Lymphome chez une perruche calopsitte - La Semaine Vétérinaire n° 1543 du 07/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1543 du 07/06/2013

Formation

NAC

Auteur(s) : AURORE ROSSFELDER*, LIONEL SCHILLIGER**

Fonctions :
*diplomate ECZM (herpetology), praticiens à Paris.
**diplomate ECZM (herpetology), praticiens à Paris.

CAS CLINIQUE

Une perruche calopsitte élégante (Nymphicus hollandicus) femelle, âgée de cinq ans, est présentée en urgence pour des difficultés respiratoires évoluant depuis une semaine. Quatre mois auparavant, elle avait été vue pour des difficultés ambulatoires, dues à une arthrite septique des tarses secondaire à des mutilations infligées par un congénère au niveau de la bague, qui ont rétrocédé avec le retrait de cette dernière et un traitement antibiotique et anti-inflammatoire (méloxicam et enrofloxacine per os pendant dix jours).

La perruche vit dans une cage avec un mâle, dans un espace trop restreint pour permettre le vol et un partage équilibré du territoire.

Examen clinique

À distance

Avant de commencer l’examen, l’oiseau est placé dans une cage à oxygène. Une légère difficulté respiratoire est notée, avec des mouvements de queue, peu amples, qui se superposent à la courbe respiratoire. La fréquence respiratoire est diminuée. Les ailes sont portées légèrement décollées du corps. Il n’y a ni bruit audible, ni respiration avec le bec ouvert, ni jetage. L’oiseau est alerte, se déplace, boit et se nourrit normalement. Les fientes ne présentent pas d’anomalie visible.

Rapproché

Une palpation rapide et une observation plus rapprochée sont effectuées en même temps que les examens complémentaires, afin de limiter le stress. L’animal est maigre (note d’état corporel de 2 sur 5, objectivée par la palpation des muscles pectoraux). En soufflant du bas vers le haut, les plumes sont écartées pour visualiser l’abdomen, qui ne présente pas d’anomalie. Les muqueuses sont roses, le cloaque non souillé et les productions cornées normales.

L’examen clinique montre ainsi une dyspnée provenant de l’appareil respiratoire profond (bronchopulmonaire).

Examens complémentaires et diagnostic

L’examen radiographique révèle la présence d’une masse multilobée à l’opacité tissulaire qui envahit la quasi-totalité de l’espace thoracique gauche, correspondant au poumon et aux sacs aériens gauches. Le diagnostic différentiel inclut un granulome aspergillaire, un abcès ou un granulome inflammatoire, une néoplasie pulmonaire secondaire ou primitive.

Traitement

L’oiseau est placé dans une cage à oxygène en permanence, et les manipulations sont réduites au minimum. Un traitement à base de méloxicam (0,2 mg/kg, per os), d’enrofloxacine (0,2 mg/kg, per os) et d’itraconazole (5 mg/kg, per os) est administré une fois par jour. La perruche meurt quatre jours plus tard.

Examen nécropsique

L’autopsie est effectuée en accord avec le propriétaire. À l’ouverture de la cavité cœlomique, rien d’anormal n’apparaît, à l’exception d’une masse qui occupe toute la partie gauche de la cavité thoracique. Elle est de couleur jaunâtre, de forme irrégulière, molle, friable, et refoule le cœur légèrement vers la droite dans le thorax. Aucun élément de tissu pulmonaire n’est reconnaissable. Les sacs aériens gauches sont totalement envahis par la masse. Le thymus n’est pas identifiable. Les autres organes présentent un aspect normal.

Histologie

L’examen histologique met en évidence une prolifération de cellules rondes tumorales qui constituent l’essentiel de la masse observée. L’aspect des cellules oriente vers un lymphome d’origine thymique ou pulmonaire.

DISCUSSION

Examen d’un oiseau dyspnéique

L’examen à distance est primordial en médecine aviaire. Il permet, en même temps que l’observation de l’oiseau sans stress, de récolter l’anamnèse et les commémoratifs. Quant à l’examen rapproché, il est à proscrire chez un oiseau dyspnéique non stabilisé. En essayant de se débattre pendant la contention, l’animal risque de mourir d’un arrêt cardiorespiratoire.

La radiographie est l’examen complémentaire de choix lors d’insuffisance respiratoire. Elle est à pratiquer sous anesthésie gazeuse “flash” lorsque l’oiseau n’est pas habitué à être manipulé et si son état le permet. En effet, si l’état général de l’oiseau est altéré, il revient alors au praticien d’évaluer le rapport bénéfice/risque de cet acte. Lorsque l’oiseau peut être anesthésié sans risque, une endoscopie peut également être proposée (le coût est à prendre en compte).

Dans notre cas, une prise de sang aurait été nécessaire pour effectuer des frottis sanguins et un hémogramme, mais cet acte n’a pas été entrepris en raison du risque encouru pendant la contention.

Cancérologie des oiseaux

Les tumeurs sont relativement fréquentes chez les oiseaux. La plupart des cas rapportés concernent des néoplasmes cutanés, car le plumage et le tégument retiennent généralement toute l’attention des propriétaires de ces oiseaux d’ornement. De ce fait, ces tumeurs sont dépistées plus précocement que celles en profondeur.

Parmi les néoplasies observées chez les oiseaux, les lymphomes sont souvent décrits. Ils sont soit spontanés, soit viro-induits, notamment chez les volailles (maladie de Marek, leucose aviaire). Aucune preuve d’origine virale n’est rapportée à ce jour chez les perruches calopsittes. Le pronostic est généralement sombre en raison de la rapidité d’évolution de la maladie et d’un diagnostic souvent tardif. De plus, la chimiothérapie est encore loin d’être maîtrisée chez les psittacidés (coût élevé et traitement stressant délétère). Les lymphomes d’origine thymique ont été étudiés chez les perruches ondulée et calopsitte, chez l’agapornis et le padda : ils étaient, au vu de la proximité des structures, à l’origine des masses tumorales pulmonaires observées. Cependant, chez la perruche calopsitte, les lymphomes pulmonaires ne sont généralement pas imputables à une atteinte primitivement thymique, thyroïdienne ou parathyroïdienne (cellules cancéreuses d’origine épithéliale, ne réagissant pas avec les anticorps antithyroglobuline, ni avec ceux d’autres structures proches comme les parathyroïdes ; faible nombre de lymphocytes LT- CD3 résiduels retrouvés au sein de la plupart de ce type de lymphomes). De plus, des corps d’inclusions intracytoplasmiques sont observés dans les cellules tumorales, faisant fortement suspecter une origine virale de ces néoplasies chez Nymphicus hollandicus.

Les données concernant la chimiothérapie sont peu nombreuses chez les psittacidés. Les protocoles et leur efficacité, ainsi que la durée de survie des oiseaux traités, restent empiriques. Une étude pharmacocinétique1 a concerné l’utilisation du carboplatine chez six cacatoès en bonne santé, à la dose de 5 mg/kg en perfusions intraveineuse et intra-osseuse. Quelques essais de chimiothérapie sont rapportés, avec plus ou moins de succès sur certains types de cancers2, notamment avec le recours, pour la première fois, à l’association prednisone-chlorambucil chez un ara chloroptère de 32 ans atteint de leucémie3. Une chimiothérapie a également été tentée sur un oiseau de l’espèce dont il est question ici (Nymphicus hollandicus) à la suite d’un diagnostic d’adénocarcinome du pancréas exocrine : l’animal a reçu du célécoxib (inhibiteur Cox-2 sélectif). Les effets secondaires étaient peu importants, mais l’effet sur l’évolution de la tumeur n’a pas été précisément évalué. L’oiseau est mort quatre mois et demi plus tard.

  • 1 L.J. Filippich et coll. Carboplatine pharmacokinetics following a single-dose infusion in sulphurcrested cockotoos (Cacatua galerita). Aust. Vet. J. 82(6): 366-9, 2004.

  • 2 A.L. Guthrie et coll. Radiation therapy of a malignant melanoma in a thick-billed parrot (Rhynchopsitta pachyrhyncha). J. Avian Med. Surg. 24(4) : 299-307. 2010.

  • 3 E.E. Hammond et coll. Long-term treatment of chronic lymphocytic leukemia in a green-winged macaw (Ara chloroptera). J. Avian Med. Surg. 24(4): 330-8, 2010.

    Retrouvez la bibliographie de cet article sur WK-Vet.fr : http://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_4201

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