VISITE D’UNE FERME DÉDIÉE À L’ÉLEVAGE DE GRENOUILLES AU BRÉSIL - La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013

Reportage

Auteur(s) : Cyril Parachini-Winter

Une ferme expérimentale de raniculture prospère depuis 25 ans au cœur de l’état de São Paulo, le plus riche et le plus peuplé du Brésil. Cet élevage de grenouilles répond à trois objectifs : produire de la viande, aider la recherche, et fournir des animaux vivants aux facultés de médecine vétérinaire et humaine de l’état.

L’universidade Estadual Paulista (Unesp) est une conjonction de 23 facultés publiques de haut vol, réparties à travers l’état de São Paulo, au sud-est du Brésil. Celle de Jaboticabal, une ville de 73 000 habitants située à 350 km au nord-est de la capitale de l’état, est le siège administratif du centre d’aquaculture de l’Unesp (le Caunesp). L’un des services le plus ancien du centre, puisqu’il existe depuis sa création en 1988, est celui de raniculture, l’élevage de grenouilles. Ce service est le seul centre de recherche spécifique de l’état.

Deux espèces de grenouilles élevées

Même si les Brésiliens ne manifestent pas envers les Ranidae un engouement comparable à celui prêté aux Français, le marché de la viande de grenouille reste ouvert, en particulier dans le sud du pays : 178 746,4 t de poisson y sont consommées par an, versus 629,5 t de grenouilles, dont 434,5 t dans le sud-est et 7,5 t dans le nord-est, par exemple. Le service de raniculture de l’Unesp et les 45 doctorants qui y travaillent ne manquent donc pas de perspectives.

Deux espèces y sont élevées : la grenouille taureau (reconnaissable à ses pattes palmées, un cercle clair autour de la membrane tympanique et le bruit caractéristique émis par les mâles) et la grenouille piment (dénommée ainsi en raison d’une odeur de piment rouge générée par ses phéromones) aux pattes non palmées, aux bras moins musclés, de couleur orangée, dont les mâles sont munis d’un pédicule thoracique pour s’amarrer à la femelle en période de reproduction. Les grenouilles sont élevées dans un triple objectif : la production de viande, bien entendu, la recherche dans de nombreux secteurs (pathologie, digestibilité, reproduction, etc.), et la vente d’animaux vivants aux facultés de médecine vétérinaire et humaine de l’état pour les dissections.

Un élevage spécifique avec des protocoles d’induction précis

Le déclenchement de la ponte chez les femelles et de la spermatogenèse chez les mâles au cours de la période de reproduction (de novembre à mars, pendant la saison des pluies) est induit par une injection de buséréline : 0,5 ml à 7 h le matin, puis 1 ml à 19 h pour la femelle (sept heures plus tard, les œufs sont émis) et 0,25 ml à 7 h le lendemain chez les mâles, avec une récolte de sperme deux heures plus tard. Les spermes de trois mâles sont utilisés pour chaque femelle afin de favoriser la diversité génétique. Les semences mélangées, les œufs ne mettent que quatre à cinq jours pour éclore (ils éclosent beaucoup plus rapidement au Brésil que dans les eaux froides du Canada d’où sont issues les grenouilles taureau). Les têtards se transforment en deux à trois mois en adultes (de la même manière, cela peut prendre trois ans au Canada).

Dans des conditions naturelles au Brésil, les adultes se reproduisent deux fois par an. Mais dans celles assurées par le centre, idéales au niveau de l’humidité et du calme, la reproduction est continue, avec une ponte tous les deux mois de 10 000 œufs en moyenne par femelle les trois premières années, dont 5 à 6 % survivent.

Une valorisation de toute la carcasse

Après un étourdissement assuré par un choc thermique froid, puis la perforation de la moelle épinière avec un pic en métal, la grenouille est dépecée, ses extrémités sont coupées, les viscères soigneusement retirés, le cloaque et la carcasse lavés. Les jambes sont commercialisées pour la viande. Le foie sert à faire du pâté, les muscles du thorax sont valorisés sous forme de viandes séparées mécaniquement (VSM) pour la production de nuggets. La peau est utilisée pour ses propriétés curatives dans les services de grands brûlés des hôpitaux.

De la difficulté du diagnostic à l’absence de traitement

Par manque de connaissances actuelles suffisantes sur l’alimentation des grenouilles, elles sont nourries avec la ration préconisée pour la truite. Celle-ci est riche en protéines animales (farines de poisson) et végétales (blé, maïs, soja), à hauteur de 40 % de protéines brutes. Cette alimentation mal adaptée est à l’origine des deux principales maladies qui sévissent dans l’élevage ranicole : la cirrhose et l’insuffisance rénale. Les iridovirus ne se manifestent que par une auréole blanchâtre autour de la bouche des têtards, mais ils diminuent considérablement leurs défenses immunitaires, ouvrant l’accès à d’autres germes tels que les streptocoques qui provoquent des troubles neurologiques (animaux en décubitus latéral). La mortalité est alors élevée. Aeromonas hydrophila est également assez virulent : il provoque une maladie appelée pernas vermelhas (ou red leg) qui engendre de nombreux dysfonctionnements d’ordre circulatoire, occasionnant des insuffisances organiques et l’apparition de points rouges coalescents sur les membres postérieurs. Dans tous les cas, le diagnostic étiologique ante mortem est rare. L’apparition d’une telle épidémie à la ferme expérimentale entraîne alors l’abattage systématique de tous les animaux et la mise en place d’un vide sanitaire.

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