La rétention d’œufs chez les sauriens en captivité - La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013

Formation

NAC

Auteur(s) : JULIEN GOIN

Fonctions : assistant hospitalier du service “animaux d’espèces inhabituelles” d’Oniris (Nantes).

POINTS FORTS

– La rétention d’œufs est fréquente chez les reptiles.

– Le diagnostic différentiel avec une ovogenèse physiologique est difficile.

– Le traitement est avant tout médical, mais il est souvent inefficace chez les lézards, ce qui rend la chirurgie inévitable.

– L’ovario-salpingectomie bilatérale est privilégiée.

Un dragon d’eau d’Asie du Sud-Est (Physignathus cocincinus) femelle, âgé de deux ans et pesant 150 g, est présenté en consultation pour une anorexie chronique (depuis quinze jours) et des difficultés à pondre (expulsion de neuf œufs puis blocage, voir photo 1). L’animal est élevé dans un terrarium de dimensions 100 x 120 x 200 cm de haut, chauffé à 30 à 32 °C le jour, brumisé toutes les quatre heures pendant 30 secondes et éclairé par une lampe UVB, en compagnie d’une femelle d’un an. L’année précédente, il avait déjà pondu difficilement une dizaine d’œufs.

CAS CLINIQUE

L’examen montre une apathie et un amaigrissement, sans autre signe clinique. L’examen radiographique révèle la présence de deux œufs de forme ovale, localisés dans la moitié droite de la cavité générale (voir photo 2). Une rétention d’œufs est diagnostiquée. En raison des antécédents et des symptômes, une stérilisation chirurgicale est envisagée d’emblée.

Cœliotomie

L’induction anesthésique est réalisée par l’injection de propofol, à la posologie de 10 mg/ kg par voie intraveineuse lente dans la veine coccygienne ventrale. L’animal est ensuite intubé à l’aide d’une sonde trachéale de 1,2 mm de diamètre (voir photo 3). L’entretien anesthésique est permis par l’inhalation d’un mélange d’oxygène et d’isoflurane à 2 %. L’analgésie est assurée par l’injection de butorphanol (à la dose de 1 mg/kg) et de méloxicam (à raison de 0,3 mg/kg, par voie intramusculaire dans le muscle biceps brachial). La région ventrale est aseptisée à l’alcool à 70° et à la povidone iodée.

L’animal est placé en décubitus dorsal et recouvert d’un champ opératoire stérile. Une incision cutanée est réalisée à 5 mm latéralement de la ligne médiane, de façon à préserver la veine abdominale ventrale située en regard de celle-ci, au sein de la cavité cœlomique (voir photo 4). La paroi musculaire, adhérente à la peau, est perforée et incisée de la même manière.

Ovario-salpingectomie

L’exploration met en évidence les deux œufs situés dans l’oviducte droit (voir photo 5). L’oviducte gauche est vide. L’ensemble ovaire-oviducte est extériorisé de chaque côté. Les ovaires sont localisés dorsalement, en profondeur, et sont visualisés après la réclinaison des intestins. Ils se présentent comme deux grappes constituées de multiples follicules de couleur saumon (voir photo 6). Une ovario-salpingectomie com­plète est pratiquée afin de prévenir les récidives. Les pôles vasculaires, puis les extrémités distales des oviductes, sont clampés, ligaturés à l’aide d’un fil tressé résorbable de petit diamètre (Vicryl 4-0®), puis sectionnés (voir photo 7). La paroi musculaire est suturée par un surjet simple à l’aide du même fil (voir photo 8). La peau est refermée par un surjet éversant en U à l’aide d’un monofilament irrésorbable (Novafil 3-0®) et par quatre agrafes (voir photo 9). Il est éga­lement possible de suturer en une seule fois ces deux plans.

L’animal est ensuite placé en couveuse à 30 °C et sous oxygène jusqu’à son réveil complet, puis gardé en observation pendant huit jours. Pendant ce temps, une antiobiothérapie et un traitement anti-inflammatoire sont mis en place (enrofloxacine, 10 mg/kg/j, et méloxicam, 0,3 mg/kg/j par voie intramusculaire dans le muscle biceps brachial). Une alimentation assistée par gavage est réalisée en parallèle à l’aide d’une petite sonde courbe en inox (Convalescence support®, 20 ml/kg deux à trois fois par jour). Le retrait des points et des agrafes a lieu trois semai­nes après l’intervention (voir photo 10). La peau retrouvera son aspect normal avec le temps et au fur et à mesure des mues successives.

DISCUSSION

Épidémiologie

Les femelles reptiles possèdent deux ovaires et deux oviductes tubulaires qui débouchent indépendamment au sein d’un cloaque. Quasi inexistante à l’état sauvage, la rétention d’œufs est une affection fréquente chez les reptiles en captivité, notamment chez les serpents et les tortues. Les femelles primipares, qui ont des antécédents de dystocie ou porteuses de nombreux ovules non fécondés, y sont prédisposées.

Étiologie

Les rétentions d’œufs ont généralement des causes plurifactorielles. Elles peuvent être d’origine obstructive (œuf mal­formé ou cassé, réduction de la filière pelvienne par un traumatisme ancien, masse compressive sur l’oviducte de type calcul urinaire, fécalome ou corps adipeux hypertrophiés lors d’obésité) ou non (absence de site de ponte adapté, stress, malnutrition, déshydratation, hypocalcémie, atonie des oviductes secondaire à la sédentarité de la vie en captivité, etc.).

Symptômes

Les signes cliniques sont le plus souvent une apathie, une dilatation abdominale et une anorexie. L’imagerie médicale (radiographie et/ou échographie) est l’examen complémentaire de choix pour éta­blir le diagnostic de rétention d’œufs. Elle permet de mettre en évidence les œufs, d’apprécier leur taille, leur forme et la présence éventuelle d’une cause obstructive.

Diagnostic

En l’absence d’une anamnèse évocatrice (tentatives de ponte infructueuses, ponte incomplète avec rétention partielle des derniers œufs), il est souvent malaisé de différencier une rétention vraie d’une ovogenèse physiologique. En effet, toutes deux se caractérisent par une dilatation corporelle et une anorexie due à la compression du tube digestif par les œufs. La connaissance du cycle de reproduction de l’espèce est donc indispensable. Dans le cas présent, la ponte préalable de plusieurs œufs, sans expulsion des deux derniers, a permis d’établir le diagnostic.

Traitement

Le traitement de la rétention d’œufs est avant tout médical : la femelle est isolée au calme et reçoit des injections d’ocytocine (2 à 20 UI/kg par voie intramusculaire). Toutefois, ce traitement est régulièrement inefficace chez les lézards, ce qui rend la chirurgie inévitable. L’ovario-salpingectomie bilatérale est privilégiée afin de prévenir les risques de récidive chez les femelles non reproductrices. La salpingectomie seule est à proscrire en raison du risque de pontes ectopiques d’ovules au sein de la cavité générale. La salpingotomie (césarienne) et l’ovario-salpingectomie unilatérale (lors de rétention unilatérale) sont indiquées chez les reproductrices qui ne présentent pas de lésions associées. Les œufs extériorisés par la chirurgie sont rarement viables. La localisation dorsale des ovaires rend leur extériorisation délicate. La stérilisation de convenance est possible, mais est encore rarement réalisée et demandée par les propriétaires (voir photo 11).

À la différence des mammifères, les dystocies ne sont pas une urgence absolue chez les reptiles, mais leur prise en charge doit cependant être rapide pour éviter l’apparition de complications : rupture d’un œuf ou d’un oviducte, prolapsus cloacal, salpingite bactérienne, stérilité et mort. La séparation des sexes n’est pas une mesure préventive suffisante, car les femelles sont capables d’ovogenèse et de ponte en l’absence de mâle chez de nombreuses espèces.

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