Fortes similitudes entre les souches de L. monocytogenes issues d’élevages et de casseries - La Semaine Vétérinaire n° 1546 du 28/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1546 du 28/06/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : KATELL RIVOAL*, CYRIL PARACHINI-WINTER**

Fonctions :
*Anses de Ploufragan, unité hygiène et qualité des produits avicoles et porcins. Article tiré d’une conférence présentée lors des 10e journées de la recherche avicole à La Rochelle, en mars 2013.

Bacille Gram+ ubiquitaire, qui doit son nom à Joseph Lister, Listeria monocytogenes est une bactérie incriminée dans les toxi-infections alimentaires, notamment par le biais de charcuteries cuites, de produits issus de l’industrie de la saucisserie, de graines germées réfrigérées et de produits au lait cru. Chez l’adulte, elle est à l’origine de septicémies et de méningo-encéphalites, et chez la femme enceinte d’avortements et de maladies néonatales. Même si ces toxi-infections restent rares et n’ont jamais été observées à la suite de l’ingestion d’ovoproduits, elles n’en demeurent pas moins mortelles dans 20 à 30 % des cas (Vaillant et coll., 2005 ; Efsa, 2009).

Par ailleurs, une étude1 montre que la prévalence de Listeria monocytogenes dans les élevages de poules pondeuses atteint 15,5 %. En outre, deux études menées dans des casseries de l’ouest de la France, au début des années 2000 puis plus récemment en 2010, montrent également que les ovoproduits crus peuvent être contaminés par L. monocytogenes2.

Inquiets, les industriels des ovoproduits ont souhaité déterminer la prévalence et la localisation de cette bactérie dans leurs usines. Lors des 10ejournées de la recherche avicole, Katell Rivoal a présenté ses travaux en ce sens et ceux de son équipe de l’Anses de Ploufragan, dont le but était de caractériser les souches de L. monocytogenes rencontrées dans les élevages de poules pondeuses et dans les ovoproduits afin de comprendre, in fine, les voies de contamination de la filière.

Des travaux de biologie moléculaire de l’amont à l’aval de la filière

Trois collections de souches sont réalisées au cours de trois études successives, pour un total de 618 isolats récoltés. Entre octobre 2005 et septembre 2006 tout d’abord, dans 30 élevages répartis à travers la France et choisis pour leur représentativité (c’est-à-dire avec une prévalence autour de 15,5 %), 169 isolats issus de 56 échantillons de fiente sont typés.

Puis une série de 196 isolats (obtenus à partir de 31 échantillons), provenant d’un travail nommé Microvop3 qui portait sur l’étude des micro-organismes pathogènes et d’altération dans la matrice d’œufs entiers liquides, sont collectés dans trois casseries de l’ouest de la France pendant trois saisons (hiver, été et automne) en 2010.

Toujours dans des casseries du grand Ouest, la dernière collection (253 isolats) est obtenue à partir de 87 échantillons. Elle est issue de l’étude Listovop4, menée en 2011 dans cinq casseries, qui portait sur la contamination des murs, des machines, des égouts, etc., et des ovoproduits par Listeria spp, et notamment L. monocytogenes.

La méthode de typage employée dans tous les cas consis­te en une macrorestriction enzymatique de l’ADN bactérien, suivie d’une électrophorèse en champ pulsé (pulse field gel electrophoresis, PFGE) et de la séparation des fragments d’ADN génomique sur un gel d’agarose, lesquels sont finalement colorés par du GelRed(r) et numérisés sous une lumière ultraviolette. L’appartenance à un même cluster répond à un critère de 80 % de similarités entre deux profils.

Vers une adaptation des souches à la filière œuf ?

Dans la collection d’isolats réalisée au sein des élevages de poules pondeuses (première collection de 169 isolats), 38 pulsotypes de L. monocytogenes sont mis en évidence, signe d’une indéniable diversité génétique. 21 d’entre eux ne sont cependant retrouvés que dans un unique échantillon de fiente. Six sont isolés dans plusieurs échantillons au sein d’un seul élevage. Les onze derniers sont retrouvés dans des isolats en provenance de différents élevages. La diversité génétique mise en lumière dans les élevages est également repérée dans les casseries. Ainsi, tandis que 21 pulsotypes différents sont mis en évidence dans le projet Microvop, 46 le sont via l’étude Listovop.

Le fait marquant de ces travaux est la proximité, voire la similitude, entre les pulsotypes isolés dans les élevages et au sein des différents sites industriels. Il en est ainsi, par exemple, pour la souche AC35, retrouvée dans quatre élevages distincts de poules pondeuses, et qui présente un pulsotype identique à la souche A09-C10, isolée à partir de l’environnement des casseries.

L’implication des œufs en coquille dans la contamination des casseries en aval et des ovoproduits est donc probable. Face à ce degré de proximité entre toutes les souches identifiées dans ces travaux, l’hypothèse de souches de L. monocytogenes plus adaptées à la filière œuf s’esquisse.

  • 1 M. Chemaly et coll., 2008.

  • 2 K. Rivoal et coll., 2010 et 2011.

  • 3 M. Protais et coll. 2007, K. Rivoal et coll. 2010.

  • 4 K. Rivoal et coll., 2011.

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