« La négociation sur le médicament doit retrouver un caractère collectif » - La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013

Entretien avec Pierre Buisson, président du SNVEL et d’Isovet

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Auteur(s) : Marine Neveux

En septembre 2011, le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) ouvre le site web de sa centrale de négociation des remises arrière, Isovet. État des lieux aujourd’hui avec son président.

La Semaine Vétérinaire : combien y a-t-il d’adhérents à Isovet aujourd’hui ?

Pierre Buisson : Isovet compte à ce jour 783 adhérents, versus 1 200 il y a un an. Nous constatons une baisse constante, mais sans variation de l’équilibre entre les catégories de vétérinaires, toujours représentatif du profil général de la profession. Nous notons ainsi une perte de 30 % à laquelle nous nous attendions, la première année bénéficiant d’un effet “curiosité” des vétérinaires qui n’avaient jamais négocié de contrats.

70 % des adhérents ne sont pas membres du SNVEL, ce qui est parfois mal vécu par nos confrères syndiqués qui s’étonnent que ceux qui ne participent pas au mouvement syndical bénéficient des mêmes avantages. Isovet n’est pas une entreprise philanthropique, nous n’en tirons pas de bénéfices, mais nous souhaitons ne pas avoir de pertes pour rester à l’équilibre. Ce qui nous tient à cœur, c’est le projet politique. Il est mené par une société filiale du SNVEL qui réalise ce service au profit de cette politique. Il faut faire évoluer les choses pour que la négociation sur le médicament retrouve un caractère collectif.

S.V. : Pourquoi plusieurs administrateurs du SNVEL n’adhèrent pas ou n’ont pas confié à Isovet leurs gros achats ? Par ailleurs, la possibilité pour les confrères d’acquérir des parts de la SAS Isovet est-elle toujours d’actualité ?

P. B. : S’interroger sur la non-adhésion de certains membres du conseil d’administration du SNVEL s’apparente à un procès d’intention. Les motifs de ces administrateurs sont personnels et professionnels, ils n’ont pas à être pointés du doigt. En outre, nombre d’administrateurs du syndicat ont dû négocier au niveau de leur structure pour convaincre leurs associés, ce qui témoigne de leur engagement. Au final, 13 sur 15 ont choisi Isovet. Nous n’avons pas encore offert la possibilité aux confrères de prendre des parts dans la SAS Isovet, car elle est actuellement déficitaire, donc peu susceptible de générer de telles acquisitions. Mais si le contexte le permet, toutes les options seront étudiées.

S.V. : Les adhérents à Isovet devaient profiter de remises s’ils s’engageaient à des contreparties bénéficiant aux laboratoires : quelles sont-elles ?

P. B. : Nous avions envisagé, l’an passé, de proposer des contreparties aux laboratoires, mais seulement s’ils nous proposaient des avantages significativement différents des conditions habituelles. Or les différences ne sont pas si importantes, elles sont ciblées aujourd’hui sur la disparition des seuils et des effets de stockage. D’ailleurs, aucun laboratoire n’a demandé, pour 2012, des contreparties aux remises. Certains partenaires ayant accordé des conditions particulières ont sollicité, cette année, des contreparties dans leur contrat cadre : étude de notoriété, enquête auprès des propriétaires ou éleveurs utilisateurs finaux de leurs produits, mise à disposition de la liste des adhérents ayant consulté les conditions commerciales sur Isovet.fr. D’autres nous ont simplement demandé de ne pas négocier en référencement, comme un groupement d’achat classique.

S.V. : N’est-ce pourtant pas une obligation légale à justifier devant la DGCCRF ?

P. B. : Si le respect de la loi devait être exploré concernant ces contreparties, ce ne serait pas chez les vétérinaires adhérents à Isovet, qui représentent une part minime et qui ne suscitent pas l’intérêt de l’autorité de la concurrence. En revanche, les gestionnaires de certains GIE devraient s’inquiéter, n’ayant qu’à offrir leurs statistiques d’achats groupés aux laboratoires, alors que leurs centrales les détiennent déjà et en tirent profit. En outre, toutes nos conventions de coopération ont fait l’objet de nombreux échanges avec les services juridiques des partenaires.

Nous avons voulu montrer qu’un groupe de quelque 800 vétérinaires peut justement refuser de s’engager sur des volumes. Ce point est essentiel, il reste anormal que l’engagement d’achat d’une dizaine de vétérinaires permette d’obtenir des conditions très différentes de celles décrochées par 800 vétérinaires restant libres.

S.V. : Vu les mises en cause des derniers mois (remises arrière et tout contrat commercial, encadrement sous le ministère de Bruno Le Maire jusqu’à la réflexion ouverte par Stéphane Le Foll sur le découplage), le débat autour d’Isovet n’a-t-il pas eu pour effet de mettre ces remises et les incitations commerciales sur le devant de la scène, dans un contexte de réduction des antibiotiques, et de provoquer la remise à plat du système ?

P. B. : Les membres du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) n’ont pas changé après les élections, et leur position sur le médicament non plus. Ce qui a pollué le débat, c’est la conviction du ministère de l’époque que la mesure n° 29 du plan écoAntibio 2017 ne devait pas concerner seulement les antibiotiques. De notre côté, nous nous étions accordés sur le fait que la mesure n° 29 serait une concession nécessaire à la médecine humaine. Concession qui s’inscrivait dans l’évolution de la société. Mais sous l’influence de certains représentants et partenaires de notre profession, le débat s’est cristallisé.

De plus, la transparence souhaitée par les principes fondateurs d’Isovet a permis de dissiper les fantasmes quant aux avantages commerciaux accordés.

Enfin, la volonté de découpler les remises arrière potentielles des promesses d’achat d’un volume défini en début d’année constitue un atout auprès des décideurs.

S.V. : Partagez-vous l’opinion des laboratoires qui ont approuvé l’arrêt des remises arrière et des contrats de coopération commerciale dès décembre 2011 ? Seriez-vous prêt à sacrifier les remises pour conserver les ventes de médicaments ?

P. B. : Nous ne sommes pas dans cet arbitrage. Il n’y a que pour les antibiotiques que l’État peut être légitime à modifier le Code de commerce. L’an passé, un lobby importun est venu polluer le vrai débat. Nous avons besoin d’antibiotiques raisonnablement chers, c’est dans la logique même de la réduction de leur consommation.

S.V. : Isovet n’a pas recueilli le consensus de tous les laboratoires, qui ont parfois eu l’impression d’être placés au rang des accusés. Le système vous paraît-il plus équitable aujourd’hui ? Initialement, le mandat d’Isovet était de négocier les remises les plus élevées du marché, sans engagement de chiffre d’affaires. Le projet a évolué (reconnaissance des remises arrière minimales atteignables à titre individuel, barème d’écart transparent). Est-ce une déception pour le SNVEL ?

P. B. : Il n’y a pas de déception du syndicat, cela a fait jouer la concurrence entre les laboratoires. Les lignes bougent, les écarts entre les affairistes et les confrères dynamiques se réduisent. De plus, cela a obligé ceux qui n’étaient pas entrés dans le système à se poser des questions. Certains n’ont pas fait de propositions.

Si on retrouve les mêmes écarts dans un système dépositaire, quelle sera la différence ? Les remises arrière ont pris une ampleur dans certaines gammes, mais les solutions alternatives peuvent être pires et ne sont pas simples à mettre en œuvre dans un contexte européen.

S.V. : Le SNVEL s’est engagé, il y a un an1, à faire la promotion des laboratoires qui ont fait des efforts techniques et financiers : qu’en est-il ?

P. B. : Absolument pas, notre syndicat ne s’est jamais engagé dans une telle démarche, qui serait d’ailleurs contraire à son éthique.

S.V. : Diriez-vous qu’Isovet est une initiative profitable pour l’ensemble de notre profession, et bénéfique quant à la perception donnée aux autres acteurs ? Pour l’avenir, encouragez-vous toujours les vétérinaires à rejoindre l’aventure ?

P. B. : C’est une solution qui correspond bien à près de 800 vétérinaires. Elle répond à un vrai besoin, en raison de la carence des grossistes répartiteurs depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui, c’est un service attendu pour les vétérinaires qui n’ont pas envie de se positionner comme des négociateurs. C’est aussi une réponse à l’évolution des laboratoires, qui sont passés d’une culture de la visite médicale à celle de la force de vente.

Certains vétérinaires ont du mal à accéder au marché, alors que le SNVEL leur propose un système pour y entrer. L’autre point positif d’Isovet est sa démarche politique, qui a permis de faire prendre conscience à des confrères quelle place le médicament représente dans leur activité. Les avantages du partenariat avec Isovet sont nombreux : l’abaissement des seuils, l’abandon de l’obligation de stockage, l’effet de seuil qui disparaît pour les antibiotiques critiques, le refus des engagements de volume, etc. En outre, Merial et Virbac ont choisi de présenter des conditions tarifaires plus homogènes pour les vétérinaires, il s’agit donc aussi d’une reconnaissance politique. Il y a une légitimité à simplifier et à rendre cohérente la façon dont le vétérinaire accède au médicament.

S.V. : Quel devenir envisagez-vous pour Isovet à court et moyen termes ?

P. B. : La question sera reposée à tous les adhérents via un sondage en ligne. Le projet s’inscrit dans la durée. Ensuite, il conviendra de déterminer si les vétérinaires trouvent un avantage à déléguer cette négociation : « Pour 150 €, est-ce intéressant pour vous ? », telle est la question que nous leur poserons.

Enfin, la communauté des adhérents d’Isovet pourrait servir de groupe test pour le suivi des prescriptions d’antibiotiques que les autorités françaises et européennes attendent.

  • 1 Réunion du 8 mars 2012, voir La Semaine Vétérinaire n° 1487 en page 22.

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