMIOLOGIQUES INSCRITS DANS LA LOI

La loi du 20 juin 2008 a conçu deux outils à visée épidémiologique.

L’observatoire du comportement canin

Selon l’article Ier de la loi, « il est institué, auprès du ministre de l’Intérieur, des ministres chargés de l’Agriculture et de la Santé, un observatoire national du comportement canin. Un décret définit les conditions d’application du présent article ».

Inscrit dans la loi à la demande de la profession vétérinaire, cet observatoire aurait dû permettre d’évaluer le risque réel représenté par les chiens, à condition de le concevoir comme un réel instrument épidémiologique au service de la santé publique.

Son inscription en introduction du texte confirmait une évidence : le risque que la loi était censée réduire n’avait pas été préalablement évalué, au mépris des principes de base de la gestion des risques.

Ce fut là le premier et le dernier enseignement de cet outil resté virtuel, puisque trois ans plus tard, le décret du 28 juin 2011 abrogeait purement et simplement l’article Ier de la loi, signant la mort de l’observatoire avant même sa mise en place.

L’évaluation des évaluations

L’article D.211-3-4 dispose que « le ministre chargé de l’Agriculture publie chaque année un rapport sur les résultats des évaluations comportementales des chiens mentionnées aux articles L.211-14-1 et L.211-14-2, établi à partir des données du fichier national canin », et l’article D.211-3-2 ajoute que « les modalités de transmission au fichier national canin des informations relatives à l’évaluation comportementale canine et la teneur de ces informations sont fixées par arrêté du ministre de l’Agriculture et de la Pêche ».

À ce jour, cinq ans après la loi de juin 2008, aucun rapport n’a été déposé. C’est seulement à partir du 1er novembre prochain que l’arrêté, publié le 27 août 2013, entrera en application. Il précise les modalités de transmission de ces données (voir encadré).

En annexe de l’arrêté figure un modèle (incomplet) de déclaration.

LES LIMITES DU TEXTE

La date de mise en œuvre

Cet enregistrement à but statistique devrait se mettre en place alors que la plupart des évaluations ont déjà été effectuées, et ne feront donc pas l’objet d’une saisie informatique.

En effet, les demandes de permis de détention pour tous les chiens en circulation en 2008 devaient être déposées avant le 31 décembre 2009, bien que les maires n’aient reçu l’information qu’en janvier 2010. Malgré ce retard, la majeure partie des évaluations ont été réalisées avant la fin 2010. Depuis cette date, théoriquement, les praticiens n’ont plus à évaluer que les chiens de première et deuxième catégories entre huit et douze mois, les chiens mordeurs d’une personne, et ceux susceptibles de présenter un danger sur la demande du maire ou du préfet.

En 2007, le sénateur Braye, dans son rapport, a précisé le nombre de chiens en circulation concernés, la réalité étant bien inférieure aux estimations fantaisistes avancées parfois par des sources pourtant officielles. Les mairies ont enregistré environ 17 000 chiens de première catégorie, 120 000 de deuxième catégorie et les Directions des services vétérinaires (DSV) de l’époque ont reçu environ 10 000 déclarations annuelles de mise sous surveillance, soit un potentiel total de quelque 150 000 chiens, lors du vote de la loi, qui ne figureront jamais dans les études statistiques officielles.

Le potentiel réel à évaluer

Aujourd’hui, le nombre de chiens à évaluer, en vue du permis de détention, comprend les individus des races american staffordshire terrier, tosa et rottweiler, ceux d’apparence rottweiler (deuxième catégorie), ainsi que les pitbulls selon la définition délirante de l’arrêté du 27 avril 1999, les boerbulls à la française (apparence mastiff) et les chiens de type tosa. Soit un potentiel annuel de quelque 10 000 chiens concernés. Le nombre de chiens mordeurs évalués devrait être plus élevé, mais il est limité par l’insuffisance, voire l’absence des déclarations par les professionnels concernés, en particulier les médecins.

Le nombre annuel de chiens évaluables peut donc être estimé à environ 20 000, pour 2 000 praticiens inscrits, soit moins d’un chien par mois et par praticien.

L’insuffisance des déclarations de morsures

Selon les termes de la loi, tout fait de morsure d’une personne par un chien doit être déclaré en mairie par le propriétaire/détenteur ou par tout professionnel qui en a connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Les vétérinaires savent ce qu’il faut penser de la réalité des déclarations de morsures par les propriétaires, en particulier dans le cercle de famille. Il en va de même chez les médecins, peu nombreux à remplir cette obligation, soit par manque d’information, soit par une conception restrictive de la notion de secret professionnel.

Quant aux confrères, même s’ils s’acquittent généralement de leurs obligations en matière de surveillance sanitaire, il n’en va pas toujours de même pour déclarer toutes les morsures et donc imposer à leurs clients des contraintes administratives et financières susceptibles de les mécontenter.

Même si le nombre exact de morsures en France n’est pas connu – le chiffre de 500 000, parfois avancé, relève de la fantaisie –, c’est un fait qu’il est bien supérieur aux 10 000 déclarations de 2007. Et pourtant, il serait étonnant que le nombre d’évaluations après morsure atteigne ce chiffre.

La motivation des vétérinaires

Si les praticiens ont répondu présents dans le domaine de l’évaluation comportementale, il n’est pas certain qu’ils agissent de même pour enregistrer des données dont ils ne saisiront pas forcément l’utilité, dans une opération chronophage, alors qu’ils ne remplissent pas encore correctement leurs obligations administratives en matière de déclaration de morsures ou de pharmacovigilance.

DES RÉSULTATS PRÉVISIBLES

Les différentes enquêtes menées en France par le collectif contre la catégorisation des chiens, en région parisienne par Géraldine Banquy (thèse Créteil 2013) ou par l’Institut de veille sanitaire (InVS), donnent des résultats concordants.

Le Dangerous Dog Act britannique n’a pas eu les effets escomptés en termes de santé publique. Quant aux Pays-Bas, ils ont abrogé l’interdiction de détention des pitbulls en 2008, cette mesure n’ayant pas eu d’incidence sur la fréquence des morsures canines, au moment où la France créait le permis de détention, une mesure discriminatoire fondée sur l’apparence morphologique.

Il est donc permis, avec une faible marge d’erreur, de prédire les résultats suivants :

> environ 95 % des chiens dits dangereux, au sens de l’article L.211-12, relèvent des deux premiers niveaux de risque, la plus grande partie étant de niveau 1 ;

> les chiens dits dangereux représentent moins de 10 % des chiens mordeurs ;

> le risque de morsure par un chien n’est pas en relation avec sa race ou son apparence, mais avec la fréquence de sa présence dans les foyers.

Si, selon toute vraisemblance, ces tendances sont confirmées, les pouvoirs publics publieront-ils un rapport susceptible de confirmer l’incohérence des lois de ségrégation raciale canine (et par ricochet humaine) mises en place depuis 1999 ?

  • 1 Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1550 du 6/9/2013 en page 14.

Modalités de transmission des données

À l’issue de l’examen, le vétérinaire inscrit dans le fichier national d’identification des carnivores domestiques, par voie informatique :

> le motif de l’évaluation :

– visite relative à la demande du permis de détention (L.211-14 du Code rural) ;

– évaluation des chiens ayant mordu une personne (L.211-14-2 du Code rural) ;

– demande du maire ou du préfet (L.211-14-1 du Code rural);

> la catégorie du chien ;

> le niveau de dangerosité de 1 à 4 selon les dispositions de l’article D.211-3-2.

Il doit en outre valider ou invalider la race ou l’apparence raciale de l’animal, donc sa catégorie.

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