En ordre(s) de marche dans un monde en évolution - La Semaine Vétérinaire n° 1544 du 14/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1544 du 14/06/2013

Institutions ordinales

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Auteur(s) : Marine Neveux

« Servir le public au XXIe siècle : les institutions ordinales plus utiles que jamais », tel était le thème de la journée organisée par le Comité de liaison des institutions ordinales (Clio) à Bercy, le 5 juin dernier.

Il nous a paru important de rappeler la nécessité des institutions ordinales dans ce monde en crise, a déclaré en ouverture Isabelle Adenot, présidente du Clio et du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Il faut des repères stables et des Ordres capables de s’adapter aux évolutions, c’est là notre double défi. » Le décor est planté. Les Ordres sont venus groupés à cette journée pour réaffirmer leurs spécificités. Une journée où les objectifs ont fait (trop ?) consensus. Néanmoins, les approches ont été variées, et plusieurs interventions sont sorties du cercle de famille ordinal. Claire Favre, vice-présidente de l’Autorité de la concurrence, a ainsi chahuté (avec mesure) l’auditoire, en abordant les affaires qui ont touché différents Ordres professionnels.

Pourquoi une régulation professionnelle ?

« La question de la justification des Ordres doit être reposée de façon exigeante, a lancé le sociologue Florent Champy, directeur de recherches au CNRS. La notion de professions à pratique prudentielle me paraît ouvrir une piste. Ces institutions ont alors pour fonction sociale de prévenir les risques, vis-à-vis du client et de la collectivité. »

Et Arnaud Robinet, député de la Marne, d’ajouter : « Dans une société de défiance, l’assurance d’un équilibre, apporté par les Ordres, est primordiale. Ils ont un rôle majeur, car l’État ne peut pas tout régenter. Dans une démocratie, on ne peut pas envisager que l’État soit à la fois organisateur et garant. Nous sommes favorables à une régulation par le privé dans laquelle les professionnels se prennent directement en charge. »

Diplôme, éthique et conscience professionnelle

« De même qu’un diplôme est exigé pour travailler, il y a une exigence d’éthique, de conscience professionnelle, l’obligation pour les professionnels de respecter un Code de déontologie, a développé notre confrère Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires. Car l’usager est dans la situation de faire confiance, il est dans une position de déséquilibre, de différentiel de connaissances. »

« Les crises sanitaires ont éveillé l’attention des médias et des politiques, et les vétérinaires y ont joué un rôle fondamental », a poursuivi Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Notre confrère a mis en exergue les responsabilités de notre secteur professionnel : « Cette profession a rencontré l’intérêt des décideurs. En tant qu’OIE, nous avons proposé des solutions pour répondre à ces crises, en créant l’obligation du mécanisme de détection précoce. Les systèmes de surveillance reposent sur un maillage territorial. » Sur quoi l’État doit-il s’appuyer pour que la profession vétérinaire privée, qui joue un rôle essentiel, précoce, réponde à des critères d’efficacité, d’éthique, de qualité ? « Il est apparu que seul l’Ordre pouvait assurer cette mission, et nous avons vendu ce principe à tous les pays », a précisé Bernard Vallat, non sans souligner les difficultés rencontrées par ceux qui n’ont rien pour créer un Ordre. Cela donne parfois lieu à des amalgames dangereux avec les associations corporatistes. Le passage à un Ordre indépendant, créé par la loi, a ainsi pour objectif de garantir l’éthique et d’imposer des sanctions.

Le souffle européen

L’échelon européen était au cœur des échanges lors de cette journée, comme l’illustre le témoignage de Georges-Albert Dal (Conseil des barreaux européens) : « La profession d’avocat s’est rendu compte qu’elle devait être présente au sein de la création européenne. » La première étape a consisté à inspirer des directives : « Nous les avons écrites et soumises à Bruxelles, afin d’organiser la libre prestation des services : une directive “diplôme” (avec épreuve d’adaptation), une directive “établissement” (pour s’établir dans un barreau d’accueil), l’objectif étant de s’ouvrir et de créer un véritable marché commun du barreau. » Mais en contrepartie, « il fallait régler les problèmes de double déontologie. Parfois, si vous plaidez dans une autre juridiction, les règles sont différentes. Cette situation a donné lieu au code de 1988. La technique que nous avons utilisée est celle de la subsidiarité ». Et Georges-Albert Dal de conclure : « Les codes éthiques et les règles professionnelles ne sont pas des obstacles à l’économie mais, au contraire, peuvent améliorer la qualité du service. »

Un service public

« Les Ordres exécutent un service public, ce qui les éloigne juridiquement du risque de corporatisme professionnel, a indiqué Mattias Guyomar, conseiller d’État. Il y va de l’intérêt général dans leur travail quotidien. Le juge cherche le point d’équilibre entre ce qui touche la profession et les libertés individuelles, c’est-à-dire la conciliation entre les intérêts du professionnel et du particulier. Donc, ce point d’équilibre entre les intérêts collectifs et particuliers existe bel et bien. »

Un rôle sociétal

Le philosophe Stephen Bensimon a abordé le sujet sous un autre angle : « Les valeurs humaines jouent un rôle prépondérant dans vos métiers. » Pourquoi des autorités indépendantes ? « Parce qu’il y a des valeurs qu’on ne peut pas laisser aux mains de l’État, ni à celles du marché. » Certes les Ordres sont conservateurs, « mais c’est un point fort, car nous avons besoin plus que jamais de repères dans un monde mouvant. Plus cette société sera libérée, atomisée, plus il faudra des instances qui offrent une sécurité, une liberté, une confiance ».

Les consommateurs sont souvent partagés sur les institutions ordinales. « Ils ne savent pas assez ce que font vos Ordres et leur intérêt pour eux. Il faut une volonté de communication », a expliqué David Rodrigues, responsable juridique de l’association Consommation, logement et cadre de vie. De même, combattre l’exercice illégal, « il y va de l’intérêt du consommateur. Vous devez apporter votre soutien à cette prérogative des pouvoirs publics ».

Pour Christiane Féral-Schuhl, bâtonnier du barreau de Paris, « il convient avant tout de défendre le justiciable, face au far-west qu’est devenu le monde de l’Internet. Via un numéro surtaxé, l’usager peut bénéficier de plein de choses, mais cela ne donne pas toujours accès à un avocat ! Ce constat est conforté par les plaintes que je reçois des victimes ».

La réponse aux défaillances de marché

Pour Marie-Anne Frison-Roche, professeur à Sciences Po, « les Ordres sont une solution moderne aux défaillances de marché ». Sont-ils compatibles avec des systèmes concurrentiels et de contrôle ? « Est-ce que votre Ordre fonctionne moins bien parce qu’il existe une Autorité de la concurrence et une Commission européenne Est-ce que l’avenir, ce n’est pas l’Europe rebondit-elle. Pour ma part, je préfère la régulation à la concurrence. Je suis convaincue que le niveau géographique pertinent, c’est l’Europe, ce sont des Ordres qui se rassemblent au niveau européen. Le risque pour les autorités ordinales, ce n’est pas d’être conservatrices, mais de penser que l’horizon est national, alors qu’il est européen. » Aujourd’hui, « nous avons d’autres problèmes, car certains pays, par exemple de l’Est, ou encore la Chine et les États-Unis, n’ont pas les mêmes valeurs déontologiques, économiques, etc. Donc, il existe une autre voie et elle est européenne, c’est à ce niveau que les Ordres doivent parler ! ».

Perception des Ordres par le grand public

L’objectif de l’enquête menée en mai 2013 auprès des Français était de comprendre la représentation qu’ils se font des Ordres.

Lorsqu’ils consultent un professionnel spécialisé, nos concitoyens s’attachent en priorité au professionnalisme (85 %) et au coût (80 %). Ensuite, dans une seconde perspective, 76 % recherchent la droiture et l’intégrité, 73 % attendent le respect du secret professionnel ou celui des règles morales et éthiques.

« Aujourd’hui, 86 % des Français ont plutôt le sentiment qu’ils sont bien protégés lorsqu’ils consultent un professionnel », détaille Bruno Jeanbart, de l’institut de sondages Opinion way.

74 % savent qu’il existe des professions réglementées, mais seuls 66 % ont déjà entendu parler des Ordres, surtout perçus comme des instances de surveillance, de contrôle professionnel, qui définissent des règles, des chartes, etc. 54 % ont alors une image positive de ces Ordres qui « offrent la garantie de trouver un professionnel sérieux », 20 % en ont une mauvaise opinion et 25 % n’ont pas d’avis.

« Nous avons creusé cette image globale et demandé quels qualificatifs s’appliquaient. » Certains termes choisis sont positifs, comme la droiture (70 %) ou la défense de l’intérêt général (63 %), d’autres plus critiques, évoquant

le corporatisme (77 %) et le conservatisme (77 %).

« Au final, nous avons interrogé les Français sur le bien-fondé d’intégrer les consommateurs aux institutions ordinales : cette idée est prioritaire pour 34 % d’entre eux, importante mais pas prioritaire pour 57 %, ce qui révèle un intérêt pour ce genre d’actions. »

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