L’Europe n’a presque plus la rage - La Semaine Vétérinaire n° 1532 du 22/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1532 du 22/03/2013

Dossier

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Depuis la mise en place de programmes d’éradication, le front de la rage terrestre recule progressivement hors des frontières européennes. Les contaminations humaines autochtones ont disparu, du moins en Europe de l’Ouest. À l’est, des programmes de vaccination orale des renards, associés à la vaccination obligatoire des espèces sensibles, sont partiellement financés par la Commission européenne.

Il est désormais acquis que le sol français (métropolitain) est indemne de rage. Il en est de même pour nos plus proches voisins, à tel point que les arguments manquent pour conseiller de vacciner contre la maladie. Pourtant, la menace demeure, moindre, mais toujours présente en raison des importations illégales de carnivores, mais aussi de la situation sanitaire des pays aux alentours.

Un exemple récent est celui de la Grèce. Fin 2011, un cas de rage chez un renard lui est notifié par le pays voisin, l’ancienne république yougoslave de Macédoine, à 3 km de la frontière. La surveillance mise en place, avec l’aide de la Commission européenne, permet de détecter un cas sur le sol grec en octobre 2012, là aussi chez un renard, dont le comportement est jugé fortement suspect. Depuis, plusieurs cas ont été confirmés, chez des renards, mais aussi chez des animaux domestiques, tous dans la même zone (Macédoine et Thessalie).

Un peu plus loin dans le temps, l’Italie a fait les frais du retour de la rage vulpine depuis un pays voisin. En 2008, un renard est tout d’abord suspecté, puis confirmé enragé, et les contrôles effectués dans la faune sauvage mettent en évidence la maladie chez sept autres renards et un blaireau. En 2009, une soixantaine de renards sont confirmés infectés, mais également trois chiens, un âne, un chevreuil et deux blaireaux. Au pic de l’épizootie, en 2010, 209 cas sont enregistrés, majoritairement chez des renards, mais là aussi plusieurs animaux domestiques sont infectés (neuf chats, une vache, un cheval). Quatre campagnes de vaccination orale des renards par voie aérienne sont effectuées d’urgence, entre décembre 2009 et décembre 2010, suivies par des dépôts manuels d’appâts deux fois par an au printemps et en automne, en 2011 et 2012. Le résultat est probant : la surveillance passive ne détecte qu’un unique renard enragé en 2011. En 2013 et 2014, seule la zone frontalière de la Slovénie et le coin nord-est de la frontière avec l’Autriche feront encore l’objet d’une vaccination orale.

Certains pays sont indemnes ou n’ont pas détecté de cas sur leur sol durant ces trois dernières années (Autriche, Belgique, Chypre, république Tchèque, Danemark, Finlande, Grèce, Irlande, Luxembourg, Malte, Portugal, Slovaquie, Suède). D’autres ont déclaré un cas d’importation (France, Pays-Bas, Allemagne). Mais dans certains États membres, la rage demeure un enjeu de santé publique (voir tableau en page 29), même si la mortalité humaine reste rare (entre 2010 et 2012, seulement un mort en Italie, en Roumanie et au Royaume-Uni).

LA LUTTE ANTIRABIQUE, UNE PRIORITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE

Bruxelles finance, tous les ans, des programmes de lutte et d’éradication de la rage dans les derniers pays de l’Union atteints, mais également en partenariat avec les pays voisins et les pays accédants. Dix en bénéficient actuellement : la Bulgarie, la Grèce, l’Estonie, l’Italie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie. Dans ces dix pays, l’Europe participe au financement des programmes approuvés à hauteur de 75 % des coûts de chaque État pour :

– les animaux sauvages échantillonnés (5 € par animal) ;

– le transport des échantillons aux laboratoires pour la détection des antigènes et des anticorps ;

– l’isolation et la caractérisation du virus ;

– la détection de biomarqueurs et le titrage des appâts vaccinaux ;

– l’achat et la distribution des vaccins oraux et des appâts ;

– l’achat et l’administration de vaccins parentéraux aux herbivores domestiques ;

– en Grèce, le travail du personnel de laboratoire recruté.

Les remboursements sont effectués sur la base de 12 € par test sérologique et test de détection de la tétracycline dans l’os, 18 € par test FAT, 0,60 € par dose pour l’achat du vaccin oral et des appâts, et 0,35 € par dose pour leur distribution.

Les campagnes de vaccination suivent un schéma bien rodé, avec deux périodes de distribution des appâts vaccinaux par an, au printemps et en automne, à raison de 20 par kilomètre carré, et jusqu’à 40 lors des vaccinations d’urgence ou dans les zones à forte prévalence. L’efficacité est au rendez-vous : la frontière de la rage recule d’année en année (voir carte). Des partenariats sont conclus avec les pays voisins de l’Union, afin de protéger les zones limitrophes, en général des bandes de 50 km de profondeur le long des frontières. En Russie, Bruxelles finance pour la deuxième fois un programme de trois ans dans la région de Kaliningrad (jusqu’en 2014), coordonné par la Lituanie, avec des campagnes de vaccination biannuelles. Si aucun cas n’est désormais signalé dans les zones frontalières de la Pologne et de la Lituanie, il y a encore quelques contaminations dans Kaliningrad. De la même manière, la zone russe le long de la frontière finlandaise, la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie et la Lettonie, ainsi que l’Ukraine le long de sa frontière avec la Pologne bénéficient des fonds européens, avec une prise en charge à 100 % du coût d’achat et de distribution des appâts et des vaccins. Une extension est prévue le long des frontières de l’Estonie et de la Lettonie (Russie), et en Ukraine le long de la frontière avec la Slovaquie et la Hongrie.

En Turquie, un premier programme, de 2007 à 2010, a consisté à mettre en place des mesures de contrôle (vaccination de masse des chiens, campagnes de vaccination orale des renards et début de la surveillance de la faune sauvage) et une assistance technique. Un second, jusqu’en 2014, permettra de financer la vaccination des carnivores sauvages, pour un total de 1,8 million d’euros. Les pays qui préparent leur accession à l’Europe bénéficient également de son aide, en raison de la forte présence de la rage sur leur sol (voir tableau ci-dessus). Il s’agit autant de mettre en place des programmes d’éradication que d’assurer la transition vers l’Union européenne et ses règlements de 2007 à 2013. Ainsi, 11 milliards d’euros ont été alloués par Bruxelles à sept pays – la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, l’ancienne république yougoslave de Macédoine (Arym), la Serbie, le Monténégro et le Kosovo –, dont 95 millions pour la seule lutte antirabique. Les campagnes de vaccination orale, telles qu’elles sont pratiquées dans le reste de l’Union (procédures de largage des appâts, contrôles des doses vaccinales, surveillance du pourcentage d’animaux qui ont consommé les appâts via la mesure de biomarqueurs et du taux d’animaux vaccinés par une analyse sérologique) ont débuté en 2010 au Kosovo et en Serbie, et sont pratiquées partout sauf en Albanie depuis 2012. Après deux campagnes de vaccination orale, le résultat est déjà nettement visible en Serbie qui enregistre une chute du nombre de cas.

LE PROBLÈME DES CAS DE RAGE IMPORTÉS

En amont des modifications réglementaires liées à l’harmonisation des procédures de mouvement des animaux domestiques en Europe, le Royaume-Uni a procédé à une évaluation du risque d’importation d’un animal enragé sur son territoire avec la disparition du Pet Travel Scheme (Pets). Dans son rapport publié en août 2010, la Veterinary Laboratories Agency (VLA) estime que ce risque serait d’un cas tous les 211 ans, ou tous les 9,8 millions d’animaux de compagnie introduits.

La plupart des cas de rage importés ces quinze dernières années provenaient d’Afrique du Nord. La coopération entre les pays nord-africains et l’Europe s’est notamment concrétisée dans le projet Rabmetcontrol. Son objectif est d’identifier les clés écologiques et épidémiologiques de la dynami­que de la rage et de son contrôle dans le nord de l’Afrique, ainsi que son implication pour les pays d’Europe du Sud. L’étude des populations canines dans les différents pays concernés a mis en lumière l’importance de la réduction du nombre de chiens errants, une mesure conseillée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Devant le nombre de voyageurs contaminés ou potentiellement contaminés durant des séjours hors d’Europe, des recommandations ont été émises (en France, par l’Institut de veille sanitaire). Il s’agit surtout de mesures de bon sens : ne pas toucher un animal domestique inconnu, ne pas s’approcher d’animaux sauvages au comportement étrange (essentiellement l’absence de fuite devant l’homme), nettoyer et désinfecter les plaies, etc. Une vaccination antirabique est conseillée pour les expatriés (qui vont rester un certain temps dans une zone à risque), mais aussi pour les touristes qui se rendent dans des territoires isolés.

LA LUTTE CONTRE LA RAGE AU NIVEAU MONDIAL

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à plus de 60 000 le nombre de décès dus à la rage dans le monde, dont 95 % en Afrique et en Asie. La rage canine serait responsable de plus de 30 000 décès annuels en Inde et 24 000 en Afrique. La maladie demeure mortelle après l’apparition des signes cliniques. Les populations exposées au virus sont traitées par une vaccination d’urgence, qui concerne plus de 150 000 personnes chaque année. 90 % des cas sont consécutifs à la morsure d’un chien. 40 % des traitements de postexposition sont destinés à des enfants de moins de quinze ans, en général des garçons.

Le coût du traitement chez l’homme est élevé. Les stratégies de lutte contre la rage actuellement appliquées en Afrique et en Asie comportent toutes une phase de vaccination de masse des animaux domestiques, surtout des chiens, nettement moins onéreuse que le traitement chez l’homme, suivie par l’abattage des chiens errants ou non vaccinés. Lorsque l’identification individuelle des animaux n’est pas possible, un collier spécifique, porté par les chiens vaccinés, permet de les différencier de leurs congénères errants qui sont alors abattus. En Égypte, la population canine a été estimée à 3 millions d’individus, avec un ratio de quinze chiens errants par chien domestique en 2009.

Au Sri Lanka, 500 millions de roupies sont dépensés pour les traitements de postexposition, et environ 100 millions pour des programmes de vaccination et de stérilisation des chiens qui ont réduit de moitié la population canine. En 2012, 28 personnes sont mortes de la rage canine dans le pays, versus 59 en 2010, année où 125 000 personnes ont reçu un traitement de postexposition. Le gouvernement sri lankais poursuit un objectif d’éradication de la maladie d’ici à 2016.

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