L’apocalypse du bison

À 104 ans, Frank Mayer s’est endormi pour son dernier sommeil, en 1954. Avec lui disparaissait le dernier tueur de bisons. Le récit de ces aventures d’un autre temps, dans les vastes plaines de l’ouest américain, il avait eu la bonne idée de le consigner peu avant, dans un livre publié à titre posthume en 1958 sous le titre The Buffalo Harvest. Un témoignage unique sur un carnage animal sans précédent, d’une fulgurance inouïe. Alors que la population de bisons était estimée à 15 ou 20 millions en 1870, ils n’étaient plus que quelques centaines 10 ans plus tard.

Ce massacre, l’auteur y a participé activement, sans état d’âme. Avec une incroyable vivacité, il relate en détail son quotidien : ces journées passées à tirer autant de bisons qu’il était possible d’en dépecer, avant de les laisser pourrir sur place. Bien qu’appuyé par les autorités (qui offraient les munitions), cet abattage massif fut le résultat de l’aveuglement d’un petit artisanat opportuniste. Tuant, sept ans durant, les bisons pour leurs peaux (vendues  $ pièce !) puis, les stocks épuisés, se rabattant sur la collecte de leurs os, Frank Mayer ne fut au fond qu’un patron de petite entreprise. En ces temps de désastres environnementaux, une telle illustration de la capacité destructrice de l’homme (et de son incapacité à en prendre la mesure) nous tend, avec crudité, un miroir sur lequel méditer.

• Tueur de bisons de Frank Mayer, traduit de l’américain par Frédéric Cotton, éditions Libretto, 112 pages, 6,70 €.