“Olivier, comme tu nous manques déjà !” - La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013

Hommage à Olivier Bron (N 89)

Entre nous

VOUS AVEZ LA PAROLE

Auteur(s) : Jean-Luc Frennet

Fonctions : vétérinaire conseil du GDS 53 (Mayenne)

Caroline, Cédric, Sébastien, je me fais le porte-parole de l’ensemble de la profession vétérinaire du département pour vous transmettre toute notre affection.

C’est ici un adieu au professionnel de l’art vétérinaire, à ce jeune confrère dynamique, motivé, convaincu, communicatif que j’avais rencontré une première fois lors d’une réunion de travail dans les années 90. Je connaissais déjà le tempérament de Loïc Guiouillier (N 86), à eux deux c’était parti pour une sacrée aventure professionnelle.

C’est aussi l’au revoir au scientifique qu’il était, toujours soucieux de persévérer, de progresser, d’expliquer…

Je n’oublie pas l’amoureux de la nature (on a évoqué par avant son travail sur les abeilles), dans le cadre de Pré-en-Pail/ Saint-Pierre-des-Nids/Boulay-les-Ifs, cette passion de naturaliste ne pouvait que décupler…

Puis un jour, c’est l’imprévu, l’impossible. Qu’il est amer, quand on est un “médical”, de se confronter à l’évidence. C’est donc ici l’hommage au battant ou au combattant (comme vous le sentez). Olivier, avec ton épouse et tes enfants, quelle leçon de courage, de volonté, d’abnégation, de dépassement de soi, de dignité enfin, face à l’adversité !

Une seule fois, dans un échange d’e-mails avec lui sur l’avenir de notre activité professionnelle et de notre travail de vétérinaire – c’est vous dire s’il regardait toujours devant ! –, il avait ajouté ce petit mot cruel : « Mon Dieu, comme tout cela me manque… »

Une autre anecdote concerne ma première visite au “moulin” : j’avais demandé à Loïc de m’accompagner, tant j’étais “intimidé”, “gêné”. Mais pas de problème : Olivier mettait “à l’aise”…

Un souvenir est tenace en moi maintenant : ce sont les 10 m que j’ai effectués ce jour-là pour retourner à ma voiture (qu’ils furent longs et chargés de sens !), en me disant qu’il faut savourer les moindres moments de la vie.

Olivier, quel bonheur de t’avoir connu et côtoyé, avec Caroline et les enfants, quel exemple pour nous tous. L’histoire s’est inversée, Olivier : mon Dieu, comme tu nous manques déjà !

“Ce que m’a appris le handicap”

texte d’Olivier Bron, tétraplégique depuis 1997 à la suite d’un accident dans une piscine

C’est grâce à lui que :

J’ai appris à demander pour tout, moi qui voulais vivre sans jamais rien demander.

J’ai appris à être lavé, nourri comme un nourrisson sans me prendre pour tel et sans perdre mon amour-propre.

J’ai appris à imaginer les choses telles que je voudrais qu’elles soient pour que ce soit moins dur de les vivre telles qu’elles étaient.

J’ai appris à apprécier ce qu’on faisait à ma place, même quand ce n’était pas fait tel que je l’aurais fait moi-même.

J’ai appris à apprécier ma seule compagnie pour les moments de solitude, quand les expériences et les épreuves étaient trop pénibles pour être partagées.

J’ai appris à me réjouir de mes douleurs quand elles se faisaient moins fortes.

J’ai appris à me réjouir du bonheur des autres, quand le mien me faisait défaut.

J’ai appris à ne pas avoir honte de mes larmes, parce que les larmes ne sont pas un signe de faiblesse, juste une marque des difficultés qu’on traverse.

J’ai appris, autant que possible, à garder le sourire aux lèvres quand j’avais des larmes dans les yeux ou dans mes pensées pour ne pas en faire des demandes impossibles à satisfaire, pour ne pas faire fuir ceux qui avaient encore le courage de rester.

J’ai appris à revivre en pensée le bonheur d’hier pour en faire le bonheur d’aujourd’hui et l’espoir de demain.

J’ai appris à me réjouir de mon quotidien, quel qu’il soit, car les difficultés ne s’excluent pas mais peuvent s’accumuler, l’aujourd’hui malheureux peut-être nous paraîtra-t-il enviable demain. Alors, n’attendez pas demain pour vous réjouir d’aujourd’hui, mais ne niez pas les difficultés d’aujourd’hui dont l’absence fera le bonheur de demain. Et soyez heureux dès maintenant !

Mais je n’ai jamais réussi à accepter de ne plus pouvoir donner tous ces témoignages d’Amour qui ne m’étaient plus accessibles, et je me suis battu pour la guérison jusqu’à mon dernier soupir pour rendre à tous ceux que j’aime et qui pouvaient encore le souhaiter, un mari, un père, un fils, un frère, un oncle, un ami à la hauteur de l’Amour que j’ai pour eux et digne de celui que certains avaient gardé pour moi.

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