Ces vétérinaires avec une activité saisonnière et rentable - La Semaine Vétérinaire n° 1546 du 28/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1546 du 28/06/2013

Dossier

Auteur(s) : Françoise Sigot

Disposer de ressources humaines, de locaux et de stocks suffisants pour faire face à la croissance de l’activité – en hausse d’environ 30 % l’été – est l’un des défis des vétérinaires dont la charge de travail fluctue en fonction des saisons. La majorité d’entre eux estiment avoir des revenus irréguliers, mais identiques à la moyenne de la profession. Leur recette : une organisation et une gestion de trésorerie adaptées, et l’innovation, pour être rentable toute l’année. Témoignages de quatre praticiens en Corse, en Gironde, en Savoie et dans le Var.

Ils ont choisi d’exercer en bord de mer ou au pied des sommets. Tous ont un point commun : une activité vétérinaire en dents de scie entre l’été et l’hiver, qui les oblige à s’organiser différemment par rapport à la plupart de leurs confrères, et à innover le cas échéant (voir article en page 30). Villes du littoral ou stations de ski, elles multiplient leur population par deux ou par trois lors des périodes de vacances. La conséquence est donc implacable pour les praticiens installés à proximité des plages ou des pics enneigés : la clientèle afflue durant une période très courte.

En bord de mer, la majorité des vétérinaires notent une progression de leur activité d’environ 30 % en période estivale. C’est le moment de l’année le plus chargé, les variations peuvent même être bien plus importantes. Les quatre semaines qui séparent le 14 juillet du 15 août sont synonymes d’activité intensive.

Ce pic de travail se retrouve aussi paradoxalement en montagne, où les vétérinaires sont plus sollicités par les vacanciers l’été que l’hiver. « En général, les skieurs ne viennent pas en vacances avec leur animal, ce qui n’est pas le cas en été », observe le praticien Thomas Colson, installé à Chamonix. Souvent exigeants et peu patients, ces clients obligent donc les vétérinaires des mers et des montagnes à adopter une organisation leur permettant de répondre à ces demandes en temps voulu et, à l’inverse, de gérer leur structure sur l’ensemble de l’année. Un numéro d’équilibriste qui passe d’abord par la sagesse. Autrement dit, rares sont ceux qui exercent en bord de mer et qui s’autorisent des vacances en juillet et août. Bien que moins rythmés par les périodes touristiques, les “montagnards” font aussi en sorte de limiter leurs absences en haute saison.

POUVOIR ASSURER LA CHARGE DE TRAVAIL

La recette est simple, les associés restent sur le pont pour assurer au maximum la charge de travail. « En règle générale, je quitte la clinique vers 19 h, mais en juillet et août, il faut accepter de par­tir bien plus tard », remarque Bernard Alcouffe, vétérinaire installé dans le centre-ville d’Arcachon. « En printemps-été, nous travaillons à temps plein, mais les quatre semaines entre mi-juillet et mi-août sont vraiment très intensives », confirme l’un des associés de la clinique vétérinaire des Plages, à Saint-Tropez. « Le reste de l’année, notre travail est réduit à la portion congrue. Il représente pratiquement un mi-temps. Nous ne prenons donc pas de congés l’été. Nous avons également un accord avec nos ASV qui ne prennent pas de vacances de juin à septembre. En nous organisant ainsi, nous parvenons à assurer en interne le surcroît de travail », poursuit le praticien dont l’activité varie du simple au double entre le mois le plus creux, en général novembre, et août. « Nos auxiliaires acceptent de faire un peu plus d’heures en été, les quatre vétérinaires de la clinique ne prennent pas de vacances à cette période et nous avons souvent un stagiaire qui nous aide. Le but est d’éviter de multiplier les heures supplémentaires pour nos ASV », explique pour sa part Christophe Deleani, praticien basé à Sartène, en Corse-du-Sud. Il y a deux avantages à cette organisation : d’abord limiter les coûts, ensuite déjouer le casse-tête du recrutement. Car contrairement à ce que beaucoup pensent, les destinations touristiques ne sont pas les plus prisées par les remplaçants. En effet, se loger à un prix abordable relève d’une mission impossible (voir article en page 29). Au contraire, le travail est souvent plus compliqué et plus intensif, puisque de nombreuses interventions se font en urgence. Reste que pour être efficace et légale, cette organisation doit être anticipée. « Il faut négocier un accord avec son équipe et ne pas hésiter à l’écrire afin d’éviter de subir les promesses non tenues et d’avoir des problèmes si, finalement, certains refusent de ne pas prendre de congés durant les périodes de pic d’activité », conseille Axelle Trochu, expert-comptable à Gujan-Mestras, en Gironde.

BIEN PARAMÉTRER SON OUTIL DE TRAVAIL

Travailler de façon non homogène demande aussi beaucoup de doigté pour gérer les charges fixes. « Le point noir de ce type d’activité, ce sont les coûts liés aux bâtiments », insiste Thierry Habran, fondateur et dirigeant de Vetentreprise, spécialiste du conseil en management et développement des entreprises vétérinaires. Le bon paramétrage du lieu de travail est difficile à appréhender, comme les ressources humaines. « Le risque est de disposer d’une clinique au sein de laquelle on ne sait pas où mettre les animaux pendant trois mois et d’avoir, le reste du temps, des locaux bien trop vastes. Mais en voyant relativement grand, le risque est surtout d’avoir une clinique qui ne sera rentable que quelques mois de l’année. Il convient donc de rester vigilant sur ce point, car les charges fixes sont proportionnelles à la taille de la clinique », prévient le spécialiste du conseil. D’autant que dans les endroits touristiques, le prix du mètre carré est souvent prohibitif. La solution est de faire au plus juste et, en cas d’affluence, de “jongler” avec les clients habituels qui, sauf urgence, comprendront plus facilement que les touristes qu’on leur décale un rendez-vous. Autre pratique des vétérinaires dits “saisonniers”1 : ne travailler que sur rendez-vous. Cela permet de mieux lisser l’activité. Et, phénomène fréquent en saison, opter pour les consultations à domicile. Enfin, lorsqu’il convient de décider de la surface de la clinique, il ne faut pas oublier de prendre en compte la gestion des stocks. Ces derniers aussi sont soumis à de fortes variations saisonnières.

UNE GESTION DE LA TRÉSORERIE SUR L’ANNÉE

Disposer de suffisamment de place et de personnel pour faire face à la croissance de l’activité est l’un des défis à relever pour les vétérinaires dont la charge de travail fluctue en fonction des saisons. Mais, pour la plupart d’entre eux, le défi majeur est de parvenir à disposer de ressources financières non pas en temps de forte activité, mais sur l’ensemble de l’année. Une fois encore, l’anticipation est de mise, dès l’installation. « Pour débuter une activité soumise à des variations saisonnières, l’idéal est de la créer ou de la reprendre juste avant les périodes de forte affluence. L’objectif est de se constituer une trésorerie confortable. De même, le business plan de la clinique doit être construit en intégrant ces périodes difficiles de rentrées d’argent. Enfin, lorsque l’on débute, une partie de l’apport du ou des associés doit être consacrée au fonds de roulement », explique l’expert-comptable. Ainsi, il sera possible de faire face aux charges fixes et à celles du personnel tout au long de l’année.

Dans la pratique, les constats sont plus contrastés. « En février, notre trésorerie est souvent moribonde, heureusement que nous avons une activité rurale en marge de la canine, sinon, il y aurait des années difficiles », reconnaît Christophe Deleani, installé à Sartène. Pour arriver à équilibrer les bons et les mauvais mois, certains associés acceptent de se verser un salaire plus important quand le travail abonde. D’autres misent sur la négociation avec leur banquier. Un point à ne pas négliger. « Espérer gagner de grosses sommes d’argent en plaçant les excédents de trésorerie des bons mois est illusoire, car les taux d’intérêts sont bas. Mais il faut tout de même se rapprocher des banques pour tenter de faire rapporter l’argent disponible. Il existe des comptes de placement adaptés à cette situation, il ne faut pas hésiter à s’en servir et à solliciter les banques qui ne les proposent pas toujours à leurs clients », suggère Axelle Trochu, qui met aussi en avant un aspect plus anodin, mais néanmoins utile. « À défaut de faire rapporter sa trésorerie, ouvrir un compte sur lequel on s’astreint chaque mois à verser les montants correspondants aux charges fixes permet de ne pas être pris au dépourvu et, surtout, de ne pas être tenté de dépenser cet argent qui ne sommeillera qu’un temps, certains se laissant aller à investir dans des achats non décisifs. » Gérer la trésorerie d’une clinique à l’activité saisonnière oblige à la prudence. D’autant qu’une mauvaise saison peut avoir des répercussions sur une longue période.

STOCKER AU PLUS JUSTE

Comme la trésorerie, les stocks doivent aussi être gérés au plus juste pour limiter l’immobilisation d’argent les mois où l’activité chute. « Le mieux est d’agir le plus possible à flux tendu, d’où la nécessité de prendre du recul, sous peine de ne pas pouvoir répondre à la demande. Aboutir à une telle hypothèse serait catastrophique, car les clients de passage doivent être satisfaits sur le champ », note l’expert-comptable. L’autre point important pour assurer une bonne gestion des stocks est de négocier ses paiements, si possible un peu plus étalés dans le temps, en tenant compte des périodes de rendements plus faibles. « Nous ne stockons pratiquement pas en hiver, en revanche, beaucoup en été. Nous anticipons donc dès le printemps », indique-t-on à la clinique des Plages. À Sartène, on mise aussi sur l’anticipation pour parvenir à disposer des produits nécessaires en été, en passant des commandes dès le début de l’année. « Le problème majeur de l’activité cyclique réside dans les décalages entre le paiement et les ventes. Bien souvent, les commandes doivent être payées avant d’avoir été vendues, donc sur des mois où les rentrées d’argent sont faibles. C’est la raison pour laquelle il faut tenter de les lisser sur une période plus en amont de la saison », ajoute l’expert-comptable de Gironde. Cette pratique se répand de plus en plus, d’autant que la plupart des laboratoires consentent désormais à prendre l’activité erratique en compte. Enfin, force est de constater que les remises tombent souvent à pic pour renflouer la trésorerie et pouvoir reconstituer son stock.

Travailler au gré des saisons et de l’activité touristique comporte donc des spécificités avec lesquelles il faut compter et souvent jongler. Pour autant, même si les contraintes sont un peu plus nombreuses qu’en exerçant plus classiquement, les vétérinaires “saisonniers”1 acceptent leur sort bien volontiers. En majorité, ils estiment avoir des revenus certes irréguliers, mais au final identiques à la moyenne de la profession. Nichés en bord de mer ou juchés sur les cimes, ils disposent d’un cadre de vie et d’exercice privilégié. Autant dire que bien peu échangeraient leur place.

  • 1 Terme utilisé au sens large, et non tel qu’il est défini dans le Code du travail.

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