Les vétérinaires et la recherche : un lien timide, mais passionné - La Semaine Vétérinaire n° 1538 du 03/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1538 du 03/05/2013

Dossier

Auteur(s) : Agnès Faessel

Dans les écoles vétérinaires, la recherche se conjugue au présent et au futur. Mais aujourd’hui, même si la formation des étudiants à et par la recherche occupe une place grandissante, cette filière demeure difficile à valoriser. Les vétérinaires chercheurs, dilués dans l’immensité des possibilités qu’ouvre le métier, présentent chacun une motivation et un parcours très personnels.

La recherche est une filière ouverte aux vétérinaires. Et les débouchés sont multiples, car le terrain de ses explorations est vaste. Pour y accéder, une formation complémentaire universitaire est requise : un master puis un doctorat (voir encadré ci-contre). Pour mener leurs projets de recherche et préparer leur thèse de 3e cycle, nombre de confrères doctorants sont accueillis par les écoles vétérinaires. Ou, plus exactement, au sein des unités de recherche des ENV. Car l’activité de recherche de ces établissements est loin d’être anodine, dynamisée par le travail des enseignants chercheurs, y compris dans les disciplines cliniques.

Chaque école décide d’une orientation scientifique, dans laquelle s’articulent les unités de recherche et leurs projets (voir encadré ci-dessous). Celles-ci sont en majorité des unités mixtes de recherche (UMR), c’est-à-dire en cotutelle avec un institut de recherche (Inra1 ou Inserm1, par exemple), un organisme de l’État et/ou une structure universitaire. Des unités propres, sous la tutelle unique de l’établissement vétérinaire, et des unités sous contrat (avec un institut de recherche, par exemple) fonctionnent également.

Ces unités labellisées côtoient une activité de recherche moins structurée, plus individuelle, à l’initiative des enseignants chercheurs, et souvent plus appliquée.

La concurrence est rude et elle s’internationalise. Pour perdurer, les équipes ont besoin de briller, sur la scène européenne au moins. Leur reconnaissance passe par la valorisation des travaux effectués : il faut exister et publier.

TISSER UN RÉSEAU LOCAL EST PRIVILÉGIÉ

Selon le souhait du ministère de tutelle, la coordination nationale des établissements vétérinaires est en cours de réflexion. Pour l’activité de recherche, l’entente est plutôt régionale aujourd’hui. Des ponts relient nos écoles avec les pôles d’enseignement et les instituts de recherche locaux. Outre l’aspect pratique (car il est plus facile de travailler ensemble lorsqu’on est voisin), ces rapprochements élargissent les perspectives de travail, en associant des domaines techniques complémentaires. Ils entretiennent aussi la concurrence entre les établissements, dont l’aspect constructif est toutefois réduit par ses effets délétères. À l’heure des réductions de budget, éviter de doublonner les travaux de recherche sonne comme une évidence. La diversité des chemins d’études, y compris dans une même discipline, en limite toutefois le risque.

Dans le domaine clinique, en revanche, la mutualisation des ressources est globalement souhaitée, car elle facilite et accélère le recrutement des cas.

LA SENSIBILISATION DES ÉTUDIANTS RESTE DIFFICILE

C’est sans doute cette recherche clinique que les étudiants vétérinaires pourraient entrevoir le plus facilement durant leur cursus. Car, à l’évidence, la casquette de chercheur de leurs enseignants reste largement méconnue. Et plus généralement, l’activité de recherche menée sur leur campus est parfaitement ignorée.

Susciter l’intérêt pour la filière de la recherche est cependant l’un des objectifs des établissements vétérinaires. Des efforts sont menés pour que les élèves y goûtent dès les premières années. Ainsi, des unités de recherche accueillent des stagiaires. Des conférences ou des forums des métiers sont organisés. Une option “recherche” est en place en fin de cursus. Des sujets de thèse d’exercice sont proposés sur des thématiques de recherche. L’inscription parallèle des étudiants en master, parfois directement en 2e année, est favorisée, etc.

Aujourd’hui, l’effet de ces actions n’est pas à la hauteur des espérances. Moins de 5 % des jeunes vétérinaires entament des études doctorales. La filière est difficile à valoriser aux yeux des étudiants, d’abord en raison de l’absence d’attention qu’ils portent aux domaines autres que la pratique libérale. C’est assez compréhensible : celle-ci représente l’objectif initial de (presque) tous les candidats au concours vétérinaire. Et rares sont ceux qui bifurquent dès l’école.

Mais d’autres freins sont identifiés, notamment la complexité du paysage de la recherche, la diversité des formations proposées, avec des parcours sur mesure selon chaque projet professionnel, et l’allongement de la durée des études qui n’est pas nécessairement compensée, ensuite, par la rémunération obtenue.

La culture vétérinaire est pourtant généralement appréciée dans le secteur de la recherche, autant que l’aptitude à apprendre des candidats. Des places sont sans doute à prendre, à condition de compléter sa formation pour maîtriser les méthodologies propres à la recherche (notamment celle du questionnement).

DE MULTIPLES DÉBOUCHÉS

Si l’effectif des vétérinaires chercheurs reste assez confidentiel (voir tableau), les débouchés sont pour le moins divers, en termes de missions, de responsabilités ou de localisation, parfois à l’international. Parfois, les postes ne touchent plus que de très loin la santé animale.

Les titulaires d’un doctorat se retrouvent évidemment au sein des établissements d’enseignement supérieur (vétérinaires, mais aussi agronomiques comme AgroParisTech, SupAgro, etc.). D’autres rejoignent des organismes de recherche (tels que l’Institut Pasteur, l’Inra, l’Inserm, le CNRS1 ou le Cirad1) ou des services de l’État (Anses1, Draaf1, DDPP1, DGAL1, FranceAgriMer, etc.). D’autres encore choisissent des organisations professionnelles (Institut du porc ou Haras nationaux, par exemple). Enfin, certains sont recrutés par des entreprises privées, dans le domaine pharmaceutique, diagnostique ou alimentaire le plus fréquemment. La liste n’est pas exhaustive. Quelques docteurs sont tout simplement… praticiens vétérinaires !

Chaque cursus, chaque motivation et chaque aboutissement demeurent personnels et originaux. Les quatre témoignages proposés au fil des pages suivantes n’en sont que quelques exemples.

  • 1 Inra : Institut national de la recherche agronomique, Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale, CNRS : Centre national de la recherche scientifique, Cirad : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire, Draaf : Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, DDPP : Direction départementale de la protection des populations, DGAL : Direction générale de l’alimentation.

DOMAINES DE RECHERCHE DES ÉCOLES VÉTÉRINAIRES

Chaque établissement a défini les axes de développement de son activité de recherche.

ENV de Maisons-Alfort1

– infectiologie animale et santé humaine ;

– physiologie et physiopathologie des modèles animaux ;

– recherche clinique.

ENV de Toulouse

– interactions entre hôtes et micro-organismes pathogènes ;

– toxicologie alimentaire ;

– génétique et anomalies chromosomiques ;

– nutrition, flore digestive et santé ;

– recherche clinique.

Oniris (Nantes)

– santé humaine, recherche biomédicale et modèles animaux ;

– maîtrise de la santé des animaux d’élevage ;

– sécurité et qualité de l’aliment ;

– procédés alimentaires, management et développement durable.

VetAgro Sup (Lyon)

– maladies émergentes et risques infectieux ;

– adaptation des systèmes de production et de la qualité des aliments ;

– développement des territoires (gestion de l’environnement, approche économique, mutation des espaces, risques environnementaux et sanitaires).

Les projets de recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrivent dans cette orientation. Les travaux s’appuient sur les plates-formes techniques des écoles, par exemple le centre hospitalier (Chuva) à Alfort, l’animalerie confinée A3 à Toulouse (autorisant la manipulation d’agents infectieux classés dangereux), le centre régional d’essais précliniques (institut Claude Bourgelat) à Lyon ou le centre d’expertise des modèles animaux (issu de la fusion du centre de recherche et d’investigation préclinique et du centre de Boisbonne) à Nantes.

1 Une évolution est en cours de réflexion.

LE CURSUS UNIVERSITAIRE

Le cursus universitaire français est structuré autour de trois diplômes :

la licence (ex-Deug-licence), préparée en six semestres (niveau bac + 3) ;

le master (ex-maîtrise pour la première année), voie recherche ou voie professionnelle, préparé en quatre semestres (niveau bac + 5) ;

le doctorat, incluant la préparation d’une thèse de doctorat, préparée généralement en trois ans (niveau bac + 8).

Cette organisation, dite LMD, est le fruit d’une harmonisation des cursus d’enseignement supérieur en Europe. Les étudiants vétérinaires accèdent directement au master, qu’ils peuvent préparer et valider en parallèle de leur cursus.

La formation doctorale s’effectue au sein d’écoles accréditées. Elle permet d’obtenir le grade de docteur, après la soutenance d’une thèse. Les établissements vétérinaires ont chacun des partenariats avec plusieurs écoles doctorales. Oniris est même accréditée pour délivrer elle-même le doctorat d’université. Un “passeport recherche”, premier niveau de formation dans cette voie, y devient également obligatoire pour tous les étudiants vétérinaires.

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