La technique de chirurgie orthopédique mini-invasive par plaque - La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : ADRIEN AERTSENS*, GUILLAUME RAGETLY**

Fonctions :
*diplomate ACVS et ECVS, spécialiste en chirurgie,
**praticiens au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne).

POINTS FORTS

– Cette technique émergente est moins traumatisante que les ostéosynthèses traditionnelles.

– Elle vise à préserver la vascularisation du foyer fracturaire.

– Son but est une reconstruction non plus anatomique, mais fonctionnelle.

– Elle permet de diminuer la douleur et la morbidité postopératoires, tout en permettant une reprise rapide de la locomotion et une récupération fonctionnelle complète.

Les techniques dites “mini-invasives” sont de plus en plus populaires en chirurgie des tissus mous, mais également en orthopédie. L’objectif est toujours le même : améliorer le pronostic et diminuer la morbidité associée à l’opération en minimisant le traumatisme chirurgical. L’objectif de tout traitement lors de fracture est une récupération fonctionnelle complète, qui passe souvent par une préservation de l’alignement et une reprise rapide de la locomotion.

Différents traitements sont possibles : contention externe, fixateur externe, broches, clou verrouillé, plaques, etc. L’utilisation de plaques, populaire en médecine vétérinaire, est réalisable selon les principes de l’Association pour l’étude de l’ostéosynthèse (AO/Asif1) de façon traditionnelle, ou plus récemment de manière mini-invasive. Cette dernière méthode est souvent appelée par son acronyme anglais : Mipo (pour minimally invasive plate osteosynthesis).

PRINCIPE

Le traitement chirurgical d’une fracture s’appuie traditionnellement sur deux principes : une réduction anatomique et une stabilisation rigide. La fracture est principalement considérée d’un point de vue mécanique : la réduction vise donc à reconstruire, aussi précisément que possible, la zone fracturaire, qui est ensuite stabilisée à l’aide d’implants rigides. L’objectif est d’obtenir une cicatrisation osseuse primaire, conditionnée par une compression interfragmentaire et une stabilité maximale. Ces deux conditions étaient auparavant considérées comme nécessaires à l’obtention d’une cicatrisation plus rapide et plus solide pour toutes les fractures. La mise en compression des abouts est possible lors de fractures simples, transverses ou obliques courtes, ou à l’aide d’implants interfragmentaires.

Une meilleure compréhension des mécanismes de cicatrisation osseuse a conduit à l’émergence du concept d’ostéo­synthèse biologique au cours des dernières décennies. De nombreux facteurs biologiques et mécaniques influencent la cicatrisation osseuse, dont deux sont prédominants : la vascularisation et la stabilité. La cicatrisation est toujours dépendante de la vascularisation, dont l’apport sanguin est majoritairement issu des tissus mous périphériques. L’ostéosynthèse biologique vise donc à préserver au maximum l’apport sanguin au niveau de la fracture lors de la stabilisation, en limitant le traumatisme iatrogénique et ainsi sans forcément chercher à réduire de manière anatomique les abouts osseux. L’abord osseux s’effectue donc par de petites incisions loin du site de la fracture. Ainsi, la technique Mipo a pour objectif d’éviter une manipulation trop importante des fragments osseux, susceptible de provoquer une diminution de la vascularisation et une dévitalisation des esquilles par dévascularisation, ce qui est néfaste à une cicatrisation rapide. La dissection extensive des tissus mous, la destruction de l’hématome fracturaire, la nécrose périostée multifocale en région proche de la fracture (secondaire à la compression de la plaque) et les traumatismes iatrogéniques par les implants interfragmentaires (vis, cerclages notamment) sont identifiés comme des facteurs de développement de complications lors de l’utilisation de plaques (non-union, ostéomyélite, séquestres).

TECHNIQUE

Lors d’ostéosynthèse biologique, la plaque ne s’utilise qu’en soutien : elle sert à aligner de manière fonctionnelle les abouts osseux dans les plans frontal, sagittal et axial, tout en rétablissant la longueur du segment osseux. Aucun implant interfragmentaire n’est utilisé, car la fracture n’est pas approchée. Deux petites incisions sont réalisées, l’une proximalement et l’autre distalement à la fracture, afin de glisser la plaque et de la stabiliser en plaçant des vis (voir photo 1).

Durant l’intervention, l’alignement est évalué, ainsi que le rétablissement d’une longueur fonctionnelle. La réduction n’est pas appréciée directement, car le site fracturaire n’est pas approché. Dans certaines structures, ces critères sont estimés en phase peropératoire de manière plus objective via l’imagerie (fluoroscopie ou radiographie). Pour l’évaluation peropératoire clinique, les articulations adjacentes sont manipulées. La reconstruction est réalisée par des techniques de réduction indirecte : le repositionnement des fragments osseux s’effectue à l’aveugle, par distraction et translation, en manipulant les extrémités des os. L’objectif est de minimiser les lésions iatrogènes. La réduction peut donc être réalisée de manière complètement fermée, sans ouvrir le site fracturaire. Parfois, l’exposition de la fracture se révèle impérative : il est alors question de “open but do not touch”. Une incision est pratiquée sur la fracture, permettant la visualisation et/ou la mise en place d’instruments, afin de faciliter la réduction indirecte. Les tissus périfracturaire ou les fragments osseux sont manipulés au minimum.

Il est possible de réaliser une approche Mipo avec tous les types de plaque disponibles en médecine vétérinaire. L’objectif est toujours le même : obtenir une stabilité relative par ostéosynthèse de soutien, en minimisant les traumatismes vasculaires à l’os et au périoste. Les plaques verrouillées présentent tout de même de nombreux avantages. Les vis sont solidaires de la plaque, ce qui confère au montage une stabilité indépendante du contact entre la plaque et l’os. La pla­que n’a donc pas besoin d’être comprimée contre l’os. Cela permet d’éviter de compromettre l’apport sanguin périosté et pourrait donc améliorer la cicatrisation et diminuer le risque de nécrose de l’os cortical et d’infection. De plus, la plaque n’a pas besoin d’être parfaitement contournée, puisque le serrage des vis n’induit pas de déplacement de l’os vers elle.

Après l’intervention, l’évaluation des radiographies ne se focalise désormais plus sur la zone fracturée, mais sur les articulations adjacentes et l’alignement de l’os (voir photos 2 à 5). La reconstruction n’est plus anatomique, mais fonctionnelle.

AVANTAGES

L’ostéosynthèse mini-invasive par plaque diminue la douleur et la morbidité postopératoires, tout en permettant une reprise rapide de la locomotion et une récupération fonctionnelle complète. Une étude montre que le recours à l’ostéosynthèse mini-invasive réduit les risques de non-union de 10 à 4 % et ceux de reprise chirurgicale de 43 à 13 %. Le taux de succès passe de 62 à 87 %, malgré une utilisation de greffe osseuse fortement diminuée (de 30 à 4 %). De plus, une union osseuse est atteinte en 13 semaines, au lieu de 20 semaines lors de techniques traditionnelles.

INCONVÉNIENTS

La courbe d’apprentissage peut être longue pour certaines fractures, et le recours à l’imagerie peropératoire (fluoroscopie) est parfois indispensable. De plus, les techniques Mipo sont proscrites lors de certaines fractures, articulaires par exemple. La complication principale lors d’ostéosynthèse biologique est le mal-alignement. Il est primordial d’évaluer le montage dans les trois dimensions, même si une diminution de la longueur de l’os et un mauvais alignement modéré dans le plan sagittal (déformation procurvatum-recurvatum) n’affectent pas le résultat fonctionnel. En revanche, des défauts d’alignement dans les plans frontal (déformation varus-valgus) ou axial peuvent avoir de sérieuses conséquences sur la mobilité.

Un descellement ou une rupture des implants est également possible, mais la reprise chirurgicale consiste bien souvent en la mise en place d’implants plus larges, à la place des précédents.

Les autres complications rencontrées avec les méthodes traditionnelles (union retardée ou non-union, rupture d’implant, ostéomyélite) sont possibles, mais moins fréquentes.

  • 1 Association for Osteosynthesis/ Association for the Study of Internal Fixation.

Bibliographie

  • Tobias, Veterinary Surgery, Small Animal, vol. 1, pp. 365-371, chap. 41 « fracture bilogy and biomechanics ». Fossum, Small Animal Surgery.
  • Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2012 Sep;42(5).Minimally invasive fracture repair. Beale BS, Pozzi A.
  • Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2012 Sep;42(5):853-72, Biomechanical concepts applicable to minimally invasive fracture repair in small animals. Chao P, Lewis DD, Kowaleski MP, Pozzi A.
  • Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2012 Sep;42(5):913-34, External fixators and minimally invasive osteosynthesis in small animal veterinary medicine. Palmer RH.
  • Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2012 Sep;42(5):873-95, Minimally invasive plate osteosynthesis fracture reduction techniques in small animals. Peirone B, Rovesti GL, Baroncelli AB, Piras L.
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