Alimentation pratique et évaluation de l’état des ânes - La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : ERIN GILLAM

L’âne a évolué pour vivre dans des environnements semi-arides avec comme seule alimentation une végétation clairsemée de mauvaise qualité. L’efficacité digestive dont il dispose pour digérer des fibres de pauvre qualité nutritionnelle est davantage semblable à celle d’une vache que d’un poney. Cela signifie que les ânes nourris de la même manière que leurs congénères équins peuvent devenir obèses.

ÉTAT CORPOREL ET ESTIMATION DU POIDS

L’évaluation de l’état corporel est essentielle à la gestion des ânes. Ces équidés ont une forme corporelle différente des chevaux (squelette plus angulaire et abdomen plus pendulaire). Ils fixent leurs réserves de graisse dans des zones localisées qui incluent l’encolure, les épaules, le dos, le thorax et la croupe. Lorsque ces dépôts graisseux sont présents de longue date, ils peuvent se calcifier et persister malgré un régime. Ces dépôts de graisse calcifiés sont alors cliniquement significatifs, car s’ils sont lésés, leur mauvais apport vasculaire peut entraîner le développement d’une panniculite, difficile à traiter. Au Royaume-Uni, le Donkey Sanctuary a développé une méthode de notation de l’état corporel des ânes. Il existe ainsi des équations qui permettent d’estimer le poids idéal d’un âne selon sa hauteur et sa circonférence au garrot (voir figure 1) :

– âne adulte : poids = 0,000252 x hauteur 0,24 x circonférence au garrot 2,575 ;

– âne de moins de deux ans : poids = 0,000283 x circonférence au garrot 2,778.

BESOINS ALIMENTAIRES

Apport quotidien et besoins énergétiques

Les besoins nutritionnels des ânes sont souvent estimés à 75 % des apports pour un poney de même taille. Toutefois, des travaux ont montré que cela surestimait leurs besoins. Ces études ont établi les valeurs en énergie digestible (ED) et en consommation de matière sèche (CMS) pour un âne adulte au repos, nourri avec des fourrages fibreux (orge, paille ou fourrage de maïs) et avec du foin ou du pâturage en supplément, et cela selon la saison. Avec ce type de régime, un apport quotidien en matière sèche équivalant à 1,3 ou 1,7 % du poids corporel serait suffisant pour l’entretien d’un âne (valeur basse en été, haute en hiver). Ces résultats sont inférieurs aux besoins en CMS d’un poney (2 à 2,5 %). En termes d’énergie digestible, entre 80 et 95 kJ ED/kg/j suffisent, alors que les poneys nécessitent environ 140 kJ ED/kg. La diète adéquate pour les ânes doit en outre s’adapter à la saison et à leur poids (voir tableau ci-dessus).

Exigences en protéines, vitamines et minéraux

Les ânes ont des besoins quotidiens en protéines brutes de l’ordre de 40 g pour 100 kg de poids corporel. Pour la plupart des individus matures et sains, les besoins en protéines sont atteints lorsque les exigences en ED sont satisfaites. Comme une carence protéinique peut limiter la réparation des tissus, il peut être nécessaire de fournir des protéines supplémentaires (farine de soja ou luzerne) aux ânes en période de convalescence, afin d’améliorer le temps de récupération. Les apports recommandés en vitamines et en minéraux sont les mêmes que pour les chevaux. Ces niveaux sont atteints en permettant un accès quotidien à un pâturage frais ou à un bloc de sel, ou en ajoutant un complément nutritionnel.

ALIMENTATION PRATIQUE

L’alimentation des ânes commence par une compréhension de leur comportement. Ces équidés de nature grégaire peuvent refuser de manger s’ils n’ont pas un compagnon. En revanche, ils sont souvent victimes d’intimidation de la part des chevaux, des poneys et des mules au moment du repas. Il peut donc se révéler nécessaire de les nourrir séparément afin d’éviter les blessures et d’assurer une alimentation adéquate.

Les ânes malades simulent souvent la consommation d’aliments. Ils mastiquent alors pendant de longues périodes, voire font semblant de déglutir, sans vraiment avaler l’aliment.

Les ânes sont sujets au développement de fourbures, d’ulcères gastriques, d’hyperlipémie et de lipidose hépatique. Une alimentation inappropriée peut conduire à l’apparition ou à l’exacerbation de ces troubles. Les aliments pour équidés à base de céréales ou contenant des niveaux élevés de mélasse sont à éviter. De plus, l’alimentation intermittente avec des granulés peut provoquer des pics d’insuline et une augmentation du pH gastrique, associés ensuite à une hyperlipémie, à des ulcères gastriques et à des coliques par impaction.

Dans les climats tempérés, la paille reste l’aliment le plus faible en énergie. La diète à base de paille est bien tolérée par les ânes. De plus, ceux nourris uniquement avec du foin ou au pâturage risquent de devenir obèses ou de voir leur apport alimentaire total limité, au point de développer des ulcères gastriques ou des stéréotypies.

ALIMENTATION SPÉCIFIQUE LORS DE TROUBLES ALIMENTAIRES

La majorité des ânes se débrouillent fort bien avec les rations de base, mais il y a des cas qui nécessitent une alimentation spécialisée. La prise en charge d’un âne dont l’état corporel est insuffisant suit alors plusieurs étapes (voir figure 2).

Gestion nutritionnelle de l’anorexie

L’anorexie et la léthargie sont les signes cliniques les plus fréquemment observés chez l’âne. Ils conduisent rapidement vers l’hyperlipémie, une maladie souvent fatale. Face à ces signes, les taux sanguins de triglycérides doivent être surveillés et, en cas d’augmentation, un traitement adéquat est à mettre en place.

Les ânes avec un faible appétit peuvent accepter de manger un mélange de céréales avec de la mélasse. Toutefois, ces régimes peuvent être dangereux sur le long terme et sont donc à éviter. Beaucoup d’ânes peuvent être stimulés à manger par l’ajout aux aliments fibreux de bonbons à la menthe, de menthe fraîche ou séchée, de gingembre, de pommes ou de carottes, de peaux de banane ou de jus de fruits. Il peut également être utile de les nourrir à la main, car les grands seaux sont souvent refusés. Les ânes qui ne montrent aucun intérêt pour la nourriture peuvent être tentés de manger s’ils sont conduits à proximité d’une haie où ils pourront brouter des ronces et des herbes. En outre, le compagnon de l’âne malade doit rester à proximité, même en milieu hospitalier.

Il peut se révéler nécessaire de nourrir les ânes sans appétit volontaire par un sondage nasogastrique. Le régime adapté est riche en fibres et complété avec des prébiotiques et des probiotiques. Afin de prévenir les carences qui pourraient conduire à un iléus, 1 g de chlorure de potassium est ajouté pour chaque litre d’eau de boisson. L’alimentation des ânes via une intubation nasogastrique peut prédisposer ou exacerber l’hyperlipémie en raison du stress qui en résulte. La nutrition parentérale doit être initialisée dès que des signes d’hyperlipidémie sont observés.

Obésité, fourbure et syndrome métabolique équin

La gestion des ânes obèses est difficile et nécessite une intervention vétérinaire. Des analyses sanguines sont utiles pour vérifier les niveaux de triglycérides, d’insuline et de glucose avant de modifier le régime alimentaire.

Un examen dentaire, ainsi qu’une évaluation de la capacité de l’âne à tolérer l’exercice sont également conseillés. Les animaux qui présentent des taux élevés de triglycérides (2 < 4 mmol/l) doivent entreprendre un programme d’exercice avant tout changement alimentaire. Ceux qui souffrent d’un syndrome métabolique équin sont traités avec de la metformine (molécule glucophage, 15 à 30 mg/kg, deux fois par jour). La prise en charge diététique doit se concentrer sur la paille, avec peu de pâturage en été et peu de foin en hiver.

Par ailleurs, des niveaux élevés de glucides non structuraux (sucres simples, amidon, fructanes) dans herbe luxuriante, mais aussi dans l’herbe givrée ou stressée par la sécheresse et le surpâturage, peuvent augmenter la résistance à l’insuline et prédisposer à une fourbure d’origine endocrinienne. Une simple réduction du temps de pâturage a souvent peu d’effet sur l’apport alimentaire total des ânes, car chaque minute passée au pré est alors consacrée à manger plutôt qu’à l’exercice ou aux comportements sociaux. À titre indicatif, un total de 0,2 hectare par animal est nécessaire, divisé en petits paddocks de moins de 0,08 ha chacun. Cela permet d’effectuer une rotation et de maintenir l’herbe courte tout en évitant le surpâturage.

En cas de crise aiguë de fourbure, l’herbe doit être proscrite et remplacée par une diète à base de paille et de fibres pauvres en glucides (moins de 10 %). La consommation de fibres reste indispensable, car un jeûne total risque de provoquer une crise de fourbure hyperlipémique. Du foin peut être distribué, mais en petites quantités, car les niveaux de glucides y sont souvent trop élevés.

Afin d’encourager la consommation d’eau, un ensilage riche en fibres et avec un contenu en glucides déclaré peut être proposé. Le taux de sucre est souvent plus faible dans l’ensilage que dans le foin en raison de la fermentation. En outre, la pulpe de betterave sans mélasse et bien mouillée constitue un moyen efficace d’encourager la consommation d’eau.

GESTION NUTRITIONNELLE DURANT LA GESTATION ET la LACTATION

Les besoins alimentaires des ânesses en période de gestation et de lactation sont extrapolés des lignes directrices chez la jument et doivent donc être traités comme des estimations. Comme pour la jument, aucun changement alimentaire n’est nécessaire pendant les deux premiers trimestres, sauf l’ajout d’un supplément de vitamines et de minéraux (en particulier du cuivre).

Au cours du dernier trimestre, l’ânesse a des besoins énergétiques plus élevés. Pendant ce stade de croissance fœtale, il est essentiel de lui fournir des protéines de qualité, des vitamines et des minéraux. Cela passe par une augmentation progressive de la portion de foin, jusqu’à ce qu’il représente la majorité de la ration. Un supplément à base de vitamines, de minéraux et de protéines et un faible niveau de glucides, tels que ceux conçus pour les poneys indigènes, peut être distribué, sur la base de 75 % des volumes recommandés.

En fin de gestation, la capacité diminuée du système digestif peut empêcher l’ânesse de satisfaire à ses propres exigences énergétiques et à celles du fœtus, la prédisposant à l’hyperlipémie. Les femelles allaitantes sont aussi à risque, les propriétaires devront donc être attentifs aux baisses d’appétit et leur fournir une alimentation adéquate. Un régime à base de pâturage de bonne qualité et de foin peut suffire, ou être renforcé avec un complément pour poulinières ou des cubes de luzerne.

Les ânons peuvent être autorisés à grignoter le repas de leur mère en préparation du sevrage.

Ainsi, la compréhension des différences entre les ânes et leurs cousins équins est capitale pour prévenir les maladies et les troubles du comportement.

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