Autonomie alimentaire des troupeaux bovins en France1 : état des lieux et perspectives - La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1541 du 24/05/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/BOVINS

Auteur(s) : CAROLINE GUINOT*, ÉRIC POTTIER**, SERGE TROUILLET***

Fonctions :
*Centre d’information des viandes
**Institut de l’élevage. Article tiré d’une communication présentée lors du Sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand, le 4 octobre 2012.

Autant pour répondre sur les effets négatifs que pour communiquer sur les impacts positifs de l’élevage bovin, l’Institut de l’élevage et le Centre d’information des viandes (CIV) ont conduit ensemble une étude. Elle a pour objet l’alimentation et l’autonomie alimentaire des troupeaux bovins en France, dans leurs dimensions économique, environnementale, sociétale et prospective.

Les médias renvoient une image plutôt négative de l’élevage, notamment bovin. Elle est souvent associée à celle des feed lots, ces parcs d’engraissement intensifs aux États-Unis, soumis à l’œil accusateur du photographe Yann Arthus-Bertrand. La question de l’alimentation animale interpelle de plus en plus l’opinion publique. Sur notre planète, aux surfaces agricoles limitées, doit-on produire de l’alimentation pour l’homme ou pour les animaux ? Quel est le lien entre ce que l’on donne à manger aux animaux, notamment les végétaux OGM, et la qualité des produits que nous consommons ? Quels sont les réels impacts liés à la production de fourrages et d’aliments pour les animaux sur l’eau, l’air, le sol, la biodiversité, et même sur les populations affectées par la déforestation en Amazonie ? Quid des émissions de méthane sur le réchauffement climatique ? Et de l’utilisation des pesticides et des engrais ? Qu’en est-il de la consommation énergétique des élevages intensifs ?

Cependant, les mêmes sondages d’opinion relèvent les effets bénéfiques de l’élevage, qui sont cités parallèlement. « Derrière chaque vache, argumente Caroline Guinot, chef de projet environnement au CIV, il y a des surfaces utilisées pour la produire. Cela contribue au maintien d’une activité économique, mais aussi à la production de services écologiques, qui vont de la constitution d’importants stocks de carbone dans la matière organique des sols des prairies à une contribution à la biodiversité par les pollinisateurs, en passant par l’humus, la régulation des ravageurs grâce à la présence de haies entourant généralement les prés d’élevage, jusqu’à l’occupation du territoire, notamment pour les zones qui ne sont pas labourables. »

La ferme bovine en France : un composé de diversités

Pour autant, la dépendance à certaines denrées importées, comme le soja, reste un point critique pour les consommateurs comme pour les filières bovines. Et la maîtrise des coûts de production, dont dépend la durabilité économique et environnementale de l’exploitation, passe inéluctablement par un renforcement de l’autonomie alimentaire.

Aussi était-il nécessaire d’objectiver la place de l’herbe, des fourrages grossiers et des coproduits utilisés dans l’alimentation des bovins, c’est-à-dire d’estimer la ration moyenne de la ferme bovine en France, mais également d’évaluer son autonomie alimentaire. Il en résulte l’étude conjointe du CIV et de l’Institut de l’élevage.

Les exploitations incorporées dans l’analyse sont réparties dans toutes les grandes zones agricoles, à effectifs à peu près équivalents entre bovins viande et bovins lait. Ce travail a en effet été conduit sur les deux productions, le cheptel laitier fournissant la moitié de la viande bovine consommée en France.

L’équation n’est pas simple. La ferme bovine française est composée d’une diversité de systèmes, même si les naisseurs spécialisés (55 %) et les naisseurs avec cultures (17 %) constituent le gros du cheptel bovin viande, mais également de territoires, de surfaces fourragères, d’exploitations, etc. Les données disponibles du dispositif Réseaux d’élevage (collaboration entre l’Institut de l’élevage et les chambres d’agriculture), de l’Otex2, du Snia3 et de l’Agreste4 ont contribué à relever le défi. En voici les résultats globaux.

Une autonomie alimentaire, tous systèmes confondus, de 92 %

Les bovins lait et viande consomment avant tout des fourrages (86 % de leur ration) : essentiellement de l’herbe (65 % de la ration), qu’elle soit pâturée ou conservée, et du maïs (presque 20 %, voir graphique 1). Les concentrés constituent en moyenne 14 % de l’alimentation des bovins : il s’agit de compléments énergétiques et de correcteurs azotés, simples ou composés, ainsi que d’aliments minéraux et vitaminiques. Ils sont composés pour moitié d’aliments non concurrents de l’alimentation humaine (coproduits végétaux : tourteaux, son de blé, drèches, pulpes, etc., voir graphique 2). Pour les bovins viande, notamment dans les systèmes herbagers, la proportion de fourrages est plus importante (90 % de la ration), avec 80 % d’herbe, essentiellement pâturée.

L’autonomie alimentaire, rappelons-le, est la part des aliments produits sur l’exploitation sur celle des aliments, produits ou achetés, consommés par les animaux. Elle se décline de plusieurs façons. Si l’on considère la ration totale, (fourrages et concentrés), tous systèmes confondus (bovins lait et viande), l’autonomie alimentaire massique s’établit à 88 %. Ce niveau atteint 92 % en bovins viande, avec en moyenne 98 % pour les fourrages et 38 % pour les concentrés. Toujours en bovins viande, si l’on considère l’autonomie sur les plans énergétique et protéique, elle atteint en moyenne près de 91 % pour le premier et 87 % pour le second.

Des facteurs non maîtrisables, mais aussi les choix de l’éleveur

L’autonomie fourragère, en France, est donc presque totale, et peu variable. Du moins entre les systèmes, sinon entre les années. Pour les concentrés, une part encore significative doit être achetée et la variabilité est un peu plus prononcée. Toute la question est donc d’identifier les leviers à actionner pour réduire la dépendance extérieure de l’exploitation. Même si les élevages bovins français sont d’ores et déjà fortement liés au sol, l’autonomie alimentaire est un enjeu majeur pour l’image des filières bovines, des produits laitiers et de la viande. Les facteurs qui l’influencent, cependant, sont multiples. Certains sont peu ou non maîtrisables : ils concernent le contexte pédoclimatique (sol, pluviométrie, température, altitude, etc.), les éléments structurels de l’exploitation (accessibilité des parcelles, topographie, etc.), les conditions climatiques de la campagne fourragère, etc.

En revanche, d’autres facteurs relèvent des choix de l’éleveur. Ils sont dictés par l’environnement socio-économique et réglementaire de l’exploitation (type de production, nature des couverts, système fourrager, niveau de chargement, etc.). Par exemple, les naisseurs spécialisés tout herbe doivent, par définition, acheter des concentrés, tandis que d’autres naisseurs spécialisés peuvent produire des céréales entièrement autoconsommées. Enfin, des naisseurs polyculteurs pourront avoir des niveaux d’autonomie plus élevés (jusqu’à 54 %), avec l’autoconsommation d’une partie des productions locales (céréales ou protéagineux). Il en est de même pour les engraisseurs spécialisés qui valorisent le maïs de leur exploitation : ils sont quasi autonomes en fourrages.

Ne pas raisonner à l’échelle de la seule exploitation

Les pistes d’amélioration ne répondent pas à un message unique. Elles sont propres à chaque élevage. Elles peuvent relever de la gestion de l’herbe : avec des automnes qui s’allongent, des hivers qui raccourcissent et des printemps qui commencent plus tôt, la question de l’allongement du pâturage mérite d’être posée. Le développement de la culture des légumineuses serait de nature à améliorer l’autonomie protéique, qui est aujourd’hui la plus faible. Les réponses sont également à chercher du côté du niveau de chargement, compte tenu de la forte autonomie fourragère, mais aussi de celui des types de production, avec des cycles plus ou moins courts, nécessitant plus ou moins de surfaces.

« Pour autant, estime Éric Pottier, chef de service à l’Institut de l’élevage, il serait réducteur de restreindre l’analyse aux contours d’une seule exploitation. Certes, c’est plus commode, mais il faut plutôt, j’en suis convaincu, jouer sur les complémentarités et raisonner à une plus grande échelle : groupe d’exploitations, bassin de production, France, voire Europe. Le tourteau de colza produit dans nos zones de culture n’est-il pas déjà bien incorporé dans les rations ? L’autonomie alimentaire est un enjeu fort pour les éleveurs. Mais elle ne se résume pas à une question d’image, ni même à une question économique ou environnementale. Elle touche également, au plus profond, le bien-être des éleveurs. Ne pas être en capacité, par exemple, d’apporter suffisamment de fourrages à son bétail est traumatisant pour eux ! »

  • 1 Communication disponible sur les sites internet de l’Institut de l’élevage et du CIV.

  • 2 Orientation technico-économique des exploitations.

  • 3 Syndicat national des industriels de la nutrition animale.

  • 4 Site du ministère de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt.

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