La prévention sous tous ses aspects - La Semaine Vétérinaire n° 1543 du 07/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1543 du 07/06/2013

Dossier

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Le thème des journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV) était, cette année à Nantes, particulièrement vaste et destiné à favoriser une attitude proactive chez les confrères. En voici une courte synthèse1.

La prévention s’inscrit dans une logique d’amélioration, qu’il s’agisse des performances, du bien-être, de la santé, avec à la clé un gain financier. Les outils disponibles sont nombreux et interviennent dans plusieurs domaines, qui ne se limitent pas à la vaccination ou à la prophylaxie. En ces temps de résistances, l’antibioprévention est certes à proscrire, mais même la métaphylaxie est controversée. La détermination de seuils à partir desquels traiter tout un lot d’animaux est délicate, et le traitement individuel, surtout s’il est précoce, demeure la meilleure solution. La question de la disponibilité de l’éleveur, et celle du coût/bénéfice, sont des facteurs à prendre en compte. Les paramètres de santé tiennent une place importante dans les indicateurs de sélection des reproducteurs, et la résistance génétique à certaines maladies est parfois recherchée (notamment pour la tremblante du mouton).

Le calcul des rations joue également un rôle préventif. L’addition de minéraux, de vitamines ou d’oligo-éléments, reconnus ou suspectés d’être dotés d’un intérêt particulier, peut être proposée. Ces éléments ont d’ailleurs parfois une double casquette, à la fois utilisés en tant que composants normaux dans l’alimentation, mais aussi comme médicaments lors de carence ou de déséquilibre.

Le bâtiment représente un facteur de risque. En modifier l’agencement afin de disposer d’une infirmerie pour les animaux malades, intervenir sur la circulation d’air et assurer le confort des jeunes sont autant d’actions aussi importantes que les gestes d’hygiène, les pratiques sanitaires et les soins médicaux.

La prévention est souvent évoquée, mais son application pratique, ainsi que son acceptation, demeurent épineuses. La perception du résultat peut constituer un écueil. Les éleveurs ont pour habitude de faire appel au praticien pour régler un trouble de santé. Ils agissent dans le présent, face à une situation tangible (par exemple, une mammite chez une vache, une diarrhée chez des veaux). De son côté, le vétérinaire soigne l’animal, avec des résultats plus ou moins immédiats, mais généralement visibles ou quantifiables. Passer dans la dimension de la prévention, autant pour l’un que pour l’autre, revient à se projeter dans le futur, certes à partir d’actions inscrites dans le présent, mais fondées sur la probabilité d’apparition ou de disparition d’une maladie, et dont les conséquences sont différées, moins tangibles et plus difficiles à quantifier.

Le mélange de ces deux activités distinctes, avec d’une part les soins (les actes médicaux, la gestion des urgences et des résultats à court terme) et d’autre part les conseils (approche analytique, résultats à long terme) qui demandent une prestation prédéfinie (durée, prix) formalisée par un document écrit par les éleveurs et les vétérinaires, serait à l’origine des difficultés observées actuellement dans les relations entre les praticiens et leurs clients.

PRÉVENIR POUR GAGNER PLUS

Il existe des méthodes d’évaluation des pertes et des coûts, mais aussi des logiciels, notamment pour les mammites ou les boiteries, qui fournissent des estimations chiffrées des déficits ou du manque à gagner, et les comptes d’exploitation donnent des indicateurs de la (bonne) santé d’un élevage. Ces outils sont utiles pour expliquer l’intérêt des actions proposées, car la prévention doit s’envisager par rapport au coût de la maladie chez un nombre équivalent d’animaux. Mais chiffrer les bénéfices apportés par un changement d’attitude de l’éleveur (par exemple, se désinfecter les mains entre la traite et les soins aux nouveau-nés, vacciner les vaches avant la mise bas pour limiter les diarrhées chez les veaux) ou une augmentation de la biosécurité dans l’élevage (réduire l’accès aux visiteurs non munis de bottes propres, empêcher la divagation des chiens, modifier les habitudes d’hygiène ou de désinfection) apparaît plus difficile. La stratégie de l’exploitant doit être connue et prise en compte dans le choix et la hiérarchie des mesures de prévention proposées. Ainsi, un objectif de réduction du coût de renouvellement peut s’envisager soit en diminuant le prix de revient des génisses ou le prix d’achat de nouvelles vaches laitières, soit en augmentant la valeur des animaux réformés. Parfois, le praticien est confronté à des échecs, réels ou apparents, des actions préventives engagées. Inadéquation entre les traitements préventifs et les agents pathogènes ou parasitaires présents dans l’élevage, défaut d’efficacité, effets indésirables sont autant de raisons qui peuvent émousser la confiance de l’éleveur et qui imposent une gestion empathique de la situation, et surtout de la présence et du dialogue.

L’EXEMPLE DES PRODUCTIONS HORS SOL À MÉDITER

Il fallait l’oser, la comparaison entre l’élevage d’une poulette et celui d’une génisse. Et pourtant, la situation n’est pas si éloignée. Après tout, dans les deux cas, il s’agit de produire un animal adulte sain, capable de résister à une vie de production.

Toutefois, si la philosophie de départ est la même, la pratique montre des différences marquées. Les productions avicoles et cunicole – qu’elles soient baptisées “intégrées”, “intensives”, “industrielles” ou d’autres noms d’oiseaux – ont pour elles une conception de la prévention et, d’une manière plus large, de la biosécurité beaucoup plus efficace et organisée que du côté des ruminants, rendue nécessaire par des effectifs et une densité importants. Des plans de vaccination et de déparasitage, destinés à fournir une protection contre les principaux agents pathogènes pour les poules ou pour l’homme, sont appliqués. L’objectif est que, pendant la période de ponte, l’animal n’ait plus besoin de traitement et ne puisse pas transmettre d’agents pathogènes via les œufs. Des audits d’élevage et des contrôles sur les animaux, l’environnement et les produits sont pratiqués afin de vérifier que tout est effectué dans les règles. Les conditions d’élevage sont contrôlées, à l’aide d’une régulation électronique de la température, de l’hygrométrie, de la luminosité. La prophylaxie représente 1/7e du prix d’une poulette. En productions hors sol, la biosécurité est plus poussée qu’en élevage de ruminants. N’entre pas dans un élevage de poules ou de cochons qui veut. Il faut montrer pattes (ou bottes) blanches. Des sas permettent aux intervenants de changer de vêtements, afin de laisser les agents pathogènes externes à l’extérieur, et inversement.

LA BIOSÉCURITÉ, MAIS QU’EST-CE DONC ?

L’application de la biosécurité à l’élevage détermine une règle opérationnelle en cinq points :

> la bioexclusion prévient l’introduction de l’agent pathogène dans l’élevage ;

> la biocompartimentation l’empêche de se disséminer au sein de l’exploitation ;

> le bioconfinement bloque sa sortie ;

> la bioprévention fait qu’il n’affecte pas l’homme ;

> la biopréservation protège l’environnement.

Il s’agit, pour les intervenants, les exploitants et les visiteurs, d’adopter des comportements et de mettre en place des actions visant à réduire les risques pour les animaux d’élevage, la faune sauvage, l’environnement et l’homme. Certaines mesures entrent parfois en conflit avec le bien-être animal et la conduite d’élevage, par exemple l’isolement d’un animal malade ou d’une femelle gestante. D’autres sont en opposition avec la liberté observée dans les campagnes, où les exploitations ne vivent pas en vase clos.

Tout en tenant compte des particularités de management propres à chaque élevage, des mesures de biosécurité peuvent être envisagées, dont le rôle préventif est indiscutable : locaux de quarantaine, infirmerie, box de vêlage, bottes et matériel spécifiques aux zones à risque. Là aussi, l’exemple vient des productions hors sol (voir schéma). Les zones à risque élevé comprennent le local de mise bas et l’infirmerie pour les animaux malades, de préférence placée à l’écart des nouveau-nés. Il convient de proscrire les usages mixtes (box qui sert pour les vêlages et les animaux malades ou nouvellement introduits, partage de matériel entre les différentes zones).

Une méthodologie est proposée :

> identifier les intervenants et leur circulation au sein de l’exploitation ;

> déterminer des secteurs dans l’élevage selon les risques : les zones “tout venant” (arrivée des intrants, du matériel, des aliments, des visiteurs) avec une circulation étudiée pour préserver le reste de l’exploitation, les zones à l’accès contrôlé, celles à l’accès restreint, avec le respect de règles sanitaires définies pour chacune ;

> prévoir des espaces de transition, qui permettent le passage entre les différentes zones, avec éventuellement des sas, des lieux où il est possible de changer de vêtement, de bottes ou d’effectuer un nettoyage-désinfection ;

> cibler les zones “réservoir”, ces endroits dont l’entretien est parfois négligé, comme les toilettes ou les débarras, voire les bureaux, propices aux passages et qui constituent des réservoirs d’agents pathogènes ;

> s’assurer de la bonne compréhension des règles par les intervenants : former et informer les exploitants, et prévoir des moyens de contrôle, des audits.

LA QUARANTAINE, UN OUTIL À DÉVELOPPER

Pour les ruminants, un soin particulier est à apporter au moment du vêlage. Le recours à un box dédié et correctement entretenu, de préférence éloigné de la salle de traite, est fortement conseillé. Les soins au nouveau-né, dont le contrôle de la prise de colostrum, sont les premières mesures de précaution à appliquer pour obtenir un futur adulte en bonne santé. Le colostrum transmet l’immunité maternelle, mais il assure aussi une bonne hydratation et un apport en protéines, en énergie, etc. : son rôle préventif dépasse largement le cadre immunitaire, car il assure un bon départ dans la vie du nouveau-né.

L’accent peut aussi être mis sur les précautions à prendre lors de l’introduction d’animaux. La recherche des maladies infectieuses réglementées est effectuée selon la réglementation, mais les affections d’élevage ne sont pas systématiquement recherchées. Or, elles doivent l’être en tenant compte du statut de l’élevage acheteur autant que de celui du vendeur. L’utilisation d’un local de quarantaine situé de telle façon qu’il protège le reste de l’exploitation de l’arrivée d’un germe pathogène, avec du matériel et des vêtements de travail réservés, n’est pas encore la norme. Selon une enquête menée en Belgique et en France auprès de 153 confrères, un tel local est absent chez tous les clients d’une quarantaine d’entre eux, et autant de praticiens ne constatent son existence que chez moins de 5 % de leur clientèle, sans distinction entre éleveurs laitiers et allaitants.

Ensuite, l’important est de bien définir avec l’exploitant les objectifs d’une stratégie fondée sur la prévention, et de prendre le temps d’en expliquer les avantages, les inconvénients et les limites, afin de remporter son adhésion, sans oublier de prévoir un moyen de contrôle des mesures proposées (par exemple, pour la réalisation des vaccinations, vérifier le respect de la conservation, des procédures d’injection, des délais).

Le vétérinaire est le garant de la biosécurité pour ses clients. Son message peut être affaibli s’il ne respecte pas lui-même quelques règles de biosécurité et de prévention. Outre l’hygiène de ses vêtements de travail (propreté des bottes, des blouses) et de son équipement (désinfection du matériel d’obstétrique, etc.), une attention particulière est à porter au véhicule. Il est conseillé de l’organiser avec des zones propres (stockage des médicaments, matériel à usage unique ou propre et désinfecté) et d’autres sales (matériel et produits usagés, à jeter ou à nettoyer, prélèvements, etc.) afin de ne pas risquer de transporter des germes dans un élevage… ou d’en ramener.

  • 1 Et pour en savoir plus, tout est dans le proceeding !

QUELQUES DÉFINITIONS

La prévention, selon le dictionnaire Larousse, regroupe « l’ensemble des moyens mis en œuvre pour prévenir l’apparition, l’expansion ou l’aggravation de certaines maladies ». Plusieurs types sont distingués.

La prévention primaire vise à empêcher l’apparition d’une affection par des procédés spécifiques de protection (vaccination contre les maladies infectieuses) ou des mesures générales destinées à réduire les facteurs de risque (alimentation, hygiène, etc.).

La prévention secondaire cherche à dépister et à arrêter le processus pathologique aussitôt après son déclenchement. C’est dans cette phase que la précocité du diagnostic et du traitement prend tout son sens.

La prévention tertiaire intervient en fin de phase clinique afin de réduire les conséquences de la maladie.

La prévention primordiale est un niveau ajouté en médecine humaine, qui vise à empêcher l’émergence des facteurs de risque en favorisant des comportements qui occasionnent moins de troubles de santé.

LA PROBLÉMATIQUE DU PÉDILUVE

Le pédiluve est une mesure sanitaire fréquemment envisagée dans les traitements préventif et curatif des affections des pieds, ou pour la désinfection des bottes et des véhicules. Plusieurs types de produits peuvent être utilisés (désinfectants, antibiotiques) selon l’effet recherché.

Selon un pareur, présent dans l’assistance cette année, il est scandaleux de proposer des traitements antibiotiques dans les pédiluves. Leur usage est à raisonner selon l’utilité, en tenant compte des risques d’antibiorésistance sur les germes pathogènes visés, mais aussi sur les bactéries de l’environnement. Ce dernier peut être également menacé par les eaux usées, surtout si les restes de liquides du pédiluve sont jetés sans précaution.

Un pédiluve fonctionnel doit permettre un contact entre la zone à traiter ou à désinfecter et une concentration adéquate de produit, pendant une durée suffisante. Avec l’ajout des précautions d’élimination, les motifs de réflexion, avant d’y avoir recours, sont nombreux…

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