Un cas d’anasarque chez une tortue Pelomedusa subrufa - La Semaine Vétérinaire n° 1536 du 19/04/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1536 du 19/04/2013

Formation

NAC

Auteur(s) : LAURIANE DEVAUX*, SAMUEL SAUVAGET**, EMMANUEL RISI***

Fonctions :
*praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
**praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
***praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)

Une tortue Pelomedusa subrufa femelle de onze mois est présentée en consultation pour une anasarque associée à une anorexie.

COMMÉMORATIFS

La tortue a été adoptée en animalerie six mois auparavant, avec un autre individu de la même espèce. La seconde tortue est morte un mois après l’achat à la suite d’une maladie cutanée ulcérative, associée à une suspicion de pneumonie dont l’autre tortue a également souffert. Toutes deux ont été traitées par une antibiothérapie (enrofloxacine buvable à 10 mg/kg/jour) et une désinfection locale à la povidone iodée.

Depuis, la tortue rescapée vit seule dans un aquarium d’eau douce comprenant une zone sèche, avec un point chaud à 30 °C, et une zone immergée accessible par une passerelle. Un système de chauffage permet de maintenir la température de l’eau autour de 25 °C. Elle est nourrie avec des granulés pour tortue aquatique achetés en animalerie. L’animal est présenté en consultation pour un gonflement généralisé sous la peau et une anorexie, qui évoluent depuis quatre jours.

EXAMEN CLINIQUE

L’œdème généralisé est objectivé à l’examen clinique. La tortue est faible et ne se débat pas lors de la manipulation. Son faible poids (40 g) n’autorise pas la ponction d’une quantité suffisante de sang pour réaliser une biochimie ou une numération-formule. Les outils d’imagerie médicale (radiographie, échographie) sont ininterprétables en raison de sa petite taille. Seule une endoscopie intracœlomique est envisageable.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

La tortue est anesthésiée à l’alfaxolone, à la dose de 7 mg/ kg par voie intraveineuse, au niveau du sinus veineux sous-nucal. L’anesthésie est maintenue avec un mélange de 100 % d’oxygène (1 l/min) et de 2 % d’isoflurane. Elle est couchée sur le côté droit entre deux bouillottes et le membre postérieur gauche est bloqué en extension afin de libérer la fosse préfémorale.

La peau est incisée sur 5 mm. Le tissu sous-cutané est dilacéré à l’aide d’un clamp aux extrémités courbes. Le matériel utilisé est un endoscope rigide (2,7 mm et 30°) recouvert d’une chemise et doté d’un canal opérateur et d’un robinet à trois voies. L’extrémité de l’endoscope est introduite dans l’incision et du sérum physiologique est instillé dans la cavité cœlomique.

L’examen met en évidence une décoloration marquée du parenchyme hépatique. Aucune autre anomalie n’est observée. Des prélèvements hépatiques sont réalisés à l’aide d’une pince à biopsie insérée par le canal opérateur en vue d’une analyse histologique.

TRAITEMENT

Dans l’attente des résultats histologiques, la tortue est hospitalisée et reçoit une antibiothérapie (enrofloxacine à 10 mg/kg/jour par voie intramusculaire). Un accès à un bassin d’eau chauffée lui est proposé 12 heures après son anesthésie et un aliment pour tortue est laissé à sa disposition. L’animal est vif et nage normalement, mais n’est pas intéressé par la nourriture. Il sort 48 heures après son admission avec le même traitement antibiotique.

La tortue meurt chez ses propriétaires le lendemain, sans signes préalables. L’analyse histologique révèle une surcharge et une dégénérescence hépatique diffuse modérée, associées à une hépatite portale minime caractérisée par une infiltration des espaces portes par des lymphocytes et de rares macrophages. L’origine de l’atteinte hépatique reste inconnue.

LIPIDOSE HÉPATIQUE CHEZ LES CHÉLONIENS

Conscients que les options thérapeutiques pour un animal de cette taille sont très limitées, les propriétaires ont toutefois souhaité pousser les examens complémentaires le plus loin possible afin d’obtenir un diagnostic de certitude.

Pathogénie

Les chéloniens en captivité souffrent fréquemment de lipidose hépatique. Cependant, elle est rarement diagnostiquée du vivant de l’animal et fait souvent l’objet d’une découverte fortuite à l’autopsie. Ce processus est soit physiologi­que (posthibernation, période de reproduction), soit pathologique. La lipidose est alors le plus souvent le symptôme d’une maladie chronique.

De nombreuses situations prédisposent à la lipidose. Parmi elles, les dérèglements du métabolisme hormonal (hyperœstrogénisme, hyperparathyroïdie, diabète), une anorexie prolongée, certains processus infectieux ou des anomalies dans les conditions de maintien de l’animal (malnutrition, obésité, éclairage inadéquat, mauvaises conditions d’hibernation). Les hépatites aiguës ne sont pas rares et sont principalement consécutives à un processus infectieux. Une lipidose peut se déclarer à la suite d’une telle atteinte.

Diagnostic

L’interprétation d’un bilan biochimique sanguin est parfois hasardeuse chez les reptiles qui présentent une maladie hépatique. En effet, lors d’une lipidose, les cellules du foie ne sont que peu endommagées et l’activité des enzymes hépatiques peut afficher des valeurs usuelles. De plus, il n’est pas rare d’être confronté à un animal déshydraté, ce qui a pour conséquence de masquer la diminution des facteurs biochimiques témoins de la fonction hépatique (protéines totales, albumine, acide urique).

La biliverdine est le pigment principal de la bile des reptiles et le dernier métabolite du catabolisme de l’hémoglobine. L’augmentation de sa concentration plasmatique notifie généralement l’existence d’une maladie hépatobiliaire. Elle peut donc être un facteur diagnostique précieux pour évaluer la fonctionnalité du foie.

Cependant, il n’existe pas actuellement de méthodes de dosage ni de valeurs usuelles fiables chez les reptiles. La réalisation d’une numération-formule sanguine peut se révéler utile pour caractériser le mode d’évolution de l’affection ou pour mettre en évidence certaines infections ou certains processus qui lèsent les hépatocytes.

La taille de l’animal n’autorise pas toujours la réalisation d’un prélèvement sanguin. Il est alors nécessaire de s’orienter vers l’endoscopie, qui permet la visualisation directe des organes. Une analyse histologique sur des biopsies hépatiques est la seule méthode qui autorise, à l’heure actuelle, un diagnostic de certitude. Des prélèvements de tissu hépatique, réalisés à intervalles réguliers, permettent de suivre l’évolution de la maladie et ainsi de fournir un pronostic aux propriétaires.

Traitement

Le traitement de la lipidose hépatique passe par celui de la cause initiale, lorsqu’elle existe. Dans l’attente du diagnostic définitif ou quand aucune maladie sous-jacente n’est mise en évidence, un traitement de soutien est mis en place, incluant une réhydratation (voie intracœlomique, intraveineuse ou intra-osseuse) et une réalimentation (sonde d’œsophagostomie).

Le protocole de réalimentation doit tenir compte des besoins physiologiques de l’animal, ainsi que de son régime alimentaire de base (omnivore, carnivore, herbivore). La ration journalière à administrer est calculée à partir d’une formule empirique, valable chez tous les reptiles, et qui donne le taux métabolique moyen (32 x poids0,77). Cette valeur est multipliée par 2,5 lorsque l’animal est malade. La réalimentation doit augmenter progressivement jusqu’à la ration calculée et être fragmentée en plusieurs repas sur la journée. L’emploi de compléments alimentaires (carnitine, choline, méthionine) est envisagé pour promouvoir le métabolisme des graisses hépatiques, mais leur efficacité n’est pas prouvée.

Bibliographie

  • → Divers S.J. Reptile diagnostic endoscopy and endosurgery. Veterinary clinics of North America : exotic animal practice, 2010, 13, pp. 217-242.
  • → Mader D.R. Reptile medicine and surgery. Saunders, St Louis, 2006, 1242 p.
  • → McArthur S., Wilkinson R., Meyer J. Medicine and surgery of tortoises and turtles. Blackwell Publishing, Oxford, 2004, 579 p.
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